Chapitre 47

3 2 0
                                    


J'ai passé d'innombrables soirées au coin du feu à raconter mes aventures à des femmes de tout âge, et il n'est pas dans mes habitudes de m'étendre sur un sujet ou de créer du suspens. Aussi, j'irais droit au but. Lors de cette réunion, je commençais par communiquer à toutes les retours de l'historien sur son mariage et son installation, retours qui s'avéraient être fort positifs. Certaines semblaient sceptiques à l'idée de considérer un homme comme un allié et de le marier à une femme, mais je n'écopais que de quelques regards mauvais, chacune sachant que Thérèse approuvait l'idée. Afin de dissiper la mauvaise atmosphère que j'avais instauré en débutant cette réunion, la vieille Marie se leva et exprima son accord vis-à-vis du projet, en soulignant que tout allié à notre cause était bénéfique.

La sagesse de l'ancienne acheva de calmer l'assemblée et Annie se leva à son tour pour prendre la parole. Elle évoqua rapidement un homme près de ses sous qui s'était étonné en public d'avoir si peu de filles prêtent au mariage, et qu'il lui semblait en avoir enfanté bien plus. Nous prîmes la décision de sévir moins souvent aux alentours de l'endroit où cet homme avait été vu, car son inquiétude était très certainement due à nos agissements dans les établissements d'accueil de la région.

Cette question étant réglée, Magdalena pris alors la parole, commençant par nous donner des chiffres concernant les femmes d'une camp qu'elle jugeait douées pour le combat, et d'autres chiffres sur celles souhaitant apprendre à se battre. Il s'agissait de chiffres élevés, et Thérèse en fut très contente. Magdalena ajouta alors que même si elle n'était pas ravie par l'aide que nous apportions à Martin, elle savait reconnaitre que ses idées méritaient d'être poursuivies et avança que sur la base de cette égalité entre humains, nous devrions inciter les femmes de couleur à nous rejoindre ou tout du moins nous soutenir.

Je me souviens que des exclamations de protestations assourdissantes fusèrent lors de cette intervention, bien plus véhémentes que le silence mauvais qui avait suivit mes informations sur Martin. Je me souviens aussi que j'avais pris part à ces protestations, mais les raisons qui m'avaient poussée à le faire n'étaient pas les bonnes, comme pour la plupart d'entre nous. Les bonnes raisons furent avancées par Marjorie, mûrie sans doute par ses voyages, elle s'exprimait d'une voix calme et posée.

Elle expliqua à Magdalena que les femmes de couleur n'existaient que dans l'empire de l'Est, qui les utiliser pour procréer plus d'individus masculins de couleur et les vendre aux autres pays. Les camps d'élevage d'hommes de couleurs n'existaient que dans l'empire de l'Est, et ses femmes de couleurs lui permettaient d'avoir le monopole du commerce d'esclave. Aussi, les femmes de couleurs étaient très bien gardées, et non seulement nous aurions des difficultés à entrer en contact avec elles, mais si nous encouragions certaines à s'échapper, elles seraient recherchées sans relâche à travers le pays, bloquant ses frontières.

Porter un coup dur à l'économie de l'empire n'était pas une mauvaise chose en soi, mais la violence des soldats de l'armée de l'Est pourrait nous être fatale si nous tentions d'aider les fuyardes. Ce serait signer la fin de nos actions, et notre disparition ferait taire les femmes de l'empire par peur de du retour de bâton. Magdalena se renfrogna, mais accepta ces arguments rationnels, qui permirent à Thérèse d'amener son propre sujet sur la table : la lutte. En effet, l'idée de Thérèse rendrait l'implication de femmes de couleur dans notre organisation possible, ainsi Thérèse s'assurait au moins le soutien de Magdalena dans son projet.

Pour le reste d'entre nous, nous étions plutôt divisées. Joséphine, l'institutrice, pensait que la guerre civile que cela amènerait serait vaine et conduirais à notre destruction, soit, comme dit plus tôt, à l'extinction de l'espoir que nous représentions pour toutes les femmes du pays. Elle était soutenue par Annie, qui voyait son commerce mis en danger par la lutte, sans doute arrêté, et le partage de ressources deviendrait plus difficile, si ce n'est impossible si on voulait encore rester discrètes et se cacher des soldats. Marie était moins radicalement opposée à la lutte, mais une chose était sûre, elle ne la soutiendrait pas. Elle voyait beaucoup de jeunes filles remplies d'espoir rejoindre nos rangs, et elle avait la sagesse de savoir que la guerre effaçait les sourires des visages, éteignait les étincelles de joie dans les yeux, et étranglait les rires dans les gorges avant même qu'ils ne naissent.

De l'autre côté, si Marjorie pouvait réitérer ses arguments remis sur la table par Joséphine, elle ne s'opposait pas non plus à la guerre. Trop peu de femmes encore rejoignaient nos rangs, il fallait nous faire connaitre par des femmes mariées à des hommes plus importants, avoir accès à de nouvelles ressources, toucher de nouvelles personnes. Elle savait aussi que dans certains royaumes de l'ouest, les lois concernant les femmes étaient plus souples, et ainsi, que cela était possible chez nous aussi. Fortes de ces idées, elle soutenait le projet de Thérèse, tout comme Magdalena.

Ce fut donc à moi de trancher. Après avoir entendu les arguments des deux côtés et les avoir laissé débattre pendant quelques minutes, je pus me faire un avis sur la question et pris la parole à mon tour :

« - Pour défendre un espoir, il faut le créer ! »

PremierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant