7. Je me demande si mon patron ne soupçonne pas un truc

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7. Je me demande si mon patron ne soupçonne pas un truc
(by Victor Carmin)

Le beau Kiwi m'a regardé de travers quand, avant de fermer la portière de la voiture, je lui ai demandé si j'avais le droit de garder le flingue. Ben quoi ? Entre le joujou et moi l'entente a été immédiate, coup de foudre au premier regard. Mais ce sans‑coeur de Kiwi m'a dit :

— Pour quoi faire ?

Et ce sans‑coeur de Diak dans la boucle d'oreille m'a dit :

— T'arrêtes de jouer au con ?

C'est donc doublement vexé que j'ai dû renoncer à mon nouveau jouet, en tout cas pour aujourd'hui.

Le temps qu'avait duré l'opération avec Sartrouville Ninja, Driss n'avait fait que pester, j'avais eu un mal fou à l'ignorer et à rester concentré. C'est une vraie torture de devoir écouter ses reproches et ses piques snobs sans pouvoir répliquer, il le sait très bien et il en profite, ce pervers. Plusieurs fois j'ai failli faire arrêter la voiture pour sortir gueuler, mais mon côté pro a pris le dessus. Conséquence : maintenant je suis chaud comme une cocotte‑minute. Plus rien à foutre des précautions qu'on m'a imposées. Je suis monté chez moi ranger mon masque et changer de T‑shirt et j'ai foncé droit chez Santorga. S-Nin me ferait pas suivre : Si cette journée m'avait appris un truc c'est qu'ils sont cons comme des manches à balais. Je pourrais agiter mon badge Santorga sous le nez de Kiwi qu'il capterait pas.

Diak continuait à parler tout seul dans son émetteur relié à mon oreille. Il me faisait un débriefing qui servait à rien et que j'étais trop énervé pour écouter. Quand j'ai débarqué dans son bureau, il était en plein milieu de son discours. Il est presque tombé à la renverse en me voyant.

— Victor mais que... Comment ?

J'ai jubilé. Sa surprise un brin effrayée, sa voix hautaine dans ma boucle d'oreille qui devient hésitante et paumée quand il me voit en face de lui... j'adore. L'effet que je fais à ce mec, purée.

Malheureusement, ça ne dure jamais longtemps.

— Nom de Dieu qu'est‑ce que tu fous ici ? Et si Sartrouville Ninja t'avait suivi ? Tu les as laissés il y a à peine un quart d'heure ! On s'était pourtant mis d'accord pour que tu restes loin des locaux.

— Quoi, t'es pas content de pouvoir m'engueuler en face ?

Il m'a fait un soupir excédé en coupant son émetteur, comme s'il n'en pouvait plus de moi alors que bon, c'est pas lui qui se tape la voix de l'autre non‑stop limite dans sa tête sans pouvoir la couper. J'ai poussé toute sa paperasse dans un coin et je me suis assis sur son bureau. Si tout se passait bien, l'un de nous deux finirait dessous avant la fin de l'après‑midi. On en avait tous les deux besoin je pense, moi pour me sortir de la tête le beau sourire du leader de S-Nin, et Diak parce qu'il devenait ingérable, je vous jure. Rien que là il était en train de me resservir ses menaces sur la sécurité, et comme quoi je sous‑estimais Sartrouville Ninja, et comme c'était honteux que j'aie tiré sur un ambulancier. Je vous raconte pas le caca nerveux qu'il m'avait fait quand c'était arrivé, et pourtant j'avais tiré sur celui qui était anti‑clonage, quitte à mettre en danger ma couverture. Ça m'a rappelé un truc :

— Cet espion qu'ils auraient chez nous ! Tu penses que c'est vrai ?

Diak s'est enfin arrêté de geindre pour réfléchir.

— Aucune idée. Je t'avoue que je ne m'attendais pas à ça. Je vais étudier les profils des employés de la filière Lille. Si S-Nin a vraiment un espion et qu'on met la main dessus, ce sera énorme.

Kiwi ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant