Chapitre 1

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Ses baskets se posaient et se déposaient sur le sol. Le vent, doux pour un mois de décembre, lui battait les joues et agitait ses cheveux ébènes déjà décoiffés. Plus il s'approchait du lycée et plus devant lui s'accumulait la masse d'élèves pour discuter, rire ou se lamenter. Mais de ça et de la voiture qui manqua de l'écraser, Jules n'en avait que faire, car Jules n'avait qu'une pensée en tête.

Bébé pleurait.

Bébé pleurait et tapait contre sa tempe comme le marteau s'acharnerait sur son clou. Chaque pas contre le béton sec était pour Jules une abominable onde de choc traversant son corps. Face à son visage pâle, le vent contrastait avec la brûlure au crâne que la douleur lui infligeait. Elle s'intensifiait à chaque mot, chaque rire et chaque plainte des autres lycéens. En somme, chaque son lui transperçait les oreilles.

Enfin, l'établissement se dressa devant Jules. Difficile de bouger la tête lorsque le moindre geste vous transperce le crâne d'une pluie de couteaux, mais il devait chercher Luna.

Tais-toi, Bébé, tais-toi.

La voilà : adossée à la façade en brique, Luna attendait son ami. Ses yeux noisette se détachèrent du ciel pendant que sa main quitta sa poche pour le saluer. Elle sourit et Jules essaya de le lui rendre. Tout en retenant une nausée que les nuages de cigarettes lui infligeaient, le garçon s'approcha de Luna.

À nouveau, le choc contre le béton calcina sa tempe. La droite ce jour-ci, car Bébé, d'une crise à l'autre, semblait prendre un malin plaisir à alterner les deux côtés.

S'il te plait, Bébé, tais-toi.

Le sourire de Luna devint peiné. Dès que Jules arriva, elle comprit :

— Bébé pleure, n'est-ce pas ?

Pas de réponse, c'était donc qu'elle avait vu juste. Le moindre mot que Jules prononçait lui était plus pénible encore qu'une heure à courir sans entendre Bébé.

— Tu aurais dû rester chez toi, déplora Luna.

— Mais l'éval de chimie...

— Tu es irrécupérable, toi ! On s'en fiche de la chimie : c'est ta santé le plus important.

Si son ami n'était pas aussi sensible aux bruits, la jeune fille aurait haussé davantage le ton. Mais pas sûr que cela suffirait. Car elle avait beau le torturer, Jules n'en faisait qu'à sa tête.

Luna ouvrit la bouche pour insister, avant d'être arrêtée par la sonnerie du lycée. Sans attendre, Jules se fraya un chemin parmi la masse d'élèves. La jeune fille le suivit.

Arrivés dans le hall, ils passèrent devant le tableau des professeurs absents. Dommage : Monsieur Hubart ne s'y trouvait pas. Rien de surprenant, mais Luna ne cacha pas sa déception.

Puis, les deux amis continuèrent leur chemin. Escaliers, bruits, bousculades, bruits, escaliers encore, lumières, ... pour Jules, la journée ne faisait que commencer.

Bébé, tais-toi.

Ils arrivèrent devant la grande porte grise de la salle de chimie. Une bonne partie de leur classe s'y tenait déjà prête. À droite, une demi-douzaine de premières S2 se cachait derrière leur cahier, pour réviser ou apprendre. À gauche, le reste discutait.

Une demi-douzaine d'adolescents saluèrent Luna et Jules. Manon se jeta sur le second, le doigt pointé sur un exercice mal compris, tandis que Lucas relata une énième fois son histoire pour les nouveaux venus.

Plus que quelques minutes avant l'ouverture de la porte. Jules le remarqua : Luna hésitait à rejoindre le côté droit de la classe. Elle resta finalement à gauche avec lui.

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant