Razma

29 4 2
                                    

"- Garde Gihina. Vous êtes demandée dans le bureau royal au plus vite."

Gihina remercia le serviteur et se rendit où on l'attendait.

Elle croisa la Reine juste devant la porte, l'air boudeur.

"- Votre Majesté, dit-elle en s'inclinant."

Wanheda grimaça en entendant son titre. Cela ne faisait que mettre le doigt sur un écart entre elles : l'écart de rang.

Elle lui rendit son salut et Gihina entra après avoir toqué, notant au passage que le petit ventre de la Reine grossissait de plus en plus grâce à la vie qui grandissait en elle.

"- Gihina, vous voilà enfin, commença l'homme assit dans son fauteuil."

La garde observa Nigol : ses cheveux rasés d'ordinaire avaient laissé place à une queue de cheval, et il avait taillé sa barbe en un séduisant bouc.

"- Nous devons nous acquitter d'une mission à Sepermeru, continua Shoto à ses côtés. Je vais avoir besoin de vos talents... particuliers."

Elle haussa un sourcil, celui de son œil valide.

"- Je vous expliquerai tout en chemin. J'ai une tenue pour vous, nous nous changerons là-bas.

"- Bien entendu, poursuivit le Roi, je compte sur vous pour n'en parler à personne. Cette discussion ne sortira jamais de ce bureau."

Gihina hocha la tête.

"- Je n'ai rien entendu, garde, dit Shoto.

- Oui votre Majesté, marmonna la jeune femme avant de prendre congé."

Ce rôle de garde lui tapait de plus en plus sur les nerfs.

En sortant du bureau royal, elle croisa à nouveau la Reine qui fusillait du regard un garde à la porte, mais ne chercha pas à en savoir plus. Elle se rendit aux écuries et Shoto arriva peu après.

Ensemble, les deux militaires se rendirent aux abords de la pyramide et laissèrent leurs chevaux dans un coin isolé. Shoto laissa Gihina se changer avec la tenue qu'il avait préparé, puis fit de même.

Affublés d'une tenue semblable aux habitants de l'ouest, mais plus sombre, ils pénétrèrent dans la cité de nuit, par les murs.

Les habitants ne se montrèrent guère coopératifs. En grognant, l'un d'eux leur indiqua la taverne du bout du doigt.

Le tenancier quant à lui offrit un grand sourire aux visiteurs, plombé de fausses dents.

Gihina lui posa la même question qu'aux autres :

"- On dit que Sepermeru s'est construite autour d'une seule maison. Savez-vous laquelle est-ce ?

- Ah ouais, répondit le tavernier, d'mandez à Djéhouty, c'est l'gars qui répare la table dehors."

Gihina le remercia et l'homme sourit, non sans jeter un regard indiscret sur son décolleté.

La jeune femme soupira et rejoignit Shoto à l'extérieur. Ce dernier posait déjà des questions au fameux Djéhouty.

"- Oh oui ! Je connais cette demeure. Tout le monde la connait. Mais elle est habitée par une femme. Une impie qui refuse de voir la lumière de Set.

- Pouvez-vous nous mener à elle ? Peut-être parviendront-nous à lui faire entendre raison.

- Bah, j'aurais dû la dénoncer à la milice depuis longtemps mais c'est vous qui voyez."

Djéhouty les conduisit donc à travers les ruelles sombres de la cité plongée dans la nuit.

Quelques fois, une ombre menaçait d'en sortir, mais l'éclat de la lune se reflétant sur les dagues des Seakrus les convainquait de retourner dans l'obscurité.

Le trio arriva devant une grande bâtisse de terre cuite, semblable à toute la cité.

"- Moi je vous laisse, lâcha Djéhouty. J'veux pas que la milice me tombe dessus.

- Pourquoi ça ? demanda Shoto d'un ton sec.

- Dans moins d'une demi-heure c'est le couvre-feu, répondit-il en regardant le soleil se coucher. Si les Hommes-serpents vous tombent dessus, vous passerez un sale quart d'heure."

Puis il détala dans l'obscurité.

Ne perdant pas un instant, Shoto frappa trois coups à la porte et une voix féminine l'interpella :

"- Qui est là ?

- Je suis Ahmid. Je cherche Razma.

- C'est moi. Qu'est-ce que vous voulez ?

- Moi c'est Safira, dit Gihina en s'approchant de la porte close. Il paraît que vous avez eu des ennuis après avoir ouvert un certain coffre.

- Chut ! Ils pourraient vous entendre. Je refuse d'en parler. Laissez moi.

- Vous avez peur des Hommes-serpents ? demanda Shoto.

- Évidemment. Débarrassez la ville de ces immondices et on en reparlera."

Gihina et Shoto se concertèrent d'un regard et hochèrent la tête sous leurs turbans noirs. L'heure n'était pas aux négociations. Ils leur fallait des informations et Razma en avait.

- Et si la milice venait toquer chez vous ? commença Shoto. Ce serait fâcheux, non ?

- Pitié. Non !"

Gihina interpella un groupe de miliciens et leur dit :

"- Hey ! Il y a une hérétique dans cette maison.

- Qu'est-ce que vous faites dehors ?

- Nous voulions nous recueillir sur ce lieu pieux. Mais cette impie, dit-elle en pointant la porte d'entrée, refuse de nous laisser passer.

- On s'en charge, beugla un garde. Rentrez chez vous. Cela ne vous concerne pas."

Shoto et Gihina s'en allèrent dans une ruelle avant de grimper sur un toit pour observer la scène.

Les cinq miliciens se transformèrent en Hommes-serpents et entreprirent d'enfoncer la porte.

" Les menaces sont faites pour être exécutées" se dit Gihina.

Tout à coup, une frêle silhouette passa entre les pattes des créatures et s'enfuit en dehors de la ville, pourchassée par les reptiles.

"- Suivez la !"

La jeune femme obéit à son commandant et se lança elle aussi à la poursuite de Razma, mais après plusieurs minutes de course, tous perdirent sa trace.

Penaude, elle rejoignit Shoto qui semblait bouillir de colère à l'entrée de Sepermeru.

Mais sa rage ne fut pas évacuée sur elle.

Le commandant tout de noir vêtu s'approcha d'un garde somnolant près de la muraille.

"- Qu'est-ce que vous pensez des Hommes-serpents ?"

L'homme eut d'abord l'air surpris, puis répondit avec ferveur :

"- Ce sont des dieux. Le grand Set les a envoyé à nous pour purifier tous les hérétiques de ces terres, puis du monde entier.

- C'est ce que j'espérais entendre."

D'un coup de dague, l'ancien samouraï trancha la main droite de l'autochtone, puis fit taire ses cris en lui enfonçant sa lame dans la tempe.

Gihina regarda avec effroi le commandant prendre la main tranchée baignant dans le sang et dessiner un serpent sur la muraille, avant de la barrer d'une croix.

Elle ne put retenir son corps qui expulsa un peu plus loin tout ce qu'elle avait récemment mangé.

Ils retournèrent au campement, remirent leurs armures respectives, et rentrèrent à Hazenbrath, le coeur rendu lourd par l'échec de leur mission.

Les 5 RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant