25. Le lendemain

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25. Le lendemain
(by Kiwi)

Deux émotions contradictoires m'ont assaillies presqu'en même temps quand je me suis réveillé : un début de panique quand j'ai senti que je ne pouvais pas bouger mes jambes, et un sentiment de chaleur et de sécurité qui a pris le dessus. J'étais dans les bras de FdB. Il était chaud, il me tenait fort, sa respiration me berçait. Je me suis redressé un peu pour le regarder et pour enlever mon bras avec lequel je m'étais endormi. FdB a un visage dur, des yeux froids, il fait plus que ses 24 ans. Mais quand il dort comme ça, on dirait un bébé.

J'ai reposé ma tête et j'ai somnolé jusqu'à ce qu'il se réveille à son tour. Non, je ne suis pas en train de profiter de la première source de chaleur humaine venue parce qu'en temps normal j'y ai jamais droit. C'était pas comme si je pouvais bouger.

J'ai senti qu'il se réveillait quand il a passé une main dans mes cheveux. Je l'ai laissé faire. Ça a duré un moment, puis il a bougé, ce qui m'a délogé de son épaule. Il s'est tourné et a collé son nez au mien :

— Salut.

— Yo.

Et puis tout naturellement, on s'est embrassés. Qu'est‑ce que je suis en train de faire, encore ? Et Grenade ? Mais j'en avais trop envie et surtout, c'était tellement évident, tellement normal, d'embrasser FdB ici et maintenant. Je crois que je suis en manque de trucs normaux. Quand il a reculé ça m'a fait mal au cœur, je pense que si j'avais eu mon bras j'aurais tenté de le ramener vers moi. Mais j'en avais assez fait. Me pointer chez lui pour qu'on baise, sérieusement ? Parce que j'en voulais à Grenade ? Tu parles de respect. Bien fait pour toi, qu'il t'ait repoussé hier alors que t'étais sûr et certain qu'il voudrait. Sur le coup ça m'avait achevé, mais j'avais qu'à pas le traiter comme un objet.

FdB s'est levé en me demandant si je voulais du café, puis il s'est trainé comme un zombie vers sa cuisine. Je me suis redressé comme j'ai pu en position assise en attendant. Il est réapparu avec un sac plastique qu'il a posé à côté de moi, et il a entrepris de me remettre mon bras en me disant :

— Grenade est passé ce matin, il a laissé ça pour toi.

Les batteries de mes jambes. J'ai été soulagé et aussi un peu mal à l'aise :

— T'aurais dû me réveiller. Il a dit un truc ?

— Nan.

— Rien sur ma fugue minable ? Pas de questions ?

— Rien. Mais il t'a cherché tu vois, et il est venu te rapporter tes jambes, c'est bien qu'il pense à toi.

— Ouais. Je sais.

Je pleurniche trop, ça craint. Avec mon bras de nouveau fixé, j'ai sorti un tournevis du sac. C'est parti pour le dévissage. Au moins ça va m'occuper. FdB a eu le temps de faire le café, de boire sa tasse et la mienne, et de prendre sa douche. Quand il est sorti j'étais encore sur la première jambe. Quelle plaie, ce truc. Les batteries sont pas faites pour être dévissées, je suis censé enlever mes jambes proprement pour les charger, mais mon chirurgien prothésiste a accepté de faire une exception et de me fournir un double des batteries pour que je puisse alterner. Comme en ce moment je n'ai qu'un seul bras, la manip à faire est encore plus longue.

— Fais voir, m'a fait FdB en s'asseyant par terre près de mes jambes.

Il a pris le tournevis et a terminé de désengager la batterie. On a installé celle de rechange. J'ai pu bouger ma jambe gauche.

Kiwi ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant