22. Youpi, la technique chaud/froid de Grenade a fini par payer
(by Kiwi)Nos invités étaient rentrés chez eux plein d'enthousiasme. Raconter nos souvenirs avait resserré les liens, on dirait. Moi toute cette histoire m'avait démoralisé. Grenade a tellement lourdement insisté sur le fait que je parlais pas, est‑ce que c'est comme ça qu'il a vécu les choses ? Est‑ce que je me suis fermé à lui au moment où il avait le plus besoin de moi ? J'avais toujours considéré que c'était l'inverse, que c'était lui qui mettait de la distance entre nous. Merde, toute cette période où j'étais à l'hôpital, je m'en souviens à peine. J'ai vraiment été si distant ? Le choc septique, la perte de mes bras et de mes jambes, ce qui s'était passé avant, tout ça était tellement dramatique que Grenade est passé au second plan, alors qu'il venait de perdre son visage. C'est quand même pas rien. J'ai pas été cool de l'ignorer. Mais pour ma défense, je n'étais pas dans ce monde, j'étais hors réalité. Grenade a été fort et moi faible. Est‑ce que c'est une raison pour me le reprocher dix ans après ? Aaah, ça me déprime.
Un autre qui n'avait pas ressenti l'euphorie générale, c'était mon clone. L'histoire de son sauvetage avait rendu Chibi triste. Toute la fin du repas, il ne m'avait plus lâché. Il avait poussé FdB pour venir s'asseoir à côté de moi, m'aider avec le repas etc. Je ne sais pas si c'est parce qu'il grandit ou parce qu'un de mes bras est en réparation, mais Chibi a de plus en plus souvent tendance à se comporter de manière protectrice envers moi. C'est un peu perturbant parce que c'est moi qui l'ai élevé, mais dans ma situation on apprend à accepter l'aide qui se propose sans dilemme de fierté. Je lui avais passé mon bras gauche autour du cou, ça me permettait de ne pas en sentir le poids, et j'espérais que ça le réconfortait un peu. Chibs est sensible à mes amputations, parfois j'ai l'impression qu'il s'en blâme, cet idiot.
Au moment de s'en aller, quand Litchi et Noisette ont proposé de ramener tout le monde, Chibi m'a demandé s'il pouvait rester dormir. Pas un caprice comme il fait encore des fois, mais avec une vraie intonation d'adulte. J'avais envie de dire oui, en souvenir. Quand j'ai eu 18 ans, sous prétexte que c'était plus proche de mon école, j'ai habité avec mon clone dans le bâtiment que j'avais acheté pour S-Nin. On était juste tous les quatre, avec papy et mamie. C'était chouette, on était heureux. Ce n'est qu'après avoir fini mes études d'aide‑soignant que je me suis installé ici avec Grenade. J'aurais bien aimé avoir Chibs à la maison cette nuit, parler jusqu'à l'aube, lui prêter un pyjama. Mais juste après qu'il ait demandé, FdB s'est engouffré dans la brèche :
— Et moi Kiwi‑Kawaii ? Je peux dormir chez vous aussi ?
C'était tout de suite beaucoup plus compliqué. Alors pour ne pas faire de jaloux j'ai mis tout le monde dehors. Et je me suis retrouvé tout seul à déprimer comme un con.
— T'as pas l'air bien, m'a dit Grenade en plongeant les assiettes dans l'évier. Qu'est‑ce qui se passe ?
Normalement quand il cuisine c'est moi qui fait la vaisselle, mais avec un seul bras je sers à rien. Grenade prenait ma part de tâches ménagères sans se plaindre, le moins que je pouvais faire c'était lui tenir compagnie pendant ce temps. Je m'étais assis sur le plan de travail juste à côté de l'évier en attendant qu'il termine. Mon bras était par terre en train de charger.
— Je trouve ça bizarre, lui ai‑je répondu. T'as vraiment beaucoup insisté sur le fait que je voulais pas te parler à l'hôpital, que je voulais plus de toi. C'est vraiment comme ça que tu l'as ressenti ?
Il a fermé le robinet pour que j'entende bien ce qu'il allait me répondre, et j'ai soudain eu peur alors je me suis dépêché d'ajouter :
— Parce que à aucun moment j'ai voulu m'éloigner de toi. Vraiment jamais. Même, tu sais, je me disais que ça allait te gâcher la vie de devoir rester en couple avec un homme‑tronc, et ben même pour ça je me serais pas éloigné de toi. Je pensais que c'était ça qui clochait entre nous, que peut‑être tu me trouvais égoïste, et je peux le comprendre. Mais ce que t'as raconté comme quoi je voulais plus te parler, ça non je comprends pas. Je m'en rappelle à peine ! Ça peut pas compter.
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Kiwi ex Machina
Ficțiune științifico-fantasticăSous le nuage de pollution de 2037, le monde est face à un dilemme : Est-ce que le clonage humain c'est mal ? Est-ce que les clones, à jamais endormis dans leur liquide de conservation, doivent avoir les mêmes droits que des êtres humains dotés d'un...