28. FdB craque

13 3 0
                                    

28. FdB craque
(by Kiwi)

Oulà le sale caractère ! Et moi qui trouvais que FdB supportait bien le stress ! Je plaisante, mais j'étais inquiet. Qu'est‑ce qui lui arrive, ça lui ressemble pas. Je l'avais entendu s'engueuler avec quelqu'un au téléphone, c'était vraiment pas le moment. J'aurais dû lui dire de ne jamais passer un coup de fil perso pendant une opération. J'espère que ça va pas le déconcentrer.

Puisqu'il était parti sans m'attendre, j'ai pris quelques minutes pour voir comment je m'en sortais après ce coup de porte en plein visage. Il ne m'avait pas loupé, je m'étais pris le coup dans la tempe, ça commençait déjà à enfler. J'allais avoir un sale bleu. La porte m'avait frappé du côté droit, celui où je n'avais pas mon bras, et je n'avais pas pu me protéger. Enfin, tant que ça ne perturbait pas l'opération. Prions pour que FdB retrouve son calme.

Un truc brillant a attiré mon regard vers le sol. Qu'est‑ce que c'était que cette chose par terre ? En m'approchant je l'ai tout de suite reconnue : la boucle d'oreille de FdB, le cadeau de son plan cul.

Fdb qui pleure, spectacle que je n'aurais jamais cru voir de ma vie. L'engueulade au téléphone. La boucle d'oreille abandonnée sur le carrelage. Mes talents de Sherlock Holmes m'ont permis de reconstituer les évènements : FdB venait de s'engueuler avec son plan cul. Il avait beau dire et répéter que cet homme n'était rien pour lui, il avait quand même assez d'importance pour le faire pleurer, peu de gens doivent avoir ce pouvoir sur FdB. Moi‑même, je suis pas sûr d'en être capable.

J'espère qu'ils se sont pas engueulés à cause de moi, je voudrais pas niquer leur relation. Mais pour être sincère, avec ou sans moi, FdB l'avait mérité, à traiter aussi mal le mec avec qui il couche depuis quatre ans. Par contre c'était le pire moment pour un drame amoureux, là ! On ne devait penser à rien d'autre qu'au plan. Pendant les deux prochaines heures, on devait être des machines de guerre. Changer l'Histoire.

J'ai rangé le bijou dans la poche de mon jean. Quand tout sera fini je le rendrai à FdB, et je lui donnerai deux‑trois conseils à mon tour. S'il veut récupérer son plan cul, et pour ça s'il doit me larguer (est‑ce qu'on est seulement un couple ?), je l'accepterai. Moi pour Grenade je l'aurais fait, on avait été très clairs là‑dessus. Ça fera rien à notre amitié, FdB n'est pas assez prise de tête pour ça. Je suis sûr que ce qui s'est passé avec son plan cul est rattrapable. Ce mec doit juste en avoir marre d'être traité comme un objet. Je veux dire, on offre pas un bijou pareil à quelqu'un dont on a rien à foutre. FdB devrait le traiter avec plus de respect et commencer à accepter l'idée que leur relation évolue un jour parce que clairement, il tient à cet homme. Moi je suis que provisoire, et c'est bien pour ça que j'ai accepté qu'on aille plus loin.

Je lui dirai tout ça quand on sera loin d'ici. Qu'après avoir changé l'Histoire, il fallait qu'il change sa vie perso pour en faire aussi quelque chose d'un peu mieux. Que ça me dérange pas. Je suis retourné à la salle de conférence et je me suis assis à côté de lui.

— Ah bah quand même, m'a chuchoté Litchi furieusement.

— Désolé.

Le patron de Santorga Cergy, François Prigent, était sur l'estrade en train de faire son discours. D'après lui, il n'y avait jamais assez de clones dans leurs capsules. Il voudrait remplir les souterrains de la planète de dizaines de milliers de clones supplémentaires. Cet homme court après l'immortalité, personne le voit ? Et personne voit comme c'est débile de chercher la vie éternelle sur une planète qui est presque morte ? Y a bien que les mecs du XXème siècle pour être irrationnels à ce point.

À ma droite, FdB pestait et reniflait. Même Litchi n'osait rien lui dire. J'étais du mauvais côté pour lui passer mon bras autour des épaules, alors je me suis contenté de lui toucher le coude en lui murmurant à l'oreille :

— Quand ce sera fini, viens chez moi, on mangera de la glace et on regardera des films tristes, okay ? Tu me diras ce qui s'est passé et je t'aiderai à reconquérir ton plan cul.

Il m'a jeté un coup d'œil, et au lieu de me répondre par une vanne il m'a jeté un méchant :

— Je t'ai dit de pas te mêler de ça, putain.

J'ai essayé de pas le prendre personnellement, mais j'avoue que j'ai été un peu vexé. C'est toujours énervant de se faire rembarrer comme ça, surtout que FdB est à mes pieds d'habitude, et faut croire que j'y ai pris goût. Enfin, c'était pas le moment de bouder, restons plutôt concentré sur des objectifs plus grands... Et merde, en fait c'était mieux si je le prenais personnellement, parce que du point de vue objectif du leader de Sartrouville Ninja, la réaction de FdB était encore pire : pas vexante mais carrément dangereuse. FdB est super, mais il est aussi instable. En Franche‑Comté, il avait tout fait foirer juste parce qu'il avait mal pris que je l'engueule un peu. Qu'est‑ce que ça risquait d'être aujourd'hui, alors qu'il venait peut‑être de se faire larguer ? On peut pas se permettre de rater notre coup, on risque trop. Je veux pas que Champignon pense qu'on est nuls.

J'allais dire à FdB : reste concentré, ne refais pas la même erreur qu'à Santorga Franche‑Comté. Mais il a plongé sa tête dans ses mains et ça m'a fait trop de peine. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Je n'avais même jamais imaginé qu'il puisse être triste comme ça, lui qui se moque tout le temps de tout. C'était un coup bas de lui rappeler ce qu'il avait fait en Franche‑Comté. Je ne voulais pas qu'il croie que je doute de lui. Je lui fais confiance. Même s'il est instable je lui fais confiance, parce que c'est mon ami, et moi j'ai confiance en mes amis. C'est mon Nindo. Et s'il fait tout foirer, et ben... et ben en tant que leader, ce sera en partie ma faute, pour pas avoir su trouver les mots pour l'apaiser alors que je sais de quoi il est capable quand il va mal.

Je lui ai tapoté le genou. Fait chier que mon bras ne soit pas du bon côté, je lui aurais pris la main, je sais pas.

— Okay, ai‑je murmuré. Je n'insiste pas. Reste concentré d'accord ? J'ai besoin de toi.

Il s'est redressé brusquement, et m'a fait un regard incrédule que je n'ai pas compris. Quelle connerie j'ai dit, encore ? me suis‑je demandé alors qu'il me dévisageait comme pour la première fois. Est‑ce qu'il croit que c'est de la flatterie, que je suis en train de manœuvrer pour évincer son plan cul et l'avoir rien que pour moi ? Si oui, ça avait pas l'air de lui faire plaisir du tout. Il allait déclarer quelque chose quand Litchi s'est levée discrètement :

— Allez debout, les drama kings. C'est l'heure.

Aïe. Voila que moi aussi j'oubliais le plan. Il faut qu'on se reprenne tous les deux. On joue l'orientation morale de l'humanité, là.

_

illu du chapitre : Luposlipaphobya

Kiwi ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant