— Vous avez commencé une nouvelle leçon en maths ?
— Oui, je te passerai le cours, mon Jules.
— Et le contrôle de physique, c'était comment ?
— Une galère ! Enfin, pour moi : Lucas a dit qu'il avait géré.
— Je vais devoir le rattraper ?
— Le prof n'a rien dit... Mais déstresse ! Tu as juste raté une journée de cours. Une journée !
— Horrible...
Les deux amis entrèrent en cours de français, le premier tout autant angoissé que la seconde s'en désolait. Heureusement, Bébé allait mieux. Sa journée au lit l'avait calmé. Le garçon devrait cependant surveiller chacun de ses gestes, au risque de l'agacer. Encore une fois.
Pourtant, en griffonnant sur son poème de Prévert, Jules repensa au sentiment de quiétude qui l'avait enveloppé la veille. Un lâcher-prise total, comme si plus rien n'avait d'importance, ou du moins de gravité. À bien y repenser, le garçon se dit que, s'il pouvait expérimenter cette sensation sans les cris de Bébé, il serait le plus heureux.
Mais il garda ce projet pour plus tard, car dès la matinée finie, l'adolescent sortit son livre de physique sur son plateau de cantine.
— Lâche-moi ça, s'indigna Luna une bouchée de pâtes dans la bouche. Tu ne sais même pas si tu vas rattraper ce devoir.
— Justement : on ne sait jamais.
— T'as tâché ton livre du coup, remarqua Arthur qui depuis la rentrée, s'entêtait à manger à leur table.
Si tu savais vraiment d'où elle vient, cette tâche !
Jules ne sut dire s'il se sentait prêt pour le devoir, néanmoins, une fois en classe, il réclama à son professeur le sujet. Installé au fond de la salle, il soigna chaque exercice et y répondit avec soin. Si Bébé avait pleuré, il n'aurait jamais pu exécuter le devoir avec autant de clarté. Peut-être qu'Amé avait eu raison de l'interdire de se rendre au lycée... Non, impossible !
L'épreuve de la journée étant un succès, Jules prit le chemin du retour, satisfait. Sorti du bus, son portable vibra : un message de Jérémy. La réponse à son sms de rentrée, plus d'une semaine plus tôt. Le garçon l'avait presque oublié, depuis... Son parrain expliqua ne pas avoir pu répondre avant. Jules répondit dans un soupir. Une fois son message rédigé, il se trouva devant chez lui.
— Je suis là, annonça-t-il.
Personne ne l'accueillit dans la grande pièce à moitié vide. Rien d'étonnant puisque sa mère était en déplacement et que son père travaillait Il s'avança le pas nonchalant, telle une fin de journée banale, en direction de la cuisine. Du placard à gâteau, plus précisément. Comme à son habitude, il s'empara d'un paquet de biscuits, avant de se tourner vers la table.
Ce fut à ce moment-là que les événements cessèrent de s'enchaîner naturellement. Sur la table noire de la pièce, était posé le portable de son père.
Jules mit un certain temps à analyser la situation. Où était Harry, si son téléphone se trouvait devant les yeux du garçon ? Sûrement en télétravail, dans son bureau à l'étage. Mais pourquoi n'avait-il pas amené son portable avec lui ? Jamais l'adolescent n'avait fait face à une telle aberration.
« Tu n'as qu'à regarder toi-même dans son portable. »
Les mots de Luna résonnèrent en lui comme un appel à l'espièglerie. Non, il ne pouvait pas...
Jules s'assit sur l'une des quatre chaises. Jamais il n'avait su à quoi servait la quatrième, mais qu'importe. Il posa son paquet de gâteaux à sa droite, puis s'empara du portable, fier trophée au centre de la table noire.
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Un bébé dans la tête
Teen FictionLycéen, bon élève, fils unique : Jules a tout d'un adolescent banal. Ou presque. Car Jules ne vit pas comme tout le monde : il a un bébé dans la tête. Un bébé qui, lorsqu'il pleure, lui donne des maux de crâne affreux, des nausées, des vertiges, et...