La Justice de Mitra

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Suite aux derniers évènements, le royaume d'Hazenbrath entra dans une ère de prospérité.

A la demande des habitants, un temple en l'honneur de Derketo, la déesse des plaisirs et de la mort, fut érigé sur une crète surplombant la baie où était amarré le navire des Seakrus. Les habitations du village furent également agrandies et rénovées, passant du statut de cabane en bois à celui de maison plus que confortable.

Au sein même de la forteresse, l'armurerie et l'entrepôt furent agrandis pour pouvoir répondre à la demande croissante d'armures d'excellente facture à travers les cinq royaumes.

Par ailleurs, les chiffres de sa taverne grimpaient en flèche.

Le Roi et la Reine avaient même ordonné à leurs architectes de bâtir un nouveau village pour le Roi Asulf, et les travaux allaient bon train.

En somme, tout allait pour le mieux.

Mais malgré tous ces changements positifs, Valaya ne parvenait pas à en profiter et à se détendre.

Dans son esprit, qui avait jusque là été occupé par ces histoires de pirates et d'hommes-serpents, tournait en boucle l'acte qu'elle avait commis à Elyséa. Une part d'elle persistait à lui dire qu'elle n'avait fait que se défendre, que le coupable était son agresseur. Mais l'autre la faisait culpabiliser en lui susurrant qu'elle n'était pas une mauvaise femme, et que les bonnes mœurs lui ordonnaient de se dénoncer.

Une fois de plus elle se saisit de son journal et de sa plume avant de commencer à écrire :

Je ne tiens plus. L'acte que j'ai commis, le meurtre de cet homme à la taverne d'Elyséa, ne cesse de tourmenter mon cerveau. De tous ceux que je connais, le Bougre est celui qui mérite le plus de connaître la vérité. Après tout, c'est son ami que j'ai tué. Je vais lui avouer toute la vérité, et il en fera bien ce qu'il voudra. Je remet mon sort entre les mains d'Elyséa et de sa justice divine. Voyons ce qu'elle vaut vraiment. Par pitié, si quelqu'un tombe sur mes écrits, ne m'en tenez pas rigueur, et contentez vous de les brûler.

Elle referma la couverture de cuir et laissa ses pensées sur papier sur le bureau.

N'emportant avec elle que son turban pour se protéger du sable et sa dague pour se protéger du monde, elle enfourcha Crin Blanc, son étalon, et se rendit à la cité dirigeante.

Laissant sa monture à l'écurie, Valaya trouva le Bougre au marché, en train de vendre son savoureux poisson comme à l'accoutumée.

En la voyant, l'homme d'une quarantaine d'années lui offrit un grand sourire avant de se raviser face à son air grave. Elle lui fit signe de la suivre et il laissa son étal à l'un de ses apprentis.

Arrivés derrière le tribunal, - quelle ironie - le Bougre intrigué lui demanda :

"- Vous voulez me parler dame Valaya ?

- Je dois vous parler de quelque chose. Vous vous souvenez que votre ami a été assassiné dans ce qui était ma taverne.

- Oui, une bien triste histoire.

- C'est moi qui l'ai tué."

La révélation de l'ex-élyséenne jeta un froid entre eux.

"- Pourquoi avoir fait ça ? Expliquez-vous !"

Le cri de l'homme en face d'elle fit tressauter Valaya. Pourtant elle ne lâcha pas une larme.

"- Il voulait me violer. Je n'ai fait que me défendre, dit-elle en baissant le regard.

- Pourquoi ne pas avoir appelé au secours ? La garde se serait chargé de son cas.

- Quant bien même il aurait eu ce qu'il voulait et m'aurait sûrement tué après ça. Il avait une dague pointée sur mon cœur.

- Alors vous auriez dû prévenir la garde de votre méfait. Fuir à simplement aggravé votre cas.

- Je n'ai pas pu... J'avais peur.

- Quoi qu'il en soit, vous avez commis des crimes contre Elyséa et ses habitants, et il est temps de payer pour vos crimes."

Le Bougre interpella un garde qui la mit aux arrêts après qu'elle lui eut confié son arme, et l'enferma dans une cellule en attendant son jugement.

Plusieurs semaines passèrent avant qu'elle ne soit jugée.

Semaines durant lesquelles elle eut droit à la visite du bourreau d'Elyséa, du Bougre lui-même, et de son amant d'il y a peu, Scouzi, l'architecte du Roi Nigol.

Celui-ci également lui rendit visite en compagnie de Shoto, et après une discussion privée avec Valaya, il lui remit une petite note qu'elle cacha dans le décolleté de sa chemise.

Une fois seule, elle déplia le petit papier et lut :

Dame Valaya,

Je ne peux vous perdre en cet instant , je ne le supporterais pas.

Surtout après ce que nous avons vécu l'un et l'autre.

Il est vrai que nous avons eu des différents par le passé.

J'ai même eu des doutes sur votre loyauté envers moi.

Néanmoins je sais au fond de mon cœur que ma confiance vous est acquise.

Si jamais cela devenais trop dur à supporter.

N'hésitez pas à faire valoir vos droits.

Et demandez à me voir, je viendrais autant que je le peux.

Nigol.

Après avoir lu ces mots qui se voulaient encourageant, Valaya en voulut à Nigol de lui rappeler ce qu'ils avaient vécu dans leur intimité.

Deux jours plus tard, alors que la jeune femme venait de finir son repas de détenue, une voix l'interpella dans la cellule d'à côté :

"- Psst ! Hey toi !

- Qui est-tu ?

- On m'appelle le Rasoir.

- Oh ! Alors tu es l'incapable qui a laissé Wanheda Karpashian s'enfuir. Tu sais, il paraît que ton maître a perdu de sa splendeur sans sa tête.

- Il est mort ? Non ! Tu mens ! Je suis certain qu'il vit toujours.

- A moins que devenir un nid de vers lui ai rendu la vie j'en doute fort.

- Qui a fait ça ? Qui a osé ? C'est cette pute de Wanheda c'est ça ? Réponds-moi !

- Peu importe, il est mort et tu le suivras bientôt quand Elyséa saura qui tu es.

- Que tu crois, sale chienne. J'ai des hommes hors d'ici. Cette geôle ne me retiendra pas longtemps."

Valaya laissa le Rasoir vociférer seul et s'allongea sur la paillasse en peau qui lui servait de couche, avant de s'endormir.

Le jugement vint quelques jours plus tard.

Son défendeur fut Nigol lui-même, et le voir défendre ses droits de prisonnière lui fit chaud au cœur.

Après une heure de débat, durant laquelle le procureur ne cessa de la houspiller sur le nombre de meurtre qu'elle aurait pu commettre par "légitime défense", le jury rendit son verdict :

"- Le jury a délibéré, et déclare l'accusée coupable du meurtre d'Ulrich Gobel."

Les 5 RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant