Chapitre 25

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Les couloirs étroits et sombres débordaient de personnel pressé, se bousculant à chaque instant sans jamais renverser les plateaux en équilibre pourtant précaire, les piles de linge propre et repassé qui surplombaient de leurs imposantes hauteurs ceux qui les portaient, ou les serpillères et les balais qui manquaient à chaque instant de faire trébucher quelqu'un. Malgré l'absence d'une charge sur mes épaules, je peinais à traverser cette foule entrainée et bien plus encore, à suivre la silhouette de mon guide dans cet univers si proche et si étranger. Plusieurs pas devant moi, je pus l'apercevoir tourner brusquement sur la droite et me serrai moi-même contre le mur afin de m'extraire du flux incessant qui m'emportait. Ce couloir était plus petit mais aussi plus libre et Morgan m'avait attendu à l'entrée pour rabattre la capuche de la cape sur ma tête.

« - Il y aura moins de monde ici, nous avancerons plus facilement désormais. »

A bout de souffle, j'esquissai un hochement de tête et il repartit d'un pas rapide dans le dédale de couloirs du palais qui facilitaient le déplacement du personnel. Après quelques tournants, la disparition du brouhaha ambiant lui donna raison mais mon souffle saccadé retentissait désormais dans l'espace long et sans ouvertures. Arrivé à un carrefour à trois issues où étaient entreposées quelques caisses, il ralenti pour se retourner vers moi. Il me saisit sous les aisselles avec une facilité déconcertante pour m'assoir sur les caisses où je m'avachi de fatigue. Il me laissa reprendre mon souffle quelques secondes avant de se retourner pour me présenter son dos.

« - Monte. »

L'attention dont il faisait preuve me touchait et j'aurais volontiers accepté mais je préférais être prudente. Je posai une main sur son dos pour m'appuyer en me rapprochant de son oreille, et je murmurai :

« - Nous sommes suivis. »

Je n'aurais pas pu le savoir dans la foule mais depuis que nous étions seuls, je ressentais derrière nous la présence d'un esprit dont les intentions, que j'avais brièvement sondé, paraissaient malveillantes. Morgan me lança un coup d'œil inquiet et resta immobile quelques instants. Dès que le bruit de pas rapides sur le sol dur se fit entendre à travers nos respirations, Morgan enfonça la capuche sur ma tête et arrangea la cape de telle sorte qu'on ne pouvait plus voir mes vêtements. Un homme apparut au détour du couloir d'où nous venions, et esquissa immédiatement un sourire en s'arrêtant à quelques pas de nous. Il dit d'une voix neutre :

« - Morgan. »

Mon guide lui répondit sur le même ton :

« - Hugo »

L'échange sec de prénoms des deux hommes m'incita à relever légèrement ma capuche pour observer la scène. Le nouveau venu, sans doute nommé Hugo, était un homme à la peau subtilement plus sombre que celle de Morgan, des cheveux noirs rasés de près, et une stature petite, trapue mais musclée. Durant une intimidation aux regards noirs qu'ils avaient pareils, je pus noter que la musculature d'Hugo était plus développée que celle de Morgan, il était en position de force par rapport à nous. Ou seulement de force physique.

Devant la passivité apparente de Morgan et après ces quelques secondes de repos, je pris la situation en main. Hugo perdit soudainement son sourire, il se retourna et partit presque en courant de là où il était venu. Morgan se retourna vers moi, stupéfait, avant de baisser les yeux sur la lumière diffuse de mes bras noirs et de pousser un grognement discret en ajoutant :

« - Je n'aime pas ça. »

Je sautai de ma caisse et lui répondit :

« - Nous sommes pressés. »

Il détourna le regard pour s'élancer à grandes enjambées dans un nouveau couloir, ne réitérant pas sa proposition pour soulager mes jambes et je le suivis donc à pieds. Après quelques piétinements dynamiques dans les couloirs, nous débouchâmes sur une clarté éblouissante mais  néanmoins occultée par deux gardes impériaux. Les deux gardes étant tournés vers l'extérieur, ils ne nous virent pas arriver en plissant les yeux sous la lumière du soleil. Morgan les examina un instant avant de baisser la tête vers moi, mais mes bras étaient déjà colorés de noir. Il se renfrogna mais se résolu à l'accepter ; il m'aurait demandé de le faire de toute manière.

Les deux gardes se tournèrent en même temps vers un mur en fermant les yeux, j'intégrais en eux une volonté de ne plus bouger, et nous nous faufilâmes rapidement dans leurs dos pour accéder au centre ville de la capitale.

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