L'épreuve était passée. Bébé n'avait pas été calme, pas du tout, mais Jules s'était montré capable de rendre un devoir qu'il jugeait correct. Le travail avait cependant fait hurler Bébé encore plus.
À la fin des quatre heures de Français, le garçon avait manqué de s'effondrer sur Faustine, qui venait d'accourir vers lui. Même le lendemain, il pensait encore au sourire satisfait de la jeune fille, ravie de son devoir. Arthur et Luna s'étaient montrés moins enthousiastes, mais tout de même confiants.
Faustine était ensuite rentrée chez elle, et Jules avait fait de même, accompagné de sa meilleure amie. Son aide était toujours la bienvenue, pour le garçon épuisé. Elle l'avait congédié devant chez lui, non sans oublier de lui rappeler qu'elle l'emmènerait quelque part, dès que Bébé se sentirait mieux. Ce qui n'était pas le cas le lendemain.
Sous les ordres d'Amé, Jules restait cloué au lit. Il enfonça la tête dans son oreiller, écrasé par les cris de Bébé et la discussion de la veille avec ses parents. Ou plutôt la dispute.
Une dispute que Jules aurait préféré oublier. Une dispute qui cependant restait ancrée dans son esprit, et se rejouait en boucle, telle un disque rayé.
Au début du scénario, Jules rentrait chez lui. Un peu plus, et Luna aurait pu le porter tant la douleur le paralysait. Il ouvrit la porte de chez lui, les genoux tremblants. Dans le salon, la chaleur de la maison cogna contre sa tête.
S'ensuivit un froid glacial qui émanait du canapé ; ses parents l'y attendaient, le regard sévère. Jules venait à peine de retirer son manteau qu'ils l'embêtèrent aussitôt :
— Jules, ton père m'a parlé, annonça Amélie.
— Mon épreuve s'est bien passée, merci.
— Ne fais pas l'insolent !
Le fils tressaillit. Il déglutit face à sa mère, dont le regard était aussi noir que le ton était sec. En aucun cas elle ne laisserait le garçon rejoindre sa chambre sans explication. Épuisé, ce dernier s'efforça de lever les yeux vers Amélie. Avec ses bras aussi croisés que ses jambes, elle n'avait décidément rien à voir avec la fatiguée Suzanne, le bon-vivant Gérard, ni son généreux frère. Après plusieurs secondes, Jules tenta de se montrer courageux.
— Même si ça te regarde pas, tu te mêles des histoires. Papa peut pas gérer seul ?
Amélie se figea, surprise. Surprise des paroles de Jules, autant que le concerné en personne. Il venait de parler à voix haute ? Quel abruti ! Lui qui essayait tant bien que mal de tourner sept fois sa langue dans sa bouche, jamais il n'aurait cru une telle possibilité envisageable.
— Tu n'as pas honte ? Excuse-toi tout de suite !
La mère s'était levée. Son fameux poing sur la table n'avait que le canapé sous la main, et malgré l'amorti du coussin moelleux, la maison entière trembla. Harry, lui, baissa la tête, rouge de colère et de honte.
Si seulement Jules pouvait courir dans sa chambre, mais il était trop tard. La fierté le rongeait ; céder à sa fichue mère ne faisait guère partie de ses possibilités.
— Mais je dis vrai, non ? Et c'est encore entre papa et moi.
En plus de ses mots, le garçon s'étonna de la tonalité de sa voix ; Bébé pleurait trop pour qu'il se permette de prononcer avec autant de décibels. Il en souffrirait ! Sa tête le ferait s'écrouler face contre terre, lui donnerait des nausées à répétition, ou peu importe ; elle lui ferait payer !
Il sembla pourtant que crier plus fort que ses parents était plus important que sa santé et celle de Bébé.
— Alors si c'est entre toi et moi, siffla Harry, explique moi Jules. Explique-moi pourquoi mon fils est aussi insolent et irresponsable !

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Un bébé dans la tête
Teen FictionLycéen, bon élève, fils unique : Jules a tout d'un adolescent banal. Ou presque. Car Jules ne vit pas comme tout le monde : il a un bébé dans la tête. Un bébé qui, lorsqu'il pleure, lui donne des maux de crâne affreux, des nausées, des vertiges, et...