Épilogue

1.3K 115 162
                                    

Le son des vagues accompagna mon réveil. Les jambes enroulées dans les draps, je me retournai avec lenteur, mes pupilles fatiguées dès lors assaillies par la lumière matinale. Elle s'immisçait à travers le léger rideau qui voletait au gré du vent, et peinait à réchauffer mon visage endormi. Les rayons du soleil parvenaient néanmoins à caresser le dos nu de Jimin, qui dormait à mes côtés, les traits apaisés, les lèvres entrouvertes, le nez retroussé.

J'étendis le bras pour attraper la couverture, calée sous son ventre, et recouvrir son dos. Mes doigts effleurèrent sa peau, un peu froide, puis s'échouèrent sur sa nuque. Ses cheveux noirs en désordre, je les démêlai avec douceur, il marmonna dans son sommeil, frottant son visage contre l'oreiller. J'imitai sa position, calant mon menton sur mon avant-bras, mon souffle chatouillant sa joue. Jimin se cacha en remontant ses bras un peu plus haut, ses coudes désormais à ma hauteur. Taquin, mes mains glissèrent le long de son épaule, longèrent ses courbes, atterrirent sur l'encre noire qui ornait sa peau. Je redessinai les lignes qui formaient le mot Forever sur son bras droit. Au-dessus de son coude gauche, Jimin abordait la première partie de son tatouage, qui formait la chanson pour laquelle il inspirait une affection particulière.

Namjoon avait écrit Young Forever à l'aube de ses trente ans, en souvenir de la décennie qu'il avait partagé avec ses amis, dans laquelle il s'était trouvé, dans laquelle il avait façonné son identité. Après l'avoir composée avec l'aide de Juri, il lui avait demandé de lui prêter sa voix, tout comme la mienne l'avait interprétée. Il avait absolument voulu que nous nous partagions sa chanson, nos timbres s'unissant à travers les si belles paroles qu'ils avaient inscrites sur le papier. Namjoon nous l'avait dédiée, et tout particulièrement à Jimin, Hoseok et Seokjin qu'il connaissait depuis si longtemps. Jimin aussi touché qu'impressionné, était revenu le jour d'après, la chanson ancrée en lui. Il avait demandé à Namjoon une copie sur une cassette et Young Forever s'était ajoutée à ses titres préférés, ma voix pour l'accompagner.

Son tatouage était discret. Jimin portait rarement des t-shirts, et pendant ses prestations, il s'habillait toujours d'une chemise dont les manches couvraient ses bras. Moi, j'adorais retracer ses jolis arabesques, heureux qu'il ait aimé la surprise que nous leur avions préparée, ne me lassant pas de son expression attendrie lorsque je le chatouillais de mes baisers. Je ne m'étais toujours pas lassé de l'accabler d'attention, et je ne comptais pas stopper mes câlins de sitôt.

Jimin se recroquevilla contre mon corps. Lorsqu'il était fatigué, émerger de ses rêves lui coûtait un peu plus. Le voyage en avion nous avait épuisés, il n'avait pas réussi à se reposer durant le vol ou lorsque nous avions fait escale, et Ashley n'avait pas était très douce dans sa conduite non plus, lorsqu'elle nous avait ramenés de l'aéroport à bord de ma Capri.

J'avais longtemps tenu tête à Jimin. J'avais fini par trouver mes repères, mes appuis, et je m'étais accoutumé à la vie que me réservait Séoul. Du moins, c'est que j'avais ressenti. Malgré nos efforts, toute la volonté que nous puisions en nous, nos sacrifices, l'amour que nous échangions une fois à l'abri des regards malveillants, nous étions prisonniers de la société. Les baisers volés ne constituaient plus une perspective assez excitante, nous nous étions lassés de nous cacher, Jimin voulait simplement m'aimer sans être effrayé à cette idée, alors que je lui avouais être terrifié de contempler notre relation se briser. Protégés par les murs d'un appartement, entourés des personnes en qui nous avions le plus confiance, ainsi nous devions vivre. J'ignorai les sous-entendus parfois glissés par Jimin, mais l'arme avec laquelle nous pouvions riposter m'avait été conférée il y a bien des années.

Cette atroce sentence, qui nous rongeait, qui nous blessait, qui nous hantait, s'évapora dès le pied posé en Australie. Nous y étions retournés deux fois durant les vacances, le second voyage égayé par la présence de Sooyoung, Hoseok, Manwol et Yongsun. Jimin avait posé le doigt dessus avant moi. Une fois là-bas, avec nos amis, notre famille, nous nous sentions entièrement maître de nous-même. Et j'avais compris. Nous attirions quelques remarques, des coups d'œil accusateurs, pourtant, ce n'était rien comparé à la liberté que j'éprouvais dans ce pays. Jimin ne dissimulait plus ses sentiments, ni le ressenti qu'il me confia. L'arracher de Corée du Sud, là où il était né, avait grandi, et construit sa vie m'était inconcevable, je m'étais senti coupable de le priver du travail acharné qu'il avait entrepris ; il m'avait rétorqué qu'il était égoïste, car il ne supportait plus la distance que notre pays natal nous imposait, orchestrant un éternel mensonge partout où nous allions.

ROSE PERLE ✧ JIKOOK (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant