Chapitre 25 (1/2)

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— Ça va, Jules ?

Il répondit à sa mère par un hochement de tête. Le lendemain après le rendez-vous, la torpeur le suivait toujours. Bébé, lui, avait gardé toute sa conscience et s'était montré affreux jusque depuis peu.

— Au fait, je t'ai pas dit, annonça Harry à sa femme, Francis a encore fait hurler le patron aujourd'hui !

L'adolescent ne savait plus comment le regarder. Pourtant, en soit, rien n'avait changé ; son père se comportait de la même manière, gardait les mêmes habitudes et n'accordait même plus d'importance à l'événement du téléphone sur la table.

En un après-midi, le regard du garçon sur son père s'était bouleversé. Il percevait les paroles d'Harry d'une manière plus distante, plus dure peut-être. En repensant aux peu de fois où ce dernier avait évoqué Jocelyne, Jules les revit différemment. Pleines de remords, de violence ? Il ne sut le dire. Il en savait davantage, et s'en retrouvait plus perdu.

La seule chose dont il était certain, c'était que voir son père le perturbait. Alors Jules avala son yaourt en vitesse avant de quitter la table.

— Faut que je révise mon français, argumenta-t-il.

— Bon courage, lança Harry.

L'adolescent tiqua avant de quitter la pièce, puis enjamba aussitôt les marches de l'escalier quatre à quatre pour atterrir à l'étage. De là, il rejoignit la porte de sa chambre. Il la franchit et le retrouva : son cocon aux murs bordeaux remplis de posters, son antre personnel où l'autorité parentale ne mettait les pieds que pour récupérer ses draps et sa lessive, son jardin secret.

Jardin secret qu'il devait cependant partager avec une améthyste. Placée dans la poche de son jean, Amé s'extirpa et se posa sur sa table de chevet assignée.

— Ça fait du bien de prendre l'air, pépia-t-elle.

— Je ne t'oblige pas à te fourrer dans ma poche, tu sais.

À son grand étonnement, le garçon ne reçut pas un "mais je dois être là pour t'aider" habituel. Il grogna malgré tout. La fée ne bougea pas de sa table de chevet en bois lorsqu'il s'avança vers le bureau.

— Bébé semble aller mieux, c'est bien. Veille à faire des pauses dans ton travail et ne pas te coucher tard.

— Laisse-moi tranquille, s'il te plait...

Amé s'offensa mais n'insista pas ; pour la première fois depuis novembre, la pénible semblait hésitante. Jules la vit s'approcher du bureau, son corps dansait dans les airs. Elle virevoltait si gracieusement qu'en la regardant, Jules se croyait en pleine comédie musicale.

Elle se posa à vingt centimètres de son bras droit, s'avança avec plus de tact que d'habitude, et lorsqu'elle se mit à intervenir, sa voix se montra plus douce, voire hésitante.

— Tu sais, tu devrais en discuter avec ton père si cette histoire vous pèse autant tous les deux.

— Tais-toi, j'ai dit !

Son poing éclata contre sa cuisse. Ses dents menacèrent de se briser à trop grincer entre elles. Amé avait raison de chercher à prendre des pincettes, Jules ne voulait plus entendre parler de ce sujet autant qu'un prof de maths refusait de diviser par zéro.

En lévitation devant lui, la violette baissa les yeux, en l'attente d'un peu de calme. Jules était toujours tremblant de frustration. Face à ses feuilles, il marmonna son cours pour ignorer l'améthyste. Qu'elle se taise, ce serait mieux ainsi !

— Ce n'est pas comme ça que Bébé va te laisser tranquille, continua-t-elle cependant.

— Encore Bébé ! clama Jules. Tu ramènes tout à Bébé !

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant