Les Immortels : La malédiction originelle, Tome Final

Chapitre 33

La beauté de la vie. Blake Campbell était sûr de son existence. Il était certain que la vie était magnifique et source des plus belles merveilles, que la bonté et la lumière pouvait animer toute chose. Cela était son espoir. C'était ce qui avait guidé sa volonté, ce qui lui a permis de vaincre Deus, d'avancer en combattant toutes ces ténèbres qui l'habitaient, qui le constituaient. Il avait traversé tant de choses mais en était toujours sorti avec les mêmes convictions et principes. Mais ces derniers temps, l'esprit rempli des souffrances de milliards d'esprits, le corps constamment assailli par des marques maudites lui murmurant de se laisser aller à la rage, le tout avec une autorité absolue de la destruction qui le tourmente de jour en jour, il avait de plus en plus de difficultés à ne pas sombrer dans les ténèbres les plus complètes. Il se sentait comme au bord d'un ravin, vascillant à chaque instant. Il lui fallait un énorme effort pour ne pas chuter. Disparition de Lisa ? Destruction d'Oseron ? Disparition de Lisbeth ? Le manque de confiance de sa famille ? Tous ces événements l'amenaient de plus en plus près du gouffre où les murmures du monstre en lui se devenaient de plus en plus attrayants. La souffrance insoutenable a déjà détruit bien des convictions, anéanti bien des volontés, détruit bien des vies. Et en ce jour, ce jour où il avait enfin perçu l'énergie tant recherchée de Lisa, une énergie incroyablement affaiblie. Ce jour où sans réfléchir il s'était téléporté dans le Laurus pour enfin la revoir, ce jour où en apparaissant dans le ciel normalement si beau du Laurus il s'est retrouvé nez à nez avec une armée, une légion de mages, de soldats, de guerriers peuplant la plaine à perte de vue, tous venus pour l'accueillir, ce jour là où au milieu de cet océan de monde il avait aperçu sa meilleure amie, enchaînée, captive, ensanglantée, à peine vivante, au milieu de la Légion dorée, de l'armée céleste du Handor, aux côtés de Sigfurd Aeren et du dieu sans nom, avec des visages inconnus, étranges, deux personnes de qui il émanait une énergie anormale, ce jour là Blake Campbell le sentit. Il se sentit comme plongé comme dans un liquide tiède, comme le jour où il était devenu un monarque berserker. Il se sentit submergé, comme dans un état second. Il perdait peu à peu le contrôle, il se laissait aller. Il sentait qu'il etait temps. Pourquoi ? Pourquoi tant de haine envers lui ? Pourquoi tant de frayeur ? Tant de frayeur dans les yeux de ses proches lorsqu'il avait des crises. Tant d'incompréhension, de terreur dans les yeux des dieux. Pourquoi tous se sentaient ainsi à son approche ? N'était-il pas leur sauveur ? N'avait-il pas sacrifié tout son être ? Toute son existence ? Jusqu'à son humanité ? Il avait vécu la mort de toute sa famille, et en quelque sorte sa propre mort. Il avait embrassé une destinée héroïque de surpuissance et se solitude, endossé souffrance sur souffrance. Et c'est ainsi qu'il fut accueilli. Avec une armée prête à prendre sa vie.
-Regarde !! Regarde ton oeuvre !! C'est cela le résultat de tes actes ! Tu n'es pas un héros ! En ce monde ta justice n'a aucune place ! Tu n'es rien de tout ce que tu penses être ! Tout ce que tu incarnes n'est que ténèbres et destruction ! La pire menace pour notre Univers, c'est toi. Obyris, tu n'es rien d'autre qu'un monstre ! S'écria Sigfurd à son égard, du sommet de la grande colline sur laquelle les dieux se tenaient.
Un monstre ? Quelque chose en Blake se brisa. Quelque chose qui était déjà profondément endommagé, quelque chose qui a relâché en lui un déferlement de noirceur. Un monstre... Un monstre. Ça lui semblait tellement évident desormais. Il le ressentait déjà depuis un moment. Il se sentait horribke. Abominable. Sa propre existence le degoutait. Il avait juste besoin... De cette étincelle... Pour se laisser entièrement consumer... Si il était destiné à n'être qu'un monstre destructeur... Sa voix intérieur parla en même temps que lui :
-Que la destruction soit.
Et sans crier gare, il jeta un regard à Sigfurd, qui se désagrègea en cendres noires sans meme pouvoir réagir. Stupeur. Silence au sein des dieux. Ctalxès arbora une expression de surprise. Sigfurd Aeren, un des plus puissants dieux de tous les temps, venait de mourir juste sous leurs yeux. Blake venait d'absorber son energie. Un dieu, en mourant, entraîne une explosion terrible d'énergie magique, mais l'esprit vengeur de Blake désirait plus. Il voulait infliger la souffrance et la terreur, ne souhaitait pas que tout se termine en une seule grande explosion. Non. Il voulait se déchaîner. Tel était l'instinct d'un monarque berserker. Tel était l'envie du Souverain de la destruction. En une seconde il fut sur la colline, il apparut près de Lisa, attrapa celle ci sans que Ctalxès ne put faire quoi que ce soit et la soigna immédiatement, régénéra entièrement tout son corps. Ses blessures disparurent. Il la posa à terre et se tourna vers les dieux de la Légion, galvanisés de terreur, son aura sombre semblait avoir noyé tout l"Univers dans les ténèbres les plus intenses. Les guerriers mortels dans la vallée mourraient un à un seulement en percevant son énergie. Il absorbait toute vie, si les uns mourraient à cause de son Autorité de destruction, les autres mourraient simplement de peur. Il se tourna vers Galva Motharon et le regarda. Ce dernier, sentant sa fin arriver, était prêt à affronter son destin. C'est alors qu'une autre famille interdimensionnelle s'ouvrit pile devant Blake et qu'un à un ses frères et soeurs en sortirent, l'air grave. Tous se tenaient devant lui, formant une barrière entre lui et les dieux :
-Blake, ça suffit maintenant. Tu en as déjà trop fait. dit Jay.
Il tendit une main vers Blake pour le raisonner mais perdit immédiatement son bras. Celui ci gisait à terre, on pouvait voir la chair de Jay à vif, son sang giclant de partout. Blake avait sorti l'épée du pouvoir. Il avait coupé le bras de son frère. Son visage n'exprimait plus aucune émotion, ses yeux n'avaient jamais été aussi sombre. Il ne dit absolument rien. Ses autres frères et soeurs, stupéfiés, fixaient le bras de Jay qui ne se régénérait pas. Celui ci se mit à hurler de douleur, tombant à genoux devant son propre frère, qui brandit alors son épée, prêt à devenir son bourreau. C'est alors que la foudre s'abattit sur lui, et une Andorra luisante d'électricité apparut afin de stopper son mouvement :
-Tout s'arrête maintenant. dit-elle d'un air déterminé.