Chapitre 9

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La disparition de mon grand frère Yvan m'inquiétait, mais son statut et son pouvoir propre à la famille impériale le protégeaient et je décidais de ne pas m'inquiéter outre mesure. Lui qui avait voulu se battre pour moi dès qu'il avait réalisé que quelque chose clochait dans la société. Je l'avais poussé à se battre pour d'autres choses, le statut des gens en fonction de leurs couleurs de peau aurait sans doute été une cause plus facile à défendre, et qu'il aurait pu faire avancer. Mais il s'était pris d'affection pour moi et il aurait été stupide de ma part de refuser ce que les autres princesses n'avaient pas : l'attention des deux princes.

Je l'avais aidé du mieux que je pouvais, me rapprochant aussi de Victor mais plus intimement, leur ouvrant doucement les yeux sur le monde qui les entourait et je voyais leurs vies paisibles devenir plus chaotiques par ma faute. Mais qu'ils se posent des questions, ça leur fera du bien. Mon intelligence précoce n'avait pas surpris qu'eux, et je crois avoir été la première étonnée d'apprendre qu'il n'était pas normal d'étudier les mathématiques et de savoir lire à trois ans. Je décidais alors de me faire discrète, étudiant le plus possible et le plus tôt possible, l'espérance de vie d'une femme n'étant pas très élevée.

Les trois derniers jours avant mes cinq ans, je dus rester enfermée dans ma chambre. J'appris par mon frère Victor le sort qui m'attendait, et que j'avais indirectement provoqué. Le roi l'annonça très rapidement et une cérémonie fut organisée à la va-vite. Je voyais trois points positifs à ma nouvelle situation. Le premier était que je n'aurais pas à me marier pour enfanter et être rejetée après. Le deuxième résidait dans le fait que pour la première fois, et sans doute la dernière, on organisait une fête pour mon anniversaire. Le troisième était le meilleur à mes yeux. Je cherchais la connaissance, et l'endroit où l'on m'envoyait était une source de connaissance, Frère.

Je savais que Frère ne pouvait avoir un lien avec nous que si l'on prononçait son nom. J'étais déjà impatiente à l'idée du savoir ce que je pourrais obtenir avant qu'il ne me force à dire son nom. J'avais intimé Victor de ne rien dire et de ne rien faire au sujet de mon offrande, l'occupant à chercher notre frère plutôt que de disparaitre comme lui. Il n'était donc pas dans ma chambre quand on vint me proposer tenues de parade, maquillages et parfums qui me répugnaient. Afin d'épargner un travail long et inutile à ces hommes du personnel, je choisis rapidement une tenue que j'enfilais moi-même et leur laissais leur journée.

Le jour de mes cinq ans fut la seconde fois de ma vie que mon père me regarda. Je voulais marquer un point contre lui, et j'eus la chance de le faire car nous nous retrouvâmes seuls devant le dôme. Il posa sa main contre la paroi lisse et clama haut et fort qu'une offrande allait être réalisée avec tout un tas d'autres grands mots que je n'écoutais pas, et je décidai qu'un peu d'insolence ne ferait pas de mal à l'Empereur. Alors que la cour un peu plus loin, acclamait le discours de son empereur et que Frère apparaissait au centre du dôme, je tournais vers mon père le regard de petite fille le plus innocent dont j'étais capable.

« - Père, mon destin si grand que je suis sur le point d'accomplir, est-il plus enviable que le vôtre ? »

Son regard se baissa lentement vers moi, ses yeux étaient gris et froids et il mit une main dans mon dos, pour me pousser doucement vers le dôme. A ce moment-là j'entendis derrière moi ce que je n'aurais pu éviter, même avec toute la persuasion du monde. Mon frère Victor se détachait de la foule pour venir vers nous, sa vitesse améliorée par ses bras lumineux, il passait à côté des soldats trop peu rapides et l'empereur le suivait durement du regard. La garde personnelle de père le cueillit d'un fort coup dans le ventre, qui l'assomma devant la cour qui murmurait. La voix sèche de père parvint à mes oreilles.

« - Le travail d'un empereur est bien trop complexe et grandiose pour être comparable.

- Bien sûr, il n'y a pas de sot métier. »

Je ne laissais pas le temps à sa sagacité de me rattraper, et traversais la paroi lumineuse, hors d'atteinte du grandiose empereur.

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