Chapitre 11

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Un rayon de soleil sur mes paupières me sortit du sommeil. Sentant la chaleur sur mon visage, je n'ouvris pas les yeux par peur d'être éblouie violemment. Le silence m'entourait, et une odeur familière titillait mes narines. Un mélange d'assouplissant sur des vêtements propres et de parfum pour homme diffus qui me firent lever la tête. Yvan dormait sur une chaise à côté de moi. La penderie plus loin me fit reconnaitre le mobilier simple de ma chambre. Je me redressais, le mouvement réveillant mon frère ainé. Baillant, il releva la tête et vit mes yeux ouverts le fixer. Il eut un instant d'arrêt avant de baisser les yeux sur mes bras, je suivis son regard. Mes avant-bras étaient noirs. Mais d'un noir incomparable à une couleur de peau, un noir qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, diffusait une faible lumière.

Je questionnai Yvan du regard, les mots étant insuffisants pour lui demander les innombrables réponses dont j'avais besoin. Il avança son bras à côté du mien et utilisa son pouvoir, me montrant que la seule différence entre nos deux bras était maintenant leurs couleurs.

« - J'ai réussi à les convaincre d'étudier le phénomène avant de te jeter dans le vide du dôme. »

Un demi-sourire ne réussit pas à illuminer son visage alors qu'il ramenait son bras le long du corps. Il me faisait gagner du temps et je lui en étais reconnaissante. Il répondit ensuite à toutes les questions auxquelles il était capable de répondre.

Il m'expliqua qu'il avait été écarté du palais par père jusqu'à la cérémonie et qu'ainsi il avait pu influencer les décisions me concernant à mon retour. Victor était toujours dans les pommes, mais des infirmiers et autres personnels veillaient sur lui, et il allait s'en remettre. Quelques savants étaient arrivés au palais dans le but de m'étudier, et ils étaient en train de s'aménager un espace de travail. Ce fut alors à son tour de m'interroger du regard.

Je lui détaillai mon aventure le plus possible, sentant des hypothèses incroyables naître dans son esprit. Son regard dans le vague mais tout de même alerte, il m'écouta avec attention jusqu'à la fin, et nous partageâmes ce que nous en avions appris. Frère et Premier étaient deux êtres différents, tout en étant le même genre de créature. Frère était la fumée verte, et Premier la fumée noire. Je développai ensuite une théorie selon laquelle Premier serait peut-être arrivé avant Frère de par son nom, et qu'il avait été oublié avec l'apparition de Frère, qui serait plus probablement le frère de Premier, que celui des humains.

Pour approfondir nos recherches, Yvan voulut se rendre aux archives, et je lui demandai d'avertir les savants de mon réveil en sortant, afin de progresser aussi de mon côté dans nos recherches. Ils entrèrent par foules entières dans la petite pièce qu'était ma chambre, parlant  comme si je ne pouvais pas les entendre. Ils s'imaginaient que je ne comprenais pas leurs idées scientifiques et déblatéraient entre eux, parfois sans se comprendre eux-mêmes. Avec les mêmes phrases courtes et simples que l'on devait adresser aux hommes de couleurs qui composaient le personnel, ils me donnaient des consignes, testant leurs idées sur moi.

Je parvins d'abord à retirer le noir de mes bras et à le faire revenir, ressentant la présence de Premier en moi à chaque mouvement. Ensuite, ils posèrent une pomme à l'autre bout de la pièce et me demandèrent de la faire bouger sans la toucher. C'était le premier exercice qu'on donnait aux jeunes garçons après leur rite, les savants disposaient donc d'une centaine de conseils types et de gestes à appliquer en cas de difficulté.

Je n'y parvins pas, maudissant leurs stupides conseils car j'étais certaine que c'était cela qui m'induisait en erreur. Une nuée de « évidemment, évidemment » fusa de la foule devant mes échecs répétés. Celui qui se pencha pour ramasser la pomme m'énerva le plus et je demandais immédiatement un nouvel essai, pour ne pas voir cet air satisfait sur son visage. Je prétendis avoir eu une illumination, car le terme de nouvelle idée ne leur aurait pas convenu, c'était eux qui avaient les idées et moi qui m'illuminais. On m'accorda donc un nouvel essai.

Sourde au nouveau flot de conseils qui s'abattait sur moi, je me concentrais sur ce savant à côté de la pomme qui m'exaspérait. D'un geste naturel, il se pencha et déplaça la pomme sur la gauche de quelques centimètres. Seul un léger froncement de sourcil eût pu trahir ma réflexion, mais personne ne m'en fit la remarque. Approfondissant l'idée qui germait en moi, je retentais. Le savant fit la même chose vers la droite. Quelques uns de ses collègues le houspillèrent, lui reprochant sa minutie qui aurait pu m'empêcher de réussir leur exercice, et les premiers flocons de neige de l'hiver apparurent à la fenêtre.

PremierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant