Chapitre 6

13 5 1
                                    

Estelle peut-être, ou alors Elena...

C'était stupide. Complètement stupide. Perdre mon temps à deviner son prénom alors que je pouvais tout à fait lui demander, c'était d'un puéril. Cela m'énervait de plus en plus. J'avais accompli mon rite du pouvoir en allant voir Frère il y a deux ans déjà. Frère n'était pas mon frère. C'était le nom de la divinité qui nous accordait nos pouvoirs. Les anciens disaient qu'il se nommait ainsi car il était notre grand frère à tous, le grand frère de l'humanité. Avec ce pouvoir, j'aurais pu obliger ma sœur à cesser de regarder chaque livre de la bibliothèque avec cet air curieux qui m'énervait. Je décidai de faire d'une pierre deux coups en agissant autrement.

« - Viens par là ! »

J'avais utilisé un ton fort et autoritaire, c'était parfait. Elle reposa avec précaution le livre qu'elle avait dans les mains sur une étagère de la bibliothèque, et trottina souriante jusqu'à moi. C'était presque de l'insolence, et en même temps ce n'était pas suffisamment concret pour que je puisse l'affirmer.

« - Je peux t'aider ? »

Je n'aimais pas le mot Aider. Je n'avais pas besoin d'aide de sa part. Je décidai d'ignorer cette phrase dérangeante.

« - Donne-moi ton nom.

- Bien sûr mon prince, je me nomme Evelyn, mais en tant que frère, vous pouvez m'appeler Eva. »

Ça y est, j'en étais sûr maintenant. Elle se moquait de moi. Pire encore, elle s'amusait avec moi, guettant mes réactions, cachée derrière son sourire de façade mais malicieux. Et je ne pouvais rien faire. L'appeler Evelyn, c'était utiliser l'information qu'elle me donnait, lui prouvant que je l'avais écouté, et ignorer la fin de la phrase dans ce cas là m'aurais couvert de ridicule. Il était hors de question que je l'appelle Eva. Mon père aurait su comment réagir mais j'étais pétrifié. Me mettre en colère n'était pas digne de la situation, mais elle me tendit une perche. Elle avait finit de s'amuser.

« - Je peux regarder tes mathématiques ? »

Plus de mesquinerie, seulement de l'intérêt. Un refus se forma dans ma gorge, mais il s'arrêta juste à temps. Il s'agissait d'une enfant de trois ans. Une fille qui plus est. Retenant un sourire, je fis glisser mon cahier vers elle et elle se hissa sur une chaise à côté de moi. C'est là que tout commença. Lors de sa première aventure dans la bibliothèque. Avec moi. Et les mathématiques.

Je vous passe les détails, mais en quelques minutes, elle avait résolu toute ma feuille d'exercices. Des additions et des soustractions. Je ne jetai même pas un œil sur la feuille et lui dit qu'elle avait tout faux. Elle affirma le contraire et me demanda de présenter la feuille à un observateur extérieur. J'étais ennuyé de devoir appeler mon précepteur pour un ramassis d'erreurs et préférais aller chercher mon frère, nous allions pouvoir célébrer cette petite victoire ensemble, j'espérais même la voir pleurer.

Je fus d'abord déçu de la suite des évènements, ensuite ils m'intriguèrent, et après je compris. Yvan, mon grand frère, posa des questions très sérieuses à Evelyn, qui y répondit le plus précisément possible. Ensuite, il prépara lui-même une autre fiche d'exercices avec des multiplications et des divisions. En peu de temps, elle saisit les concepts mathématiques qu'il lui expliqua et termina la fiche. Ensuite, il prit des livres de géométrie dans la bibliothèque.

Elle réinventa des théorèmes, résolvant des équations qui tourmentaient nos mathématiciens les plus éminents, et si je l'avais perdue depuis déjà des centaines de lignes de calculs, mon frère peinait à la suivre plus loin. Aucun précepteur n'accepterait de donner des cours à une fille, fût-t-elle une princesse. Mon frère prit la décision d'aller voir notre père l'empereur, emmenant toutes les feuilles qu'Evelyn avait noircit. Je les suivis car la curiosité avait depuis longtemps remplacé la frustration et Yvan nous demanda d'attendre à la porte tandis qu'il entrait seul dans le bureau de père.

PremierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant