Petit Service

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Wanheda perdit l'enfant une semaine plus tard.

Malgré les suppliques de Valaya, elle persistait à vouloir se battre. Et Nigol pensait pouvoir la protéger.

Mais ce ne furent pas les coups qui eurent raison de l'enfant, simplement le manque de repos.

Ce jour-là, les hurlements désespérés de Nigol avaient empli le château.

Depuis, l'ambiance était terne. Là où il y aurait du avoir la joie d'un nouvel arrivant, il y avait le deuil d'un être perdu, qui n'avait même pas pu respirer pour la première fois.

Les deux monarques ne cessaient de vouloir prendre la responsabilité.

L'un prétendait avoir failli à son rôle de protecteur, et l'autre d'être une mère irresponsable.

Nul ne pourrait dire si l'un ou l'autre avait raison, ou même les deux.

Et depuis qu'il avait été anobli, peu après la construction du château, Shoto ne pouvait plus assurer son rôle de garde du corps, ayant été élevé au rang de conseiller royal.

Pour palier à cette ambiance morbide, il s'était mis en tête d'adopter un rapace, et il trouva son bonheur dans un aigle royal blessé près de la forteresse.

Le conseiller s'appliqua à le soigner et le chérir, et la fidélité de l'animal lui fut acquise, notamment comme messager ou éclaireur.

Mais ils arrivèrent.

Un matin, Shoto partit méditer à la lisière de leur territoire, près d'un petit autel typique de son pays qu'il avait aménagé sous une petite structure traditionnelle japonaise.

En sortant de chez lui, il eut beau siffler son aigle, l'animal ne vint pas. Aucun cri ne signala non plus sa présence non loin. Peut-être était-il parti chasser ?

Le samouraï ne s'en inquiéta pas outre mesure et ordonna aux marins d'ouvrir la grande porte.

Une fois passée, il se retourna pour leur ordonner de la refermer et il l'aperçu. Juste au dessus du portail, dans une poutre de bois sombre, était épinglé l'aigle de Shoto, une flèche dans le thorax.

Tous les membres du clan étaient réunis dans la salle du conseil.

Ils regardaient Shoto qui venait de lire une lettre enroulée autour de la flèche, signée Hiro.

Tous furent étonnés de savoir qu'il s'agissait du frère de Shoto, que lui-même croyait mort.

La lettre semblait indiquer que ce fameux Hiro souhaitait récupérer l'armure de son clan.

Valaya en déduisit qu'il s'agissait de l'armure tressée et dorée que Shoto arborait au combat.

D'excellente facture, elle semblait à la fois légère et très résistante, car les mailles se renforçaient les unes avec les autres.

Voyant le trouble et le mutisme dans lequel s'était enfermé son conseiller, Nigol leva le conseil et chaque membre retourna à ses occupations.

Valaya regardait les plans pour la construction d'une auberge dont elle serait propriétaire, lorsque quelqu'un toqua chez elle.

Elle se leva de son bureau et fut surprise de trouver un marin devant sa porte.

"- Euh b'soir dame Valaya. La Reine Wanheda vous d'mande dans l'bureau royal au plus vite.

- Entendu, merci Gaspard.

- Hé hé, de rien m'dame."

L'homme repartit le sourire aux lèvres.

Valaya ouvrit donc sa penderie et prit une paire de bottes ainsi qu'un foulard.

Elle rangea son poignard dans le fourreau à son pied et quitta sa demeure.

Une fois devant la pièce, elle toqua à la porte ouverte et Wanheda l'invita à entrer et à s'asseoir.

Elle s'appuya elle-même sur le bureau et commença :

"- Merci d'être venue.

- Vous vouliez me voir ?

- Oui. Vous vous doutez qu'avec ce qu'il s'est passé je ne peux plus... satisfaire Nigol autant qu'avant. Mon corps ne le supporterait probablement pas.

- J'imagine oui.

- Malgré cela, il a tout de même des... besoins. Vous avez sûrement remarqué qu'il ne buvait pas d'alcool. C'est parce qu'il en a autrefois été dépendant. Depuis qu'il est guéri, il n'en à plus bu une goutte. C'est pour ça que je fais appel à vous."

Wanheda soupira et Valaya sentit son propre coeur accélérer. N'allait-elle quand même pas...

"- S'il est privé de relations sexuelles, j'ai peur qu'il ne se tourne vers ses vieux démons. Et c'est la dernière chose que je souhaite. Je vous le demande à vous, car j'ai confiance, et que je sais que cela ne s'ébruitera pas. Acceptez-vous de coucher avec mon mari ?"

Valaya regardait fixement sa dirigeante, la bouche ouverte, sans parvenir à articuler un mot.

"- Je... je ne suis pas sûre que...

- Nul besoin de répondre maintenant, la coupa Wanheda. Prenez votre temps pour y réfléchir. Vous savez que je ne vous le demanderez pas si ça n'était pas important."

La jeune femme hocha la tête, se leva fébrilement et sortit de la pièce. Elle rentra chez elle, se déshabilla et se coucha, parvenant à peine à trouver le sommeil tant ses pensées se bousculaient dans sa tête.

Les 5 RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant