27. Diak qui rigole et moi qui pleure

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27. Diak qui rigole et moi qui pleure
(by Jean‑Michel Tocard)

À peine je me suis retrouvé seul que Diak m'a ordonné de venir le rejoindre illico chez Santorga. Je m'y suis donc pointé, en me demandant comment j'allais me dépêtrer des multiples situations dans lesquelles mon absence de trahison m'avait fourré.

La priorité numéro 1, c'était d'arriver à convaincre mon patron de me laisser lui faire faux bond le jour de la conférence de presse pour aller crapahuter avec nos ennemis à la place. Compliqué.

La priorité numéro 2, c'était de convaincre Diak de ne pas révéler le plan de S-Nin et de ne pas intervenir, en gros de laisser Sartrouville Ninja s'en tirer vivant après nous avoir médiatiquement démolis. Chaud.

Bien sûr, je pouvais tout simplement dire à Kiwi que je bossais pour Santorga et faire de ça un atout pour le plan... mais j'y arriverais pas, j'ai trop peur qu'il se sente trahi. Je suis plus à l'aise en mentant à Diak et à mon patron. La preuve : laissez‑moi vous dire tout de suite que j'ai géré ce bordel comme un putain de génie. Voilà comment ça s'est passé :

Cette fois‑ci, Driss m'attendait carrément à l'accueil de Santorga, limite derrière la porte comme ma vieille paire de pantoufles. De mieux en mieux. Le patron voulait nous voir alors on a pris l'ascenseur vers son étage. À mi‑chemin, Diak a appuyé sur le bouton d'arrêt d'urgence. En toute logique, j'ai donc commencé à me déssaper, jusqu'à ce que je comprenne que ce n'était pas pour ça que Diak nous avait stoppés :

— Bon, Carmin, m'a‑t‑il dit complètement indifférent à mon T‑shirt à moitié soulevé, on ne dévoile pas le plan de S-Nin au patron d'accord ? On lui dit qu'ils comptent voler quelques clones comme ils font d'habitude.

— Pourquoi ?

— Parce que si on lui explique, tes copains vont se faire arrêter à la seconde où ils passent la porte de l'immeuble.

Euh oui... Et ? Il me teste ou quoi ? Il a peut‑être des soupçons sur moi, il faut que je me méfie.

— Si tu crois que je capte pas que t'es en train de me tester parce que tu doutes de ma loyauté !

— Pfeu! a‑t‑il fait avec condescendance. J'aimerai bien te voir manquer de loyauté envers ton Prigent chéri au moins une fois.

C'est vrai que le patron c'est spécial. Purée bonjour la culpabilité.

— Alors explique‑moi pourquoi tu veux que je lui mente et qu'on laisse S-Nin gagner !

Vous admirez ? Quand je suis chez Santorga, je suis à fond pour les intérêts de Santorga, alors que quand je traine avec mes potes de S-Nin je donnerai ma vie pour leur cause. Le pire c'est que dans les deux cas je suis absolument sincère. Je suis ce qu'on appelle un caméléon moral, ou plus vulgairement un mec sans race. En tout cas je suis pas fait pour la trahison.

— On ne va pas les laisser gagner, m'a expliqué Diak. Seulement les laisser faire. Le patron veut qu'on arrête Kiwi en priorité, mais il a tort. Celui qu'il nous faut ce n'est pas Kiwi, c'est Champignon.

Ah okay, je comprends mieux. La rivalité entre Diak et son alter ego des ténèbres a pris le pas sur sa raison.

— Et alors ? Comment on le cueille ton champi ?

— Le point de rendez‑vous. Kiwi a dit où c'était ?

Danger ! Danger !

— Dans la cantine de la R&D.

Cantine qui devrait être déserte à cette heure‑là. Non pas que ça ait de l'importance parce que j'ai menti : on devait retrouver Champignon au dernier étage, le passage secret était dans le bureau du patron. Apparemment ça avait été conçu pour l'évacuer en douce en cas d'émeute.

Kiwi ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant