Chapitre 8 (2/2)

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— Dis donc, tu prends souvent des médicaments en ce moment, n'est-ce pas ? Est-ce que tu penses vraiment que donner tous ces produits chimiques à un bébé est une bonne idée ?

— Vois ça avec le concerné, il n'a qu'à pas pleurer autant, répliqua Jules face à la petite Amé.

Pour ne rien changer, l'améthyste posa ses poings sur les hanches. Son aura violette contrastait avec la pâleur de la pièce, autant que son visage aux sourcils froncés s'opposait à la mollesse des draps aux motifs de lys. Le buste en arrière et le regard sur le côté, Jules s'attendait à une avalanche de reproches de la part d'Amé.

Encore.

Ça ne manqua pas :

— S'il pleure, c'est pour attirer ton attention sur ses problèmes, moralisait-t-elle. Les médicaments ne les résolvent pas, ils ne font qu'endormir Bébé.

— Je m'en fiche de ses problèmes, je veux juste qu'il la ferme ! Qu'il parte de ma tête !

— Sauf que ses problèmes sont avant tout les tiens. Quand vas-tu le comprendre ? Bébé fait partie de toi. Vous êtes indéniablement liés, quoi que tu dises. Attends, pourquoi tu te lèves comme ça ?

— Finalement ma famille est moins pénible que toi. Je retourne en bas.

Sur ces paroles, Jules quitta la pièce. Jamais il n'aurait cru qu'autant de mots pouvaient sortir d'une aussi petite bouche. Amé eut tout juste le temps de voler jusqu'au palier avant qu'il ne ferme la porte. Elle retourna dans la poche qu'elle ne quittait désormais plus.

— Ah, Jules ! s'exclama Gérard dès que son petit-fils eut rejoint le salon. On se demandait ce qui serait mieux pour une fille : Agathe ou Léa ?

— Juliette, c'est mieux Juliette.

À voir sa tête, Amélie aurait bien réprimandé son fils si son père n'avait pas à nouveau changé de sujet. À propos de la future école maternelle du bébé, cette fois-ci. Car tout ne tournait qu'autour de lui. Les prochaines heures s'accompagnèrent donc d'idées de prénoms, de pronostics sur le sexe ou encore de conseils de vétérans.

Rien d'intéressant pour Jules, qui se concentra plutôt sur le médicament qui peinait à montrer ses effets. Pour passer le temps, le garçon attrapa son nouveau portable retrouvé au pied du sapin, et commença à l'apprivoiser. Carte SIM et SD insérées, le voilà prêt à fonctionner.

Vérifier son efficacité semblait une bonne excuse pour envoyer un message à Luna. S'imaginant ce que la jeune fille pouvait bien faire chez sa famille pour ce réveillon, Jules ne tarda pas à lui demander des nouvelles. Futiles, peut-être, mais les deux amis pouvaient bien s'accorder ces discussions de temps en temps.

Occupée à fêter Noël chez sa famille, Luna ne répondit pas tout de suite. À moins qu'elle ne préfère plutôt discuter avec Arthur... Non ; Jules chassa les horribles pensées de sa tête. D'autant que son portable ne tarda pas à vibrer.

Avec dix minutes d'intervalle de moyenne entre chaque message, la jeune fille réclama des retours sur l'annonce de Jérémy à la famille. Amélie réprimanda son fils dès qu'il écrivit sur son portable à table. Cette table, où Jules expliqua à la brunette qu'on ne parlait précisément que du futur bébé. À la troisième remarque de sa mère, l'adolescent cacha son écran sous la table. Astuce utilisée par ses camarades en classe : discrétion garantie.

Le garçon put lire tranquillement les réponses à ses questions. Luna, de son côté, profitait. Ravie de retrouver ses cousins, enchantée de ses cadeaux, elle n'avait qu'une hâte : recommencer Noël le lendemain avec la famille de son père. Si seulement Jules pouvait en dire autant... Ses cousins, neveux de son père, voilà des années qu'il ne les voyait plus. Et sa grand-mère, à quoi ressemblait-elle, déjà ?

Jules lâcha son portable quand sa mère lui jeta un regard noir. Il passa la dernière heure de la soirée les coudes sur la table, à compter les minutes. D'autant que Bébé peinait à se calmer, pulsant contre la tempe du garçon. L'intensité n'augmentait pas mais la durée le rendait de moins en moins supportable. Cette pression dans le crâne allait-elle bientôt cesser ? Malgré la douleur, le garçon ne désespérait pas ; les médicaments pouvaient traîner à faire effet. Surtout ces temps-ci.

Vers deux heures du matin, on décida de rentrer chez soi lorsque le teint pourpre de Gérard devint inquiétant. Et ses paroles aussi. Les manteaux enfilés, chacun se dit au revoir. Jules rendit le sourire que son parrain lui offrit. Peu de paroles s'étaient échangées entre eux deux durant la soirée, encore moins au sujet de leur discussion lors des préparations de Noël. Pourvu que Jérémy ne lui en veuille pas... Mais Jules, de toute manière, s'en voulait déjà.

Les futurs parents sortirent les premiers de la maison. L'une emmitouflée dans son manteau, l'autre le bras contre le dos de sa compagne. À voir leur sourire béat sous les décorations aveuglantes et les chants de Noël qui criaient toujours, ils semblaient un jeune couple que la magie de l'amour venait de réunir.

Rien du ventre plat de Diane ne laissait supposer que, dans six mois, elle deviendrait mère. Un bébé sous sa peau, comme la tête de Jules en cachait un. Mais si celui de Diane rendait heureux toute la famille, pourquoi le sien n'était que synonyme de douleur et maladie ?

De retour chez lui, Jules se coucha, la tempe toujours douloureuse. Les médicaments se montrait décidément bien réticent... Pourvu que le lendemain, sa tête ne le fasse plus souffrir. Amé se transforma et le garçon claqua la langue. Elle se posa près de lui pour rester à son chevet. Il se détendit alors, plongea dans ses couvertures, jusqu'au prochains coup de poing de Bébé qui le fit gémir. Il s'endormit hypnotisé par son supplice.

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant