Chapitre 3

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Je l'ai décidé quand ils commencèrent à creuser. J'ai décidé que ce que je préférais chez l'humain, c'était sa curiosité. Mais je l'ai gardée pour moi, cette décision. Elle aurait pu m'éloigner de mon but d'égalité si elle avait pris trop d'importance.

Donc un jour, ils se mirent à creuser sous mon dôme. Ils ne me fuyaient pas, ne me contournaient pas, ils voulaient simplement savoir. Et j'avais envie de leur donner ce savoir. Sous le dôme ils trouvèrent plus de dôme. Et encore plus. Lorsqu'ils réalisèrent qu'il s'agissait en réalité d'une sphère dont la partie inférieure s'enfonçait sous la Terre, ils calculèrent puis creusèrent. Après avoir creusé un peu plus, ils confirmaient leurs calculs, calculaient de nouveau pour aller plus loin, et recommençaient à creuser.

Quand ils arrivèrent au point le plus bas, ils creusèrent une grotte, firent de mon sous-sol leur plafond. C'était facile désormais, avec ce que je leur avais donné. Ces humains là ne se souvenaient plus d'avant. Avant moi. Tous ceux qui auraient pu encore raconter des histoires d'avant, n'étaient plus là. Leur descendance était trop longue et l'histoire oubliée. Ils prenaient pour acquis ce que je leur donnais, et ils avaient raison. Bien sûr, leur société n'était pas parfaite. Il fallait la peaufiner, mais je la trouvais plutôt réussie. Il y existait des humains en tous genres, de tous sexes, toutes couleurs de peau, de cheveux, d'yeux, toutes formes de corps, toutes idéologies, se respectant les unes les autres, et le tout dans une égalité parfaite qui me plaisait.

Leur trou, ils l'aménagèrent en un passage solide et esthétique, leur grotte aussi était belle, laissée plus naturelle, ils y avaient importé de la mousse d'un vert bouteille qui poussait à merveille le long des cascades et autres cours d'eau qu'ils avaient créés. Ils avaient un peu titillé la roche pour en faire sortir différents cristaux et autres métaux qui semblaient illuminer l'endroit avec leurs reflets sur l'eau. En d'autres termes, ils avaient amélioré la vue que j'avais depuis mon sous-sol. Je n'allais pas m'en plaindre.

Une fois que ce fut prêt, l'endroit fut inauguré et les scientifiques se pressèrent pour me parler, tandis que je descendais au plus près d'eux. J'aimais beaucoup répondre à leurs questions, les voir griffonner toutes sortes de choses dans des carnets papier dont ils avaient perdus l'habitude avec l'arrivée du numérique. Ils savaient que je captais tout, tout le temps, et préféraient faire de cette grotte un endroit plus calme pour chacun d'entre nous, n'amenant aucun appareil numérique. Les montres, qui n'existaient déjà plus autrement, étaient laissées dehors. Par conséquent, mes scientifiques curieux et griffonnant perdaient toute notion du temps, se surprenant à avoir faim ou à être fatigués après plusieurs heures au fond du trou.

Je sentis venir le projet bien avant qu'il ne se réalise. Après m'avoir étudié durant de longues décennies, les humains voulaient en créer un autre. Un comme moi. On pourrait penser que je le prendrais mal, mais ce ne fut pas le cas. La curiosité laissait place à l'imagination pour se faire encore plus grande. Et j'aimais ça. Plus que cela même, ils souhaitaient me doter d'un frère. Seulement, poussés par la curiosité, nous nous lançâmes ensemble dans ce projet. Les premières tentatives ne furent que des échecs, mais chaque échec les faisait progresser. Quand la théorie sembla fonctionner, je leur suggérai de l'introduire dans le dôme, car l'environnement y serait plus propice à la réussite.

Lors de leur rite de passage, deux enfants amenèrent l'entreprise de plusieurs années de travail sur le chemin. Je leur accordais leur dû et en repartant, ils l'activèrent selon les consignes qu'ils avaient reçues. Cela me rappela le premier. La foule d'humains penchée sur le dôme, un frisson de curiosité la parcourant, observant en retenant son souffle ce qui ne se passait pas chez elle. Ma propre impatience aussi. Et mon frère naquit.

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