18. Une erreur à ne pas répéter
(by FdB le fdp)Kiwi m'a ramassé à ma sortie de RER habituelle. J'avais repassé notre baiser dans ma tête toute la nuit, ainsi que sa manière sage de me dire que ça ne nous mènerait nulle part. C'est mieux comme ça. Je me résigne parce que j'ai pas trop le choix, mais je le pense. D'une, je baise qui je veux quand je veux, mais l'amitié que j'ai avec Kiwi elle est vraiment unique et vraiment importante pour moi. De deux, il faut que je limite les dégâts en prévision du jour où ça va péter. Rien que d'y penser j'angoisse déjà à mort. Je rêve d'avouer à Kiwi toute la vérité, que je suis un espion au service de Santorga mais que je ne veux plus le trahir. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Et mon patron qui veut sa peau. À chaque fois que je passe chez Santorga, Prigent vient rôder autour de moi, me demander pourquoi je n'apprends rien, me rappeler que si je suis incapable de trouver des infos, je n'ai qu'à paralyser Kiwi avec le brouilleur IEM et le lui ramener emballé dans du papier cadeau. Heureusement, Diak est étonnamment cool là‑dessus. Il temporise. Vous m'imaginez, balancer Kiwi aux pieds de mon patron après la pelle que je lui avais roulée ? Un cauchemar putain.
Enfin, on n'y est pas. Aujourd'hui, Diak n'était pas connecté à ma boucle d'oreille, et Kiwi voulait me montrer un truc. Après le baiser d'hier, j'étais déterminé à ne pas laisser les choses devenir bizarres entre nous deux, mais malheureusement Kiwi n'y mettait pas du sien. Il ne me souriait pas comme d'habitude, il me lançait des regards en biais, il ne démarrait pas la voiture. J'essayais de rester casu mais c'était pas de la tarte.
— Alors où est‑ce qu'on va Kiwi‑Kawaii ? C'est quoi que tu veux me montrer ?
— Je peux te demander un truc avant ?
— Ouais bien sûr.
Il m'a regardé longtemps avant de parler, ses grands yeux verts qui essayaient de lire en moi. Franchement, je me pissais dessus. J'avais d'abord pensé qu'il s'agissait du baiser, mais si c'était plus grave que ça ? Et s'il savait tout ? Merde, une part de moi a vachement envie qu'il sache tout, mais Kiwi garde un flingue dans la boite à gants qui est juste en face de moi, et il n'a toujours pas récupéré son deuxième bras. Si ça part en couilles, c'est sûr que c'est moi qui mettrais la main sur le flingue en premier et je n'ai vraiment pas envie d'en connaitre les conséquences. Sois prudent Kiwi je t'en supplie.
— Tu sais ce qui s'est passé à Santorga Franche‑Comté ?
— Comment ça ?
Sa voix était douce, pas agressive du tout :
— Champignon affirme que c'est toi qui as déclenché l'alarme.
Oh merde. Putain. Mon cerveau s'est mis en bug system, je suis resté la bouche ouverte comme un con. J'aurais dû prévenir Diak que je voyais Kiwi, il m'aurait soufflé une réponse.
Champignon, encore lui. C'est marrant, depuis que je sais que c'est lui qui a ouvert la porte de la chambre à clones, et vu comme il met la misère à Diak, j'ai tendance à le voir comme un allié. Mais c'est faux. Champignon est l'allié de FdB, pas de Victor Carmin. Pour la première fois j'ai senti la menace que représentait ce type, mon miroir infiltré chez Santorga. S'il en savait plus sur moi que je n'en savais sur lui, j'étais en danger.
Et Kiwi qui me regardait avec ses yeux sans colère, attentifs, qui me laissait patiemment le temps de réfléchir avant de répondre. Nie en bloc ! Me disais‑je. Dis que c'est pas toi ! Kiwi gobera, il croit tout ce qu'on lui dit ! En plus c'est ce qu'il veut entendre !
— Nan, je vois pas...
Mon mensonge n'a pas voulu sortir de ma gorge. Diak n'était pas là et je n'avais rien qui me forçait à être cynique, à être manipulateur. Alors j'ai menti mais à ma sauce. Et pas sur mon ressenti. Ce que j'avais fait était tellement débile que je regrettais grave quand j'y repensais. J'ai récité les yeux dans le vide, avec une voix de robot :
— J'ai... balancé une chaise contre le mur... parce que j'étais en colère contre toi. Et après je me suis rendu compte de ma connerie et je suis allé la chercher. Sauf que c'était dans la zone où on avait orienté la caméra, j'y avais pas pensé sur le coup. Je suis, je suis
putain
de
désoléLe leader de S-Nin avait l'air incrédule devant tant de stupidité. Et pourtant la vérité était encore pire. En vérité j'étais pas stupide, j'étais un traitre.
— Pourquoi tu nous l'as pas dit ?
Je crois que Kiwi prenait sur lui pour ne pas péter un câble. N'ayant pas sa force, j'ai moi‑même explosé :
— T'es marrant toi ! Comment j'aurais pu ? Je voulais pas que vous vous rendiez compte que je suis débile à ce point, que j'ai tout fait foirer à moi tout seul ! Vous auriez sauvé vingt clones, peut‑être même plus, si j'avais pas été là ! Et je... je... putain !
J'ai évacué ma frustration en donnant un coup de poing de malade contre la portière. Ça m'a défoncé les phalanges, c'était tout ce que je méritais.
—...je voulais pas que vous me viriez, ai‑je repris plus doucement. Je veux rester avec vous. Je suis tellement désolé.
Vous savez pas le pire ? Je ne jouais même pas la comédie. J'étais sincère comme je l'avais jamais été. J'ai plongé ma tête dans mes mains. Je suis un vrai con. Tous ces clones dans leurs poubelles, je les avais sacrifiés sur un coup de tête et j'avais laissé Kiwi s'en vouloir à ma place, tuer des gens pour moi. Et ce n'était même pas la pire des choses que je ferai. Je veux plus être un espion putain. J'ai pas les nerfs, finalement.
J'ai tressailli quand j'ai senti Kiwi me prendre dans son faux bras. Merde il devrait me virer de la voiture et de sa vie avant que je fasse encore plus de ravages.
— FdB pleure pas, arrête. C'est pas grave !
Juste pour que ce soit clair : je pleurais pas, hein.
— Ça nous arrive à tous de merder. T'es encore nouveau. Si tu nous avais vus à nos débuts, on faisait n'importe quoi, on a causé plein de morts à cause de nos conneries. Toi, au moins, personne ne s'est fait arrêter par ta faute, aucun d'entre nous n'est mort. On a perdu les clones, mais Santorga a quand même perdu de l'argent avec ceux qui sont morts ou sont tombés malades. Le prochain plan, tu vas voir, on va libérer tellement de clones d'un coup que la Franche‑Comté sera oubliée.
J'ai levé mes yeux de coupable :
— À Santorga Cergy ? Ton plan qui va changer l'Histoire ?
— Ouais. Dès que j'ai récupéré mon bras on s'y met. On va libérer tous les clones d'un coup.
Euh... Est‑ce que Kiwi est au courant qu'il y a 12 000 clones à Santorga Cergy ? Et que nous on est cinq ? Enfin bon c'est pas mon problème ça, moi il faut surtout que je prenne une décision d'ici là. Kiwi m'a relâché et m'a fait son sourire habituel :
— Merci de m'avoir dit la vérité. Je n'en parlerai pas aux autres. On fait tous des erreurs FdB. L'important c'est de ne pas les répéter.
— Ouais. Merci Kiwi. Et pardon.
Ne pas les répéter... Plus facile à dire qu'à faire, quand on a mon patron sur le dos. Mais je n'avais vraiment, vraiment pas envie de répéter ça.
— Allez on n'y pense plus. Je vais te faire voir un truc magique.
Un sourire, une tape d'encouragement sur le genou, et Kiwi démarrait la voiture. Je me suis rendu compte à ce moment‑là que j'aurais pu tout lui avouer, c'était l'occasion parfaite : on était seuls et il m'avait posé la question. Mais j'avais été pris de court, j'étais pas prêt. Peut‑être la prochaine fois.
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Illu du chapitre : KEM version amour sucré par Audrey_Lys <3
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Kiwi ex Machina
Science-FictionSous le nuage de pollution de 2037, le monde est face à un dilemme : Est-ce que le clonage humain c'est mal ? Est-ce que les clones, à jamais endormis dans leur liquide de conservation, doivent avoir les mêmes droits que des êtres humains dotés d'un...