Chapitre 43

3 2 0
                                    


Les membres du personnels qui s'activaient autour de nous étaient si nombreux qu'ils eurent rapidement finit leur tâche, et Yvan les congédia aussi vite que possible. Ceci fait, il se tourna vers nous avec excitation, et sur sa demande, Evelyn alluma et éteint ses bras plusieurs fois sous mes yeux ébahis. La couleur noire et pourtant lumineuse qui s'en échappait était fascinante, et je voulus saisir cette occasion pour me replonger dans le travail avec une étude plus approfondie des pouvoirs de la princesse, cela pour mettre encore plus de distance entre moi et mon mari. Mais la jeune fille éteignit alors ses bras et les cacha derrière son dos en se levant sur la pointe des pieds avec un sourire rieur :

« -Vous devez tous deux vous préparer pour souper avec père ce soir, viens Victor, allons jouer dans les jardins ! »

Elle partit en courant vers la porte, et sur le seuil pivota de nouveau vers nous.

« -Tu viens ? »

Victor eu un instant d'hésitation durant lequel il regarda tour à tour son frère et sa sœur, puis un éclair de compréhension sembla lui traverser le visage.

« -J'arrive ! »

Il la rattrapa et alors qu'ils allaient partir, Yvan les retint d'une voix forte :

« -Merci ! »

Les deux jeunes gens sourirent avant de s'enfuir en courant et en riant. Dans un geste soudain qui me surprit, Yvan se tourna vers moi pour m'empoigner par les épaules, mais le regard fuyant :

« -Je... je me doute que ces derniers jours ont dû te sortir de ton quotidien et je n'ai pas été très présent, mais je suis toujours à tes côtés, et si il y a quelque chose dont tu veux me parler, tu peux le faire comme avant, rien n'a changé, tu le sais ? »

Son discours me prit au dépourvu. Si son manège avec sa jeune sœur ne m'avait pas échappé, j'étais loin de me douter que j'y avais joué un rôle aussi important. Plusieurs pensées se bousculèrent dans mon esprit, il y avait tant de choses que je voulais lui dire que je ne savais même pas par où commencer. S'apercevant du trouble dans lequel il m'avait plongé et peut-être ressentant aussi que ma gorge se resserrait un peu plus à chaque instant, m'empêchant bientôt de parler si tant est que j'eus trouvé les mots, Yvan m'assit doucement sur le bord du grand lit au milieu de la chambre.

« -Prends ton temps. »

L'inquiétude dans sa voix qui ressortait malgré la douceur de son intonation me poussa à parler, et tout sortit d'un coup, se mélangeant, passant d'une émotion à une autre, toutes aussi fortes les unes que les autres.

« -J'ai l'impression que tu t'écartes, que tu deviens un homme très important et que je reste le tapis que j'ai toujours été, que cette différence nous éloigne, non laisse-moi finir, j'ai l'impression que tu vas me laisser derrière car un tapis s'use avec le temps et qu'il faut le remplacer, je crois que j'aurais préféré rester dans ton ombre, non, en réalité je crois que j'aime rester dans ton ombre, parce que c'est ton ombre, parce que ce qui est à toi est calme et rassurant, et parce que devenir ce qui est à toi, et bien c'est te garder près de moi, et je crois que j'ai peur de te perdre... Yvan, je suis stérile. Ça n'a jamais été formellement démontré mais je le sais, et tu as besoin d'enfanter un héritier pour ton trône, j'ai peur que tu te rendes compte que je ne suis pas la femme qu'il te faut. J'ai peur que tu en prennes une autre, que tu m'oublie, que tu l'aime plus que tu ne m'aimes, je- »

Yvan me saisit alors dans ses bras, si fort qu'il me coupa la respiration sur le coup, et la chique avec. Je m'aperçus que les larmes refoulées coulaient le long de mes joues, et que ma gorge se resserrait de nouveau maintenant que j'avais arrêté de crier. Toujours dans son étreinte, je repris d'une voix étouffée :

« -Je n'avais pas finis, il y a encore d'autres choses que je voudrais te dire...

- Je t'aime. »

Yvan ne m'avait toujours pas lâchée, et les mots qu'il venait de prononcer avaient vibrés dans nos deux corps entrelacés, partant tout droit de son cœur pour répondre aux cris du mien. Il aurait pu tenter de répondre à ma tirade par une série de contre-arguments rationnels pour me rassurer vis-à-vis de chaque problème que j'aurais pu soulever, mais jamais il n'aurait pu trouver de mots aussi justes que ceux-là. Notre étreinte dura aussi longtemps que mes yeux prirent à sécher, et mon mari répéta ces trois petits mots en chuchotant plusieurs fois, à intervalles presque réguliers.

PremierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant