Chapitre 10

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Comme une fois par an, Jules jonglait entre appels et cadeaux. Il devint le prince d'un jour auquel on promettait une vie bouleversée en ce jeudi ordinaire.

Le 28 décembre, Jules fêtait ses seize ans. Dans sa tête, Bébé pleurait.

Parfois, le garçon se demandait si cette enflure ne l'embêtait pas exprès. Rien de ce qu'il avait fait la veille ne semblait justifier ses pleurs : Jules avait mangé à heures fixes sans ajouter d'agrumes ou de café à ses repas, il n'avait pas fixé son téléphone pendant des heures ni travaillé trop tard, il s'était couché tôt sans oublier de renoncer à une grasse matinée.

Bébé, qu'est-ce qui te prend, à la fin ?

Jules avait depuis longtemps compris que son anniversaire ne serait jamais sa journée. Mais puisque ses parents voulaient sans retenue en profiter, il se devait de leur offrir un sourire forcé à l'arrivée de son gâteau. En face de lui, ils applaudirent quand leur fils souffla non sans peine ses bougies.

— Tu as fait un vœu ? insista son père.

Faites que Bébé la ferme !

Harry et Amélie n'avaient pourtant pas été si enthousiastes quand Jules leur avait demandé deux jours plus tôt s'il pouvait se rendre chez Arthur au nouvel an. « Tu le connais vraiment bien, ce garçon ? Il y aura combien de personnes ? Tu rentreras à quelle heure ? Tu ne boiras pas d'alcool ! Tu es sûr que ça ne va pas te donner mal à la tête ? » Malgré tout, Jules avait insisté. L'envie n'était pas au rendez-vous, mais hors de question que ses parents décident ! Ils avaient finalement cédé avec grande peine.

Une fois s'être efforcé d'avaler sa part de gâteau, espérant que sa nausée ne l'oblige pas à la rendre, Jules reçu un paquet emballé. Il l'ouvrit sous l'œil attentif de sa mère, et y découvrit un modèle anatomique. De quoi l'aider dans son rêve de devenir médecin, s'émerveilla Jules. Bébé ne le lui permit pas de sourire autant que son esprit l'aurait souhaité, mais heureusement ses parents comprirent sa joie.

Épuisé, Jules partit dans sa chambre. Il surveilla une dernière fois son portable : toujours rien. Son parrain, chaque année prêt à lui souhaiter un joyeux anniversaire, ne l'avait pas appelé. Une main sur le crâne, Jules jeta son téléphone sur la table de chevet, puis s'allongea. Vexante, l'absence de message ne l'empêcherait pas de se reposer les deux prochaines heures. Après, Luna lui rendrait visite. A moins qu'elle ne laisse aucune nouvelle comme Jérémy.

Dans la pièce, les murs bordeaux s'assombrirent ; Amé ferma les rideaux. Sans un bruit, elle s'installa près de Jules, en âme protectrice qui apaisait les maux. A ses côtés, Jules se sentait étrangement bien. Du moins, pour quelqu'un torturé par un bébé dans la tête. La gorge nouée, il se confia :

— Pourtant j'ai pris un médicament hier soir...

— Je te l'ai déjà dit, insista Amé, les médicaments ne sont pas une solution. D'autant qu'à force d'en prendre, ils deviennent de moins en moins efficaces.

Sa voix était ferme, mais pourtant d'une douceur rare.

— J'en peux plus, Amé.

— Tout va bien, je suis là.

Tout allait bien... Rien de moins sûr. Néanmoins, malgré son don pour l'agacer, Amé était avant tout là pour veiller sur Jules. Sa simple présence aspirait une partie de son mal et plongeait Jules dans une quiétude qu'il n'avait pas même espérée. C'était tout comme dix ans en arrière, lorsqu'à la place de l'améthyste se trouvait Amélie. La mère restait des journées entières au chevet de son fils pour calmer ses pleurs et ceux de Bébé. Seulement voilà, Jules était devenu grand et il était admis qu'il ne nécessitait plus de soutien. Le revers des anniversaires, sans doute.

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant