Chapitre final

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- S'il te plaît... Je t'en supplie, ne m'oublies pas... N'oublies jamais cette image de moi qui sourit !

Elle m'avait dit ça tout en souriant. Mais rien d'autre ne me préoccupait que le sang qui avait coulé de sa bouche, et les larmes qui dévalaient le long de ses joues. Tout s'était secoué à l'intérieur de moi. J'avais l'impression de tomber sans fin dans un gouffre profond. Je rêvais à ce moment-là de me réveiller et de la voir simplement dormir. Je rêvais de pouvoir alors me tourner vers elle, et aller la serrer dans mes bras comme je le faisais à chaque fois que je me réveillais en plein milieu de la nuit.

- Je... serai... toujours... à... tes... côtés...

Ce furent ses dernières paroles. Après ça, je n'ai plus jamais entendu le son de sa voix. Elle s'est éteinte. Son cœur a cessé de battre, sa respiration s'est arrêtée, et son corps s'est refroidi. Elle n'avait même plus la force de me serrer dans ses bras. Ils étaient retombés, pour me faire comprendre qu'il était maintenant trop tard.

Je me souviens encore de ce jour comme si c'était hier. La première fois que je l'ai vue, la première fois que j'ai croisé son regard, la première fois qu'elle m'a souri, et la première fois que j'ai entendu son rire. Ce jour, je ne l'ai jamais oublié, gardant en mémoire chaque détails de ce qu'il s'était passé. Ce jour où tout a basculé.
On m'avait envoyé chercher des papiers à la garnison, et c'est sur le chemin du retour que je l'ai rencontrée.

D'un pas pressé, je traversais la rue bondée en ce jour de marché. On pouvait à peine circuler sans manquer de bousculer quelqu'un, et je maudissais intérieurement Erwin d'avoir fait de moi son larbin pour aller récupérer des papiers qu'il aurait pu lui-même aller chercher. Ça aurait très bien pu attendre le lendemain aussi, quand la ville aurait été plus tranquille. J'ignorais donc chaque bribe de conversation que j'entendais. Des trucs inintéressants, de personnes inintéressantes.

- Maman ! Avait crié un enfant dans la rue. On peut rentrer s'il te plaît ?

- Attendez-moi les garçons ! Ça avait été au tour d'une adolescente qui courait sur ma droite, manquant de me rentrer dedans, de crier.

- Je suis allée à ce restaurant avec mon mari la semaine dernière. Il est super bon ! Tu devrais y aller à l'occasion, disait une femme que je dépassais sur ma gauche.

Sans aucune importance, vraiment. J'avais encore hâté encore le pas. J'avais au moins pu éviter qu'on me reconnaisse. J'en avais déjà assez qu'on s'exclame de ma présence avant chaque départ d'expédition. Au moins là, la foule et le chaos me permettaient de passer inaperçu.

- On va boire un coup pour fêter la bonne nouvelle Mat' ? Avait demandé une jeune femme non loin devant moi.

J'avais relevé le regard dans la direction de cette voix. Il me semblait apercevoir sa détentrice sortir de l'un des immeubles.

- On devait passer au cimetière Ami, on n'a pas le temps de tout faire...

J'avais détourné à nouveau mon attention. Une autre conversation sans intérêt, peut-être un peu moins gaie que les autres. Mais elle restait une conversation du quotidien. Tous ces gens normaux, qui vivaient sans connaître l'horreur que c'était au dehors des murs.

- Oh c'est bon ! S'était encore exclamé cette personne. Nos parents peuvent bien attendre notre prochain jour de repos.

Une unique question m'avait traversé l'esprit : pourquoi est-ce que la voix de cette femme attire sans cesse mon attention ? Elle qui n'avait rien de différent des autres, c'était exactement la même. Pourtant, sans que je ne puisse m'en empêcher, tout en continuant à marcher, je cherchais cette femme dans la foule, sans même plus regarder où j'allais. J'avais juste besoin de mettre un visage sur les échos de sa voix.

Du Soleil à la Lune ~ [Livaï x OC] ~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant