La Traque

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Gihina attendait patiemment d'apercevoir Arrow, le cheval de son amie, dans le gouffre qui reliait le royaume d'Hazenbrath au Sud de l'île.

Quand cela arriva, elle vérifia que la Reine était bien seule, puis siffla bien fort.

Wanheda releva immédiatement les yeux, descendit de sa monture avant de commencer à grimper.

La capitaine l'attendait patiemment lorsque la main de son amie apparut sur le rebord.

"- Tu n'as pas perdu de temps pour venir me voir.

- Pourquoi ? Pourquoi être partie ?"

Valaya sauta du rocher où elle etait assise.

"- À cause d'Élyséa bien sûr. Pour quoi d'autre. On m'a donné une liberté conditionnelle, tu comprends ça ? Maintenant le dédommagement pour échapper à un viol, c'est ça ? dit-elle en écartant les bras. La soumission ou la mort hein ? Et bien je préfère la mort !"

Wanheda attendit que la femme aux yeux violets se calme puis lui demanda :

"- Raconte moi tout."

Gihina commença donc son récit par la rencontre avec le contrebandier, puis la mort de son amant, ses longs mois de pillages, et enfin la perte de son navire et son naufrage.

"- Donc tu n'avais pas prévu de revenir ici ?

- Pas du tout.

- Et maintenant que comptes-tu faire ?"

Gihina haussa les épaules avant de s'asseoir au bord du précipice. Son amie s'assit à ses côtés et lui dit :

"- Tu ne peux pas rester ici. Si par hasard un garde te trouve, il donnera l'alerte. Tu es trop près d'Hazenbrath.

- Et si j'allais au Bois Soyeux ?

- C'est une solution. Laisse moi une note ou quelque chose pour que je puisse te retrouver.

- Comme celles que j'ai laissé à Nigol ? dit-elle en souriant.

- Tu lui as laissé des messages ? répondit la Reine, un peu vexée.

- Pour connaître ses intentions si je réapparaissais, se justifia Gihina en levant les mains.

- Je comprends mieux pourquoi il a augmenté la sécurité.

- Mon petit jeu n'a pas dû lui plaire."

Elle se leva et enroula sa paillasse avant de l'attacher dans son dos.

"- Et bien, direction le bois soyeux dans ce cas.

- Soit prudente, je vais essayer de découvrir les intentions de Nigol à ton égard. Seulement, ça ne sera pas facile. On est un peu en froid en ce moment.

- Ha ! Comme si c'était exceptionnel !"

La Reine grommella et enlaça son amie.

"- Sois prudente, Valaya.

- Je ne suis plus Valaya, désormais. Je me nomme Gihina.

- Alors soit prudente, Gihina.

- Tu me connais.

- Justement."

Gihina sourit et commença à descendre par le flanc de la falaise.

Elle se rendit donc au Bois Soyeux. Cette partie de la jungle était appelée ainsi car infestée d'araignées, parfois de la taille d'une maison. Il était sûr que même le plus chevronné des mercenaires ne s'y aventurerait pas sans savoir exactement quoi chercher.

En cherchant un moyen d'y pénétrer sans déranger les locataires, la naufragée passa devant de gigantesques arbres, et une idée lui vint. Elle laissa une note sur un arbre partiellement recouvert de toile, et effleura l'écorce humide et couverte de mousse d'un géant centenaire. Gihina put entamer son escalade grâce à de nombreux trous dans le bois. Plusieurs fois elle manqua de tomber des dizaines de mètres plus bas, mais elle tint bon, et attignit un amas de branches entrelacées idéales pour une personne de sa taille.

Épuisée par tout cet exercice, Gihina déroula sa paillasse dans l'entrelacs naturel et dormit de tout son soûl.

Le lendemain, et comme à son habitude, elle se rendit à proximité du fort, et observait les allées et venues des rares personnes qui n'étaient pas confinées dans la forteresse.

Deux en particulier attirèrent son attention.

L'un portait un petit diadème sur son crâne chauve, et l'autre avait les cheveux roux attachés en une queue de cheval.

Ils étaient petits, presque une tête de moins qu'un homme ordinaire, et tous deux portaient de lourdes armures, recouvrant presque entièrement leur corps.

"Mercenaires" se dit Gihina.

Soit ils étaient là pour elle, soit pour les Hommes-serpents. Mais Nigol n'était pas du genre à laisser les autres mener ses propres batailles.

Elle attendit qu'ils ressortent mais finit par s'assoupir.

"- Eh b'jour madame, z'êtes perdue ? demanda une grosse voix."

Gihina se retrouva nez-à-nez avec le visage jovial quoique un peu disgracieux du nain roux de tout à l'heure.

"- 'savez qu'le royaume est en état d'alerte, hein ? Z'avez pas l'droit d'être là, reprit le nain.

- Oui je, hum, je me suis échouée un peu plus loin le long du fleuve.

- Oh, vous pouvez demander d'l'aide à la garde. 'sûr qu'ils pourraient vous aider.

- Non merci. J'ai déjà installé un petit campement avec ce que j'ai pu récupérer.

- Dans ce cas, venez boire un coup à la taverne vous me raconterez tout ça."

"Ce nain sait forcément quelque chose pour insister de la sorte" pensa Gihina.

"- Avec plaisir. Mais il faut que je récupère mes affaires d'abord.

- J'vais vous aider, dit le nain en montrant ses biceps. La jungle est dang'reuse ces temps-ci. Paraît qu'il y a des Hommes-serpents qui rôdent.

- C'est pour ça que je me suis installée en hauteur."

Gihina n'attendit pas de réponse et commença à courir à travers les arbres jusqu'à sa cachette, allant jusqu'à essayer de semer le nain dans des tanières d'animaux sauvages, ou parmi les répugnantes araignées du Bois Soyeux.

Mais les nains des forteresses de montagnes avaient la réputation d'être aussi increvables qu'une pierre, et le demi-homme la suivait toujours en gromellant.

Enfin, ils arrivèrent à l'arbre tortueux qui lui servait d'abri.

"- Vos affaires sont là-haut ? dit le nain en regardant la cime avec appréhension.

- Exact. Je reviens tout de suite."

Contre toute attente, le nain tenta de la suivre dans son escalade. Bien plus agile et légère, elle atteignit son campement sans difficulté, tandis que le présumé mercenaire ronchonnait contre son armure trop lourde et encombrante. Après avoir rapidement plié sa paillasse et l'avoir nouée dans son dos, elle entama la descente de l'autre côté de l'arbre millénaire, et fuit à travers la forêt, au nez et à la barbe du nain.

Les 5 RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant