Chapitre 12 (3/3)

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Le carrelage blanc n'était pas très confortable, et pourtant Jules crut qu'il allait y somnoler. Il s'abstint en l'entendant tomber sur le sol : sa trousse.

Épuisé, il l'ouvrit. Sa petite bouteille d'eau, ses médicaments, tout était là. Il n'eut cependant pas le temps d'amener le cachet jusqu'à sa bouche qu'on murmura :

— Dis donc, Jules, je t'avais dit que tu devais limiter les médicaments.

Près de trois semaines qu'il la connaissait ; désormais Jules n'avait plus besoin de lever la tête pour comprendre qu'Amé le regardait les poings sur les hanches et les sourcils froncés. Il soupira. C'était à se demander pourquoi il s'obstinait à l'emmener partout avec lui.

— Tais-toi, on va t'entendre, souffla Jules.

— Pourquoi je chuchote, à ton avis ?

Chuchote moins fort, alors !

Plutôt que de s'épuiser à répondre, Jules préféra avaler son médicament, qu'Amé se dépêcha de lui ôter des mains. Du moins, elle essaya. La voir tirer le cachet d'un tiers sa taille faisait presque pitié. D'un revers de la main, le garçon pourrait la faire valdinguer contre le mur bleu marine, mais il la laissa plutôt s'acharner avec ses bras frêles et son visage concentré.

Un mélange d'agacement et de résignation amena Jules à parler.

— Pourquoi tu t'obstines comme ça ? chuchota-t-il. Laisse-moi avec mon médicament, ça ne change rien pour toi.

— Combien de fois dois-je te le répéter, s'agaça Amé. Mon rôle est de t'aider ! Je sais très bien que ta prise de médicaments est excessive. En prendre autant ne fera que te desservir. Tu comprends que leurs effets diminuent à force d'habituer ton corps ?

Jules roula des yeux. D'accord : mais il avait mal, et la rationalité ne l'apaiserait pas ! Sans le laisser riposter, la petite fée poursuivit :

— D'autant plus que tu sais très bien que pour maximiser l'efficacité du médicament, il faut que tu restes au calme, voir couché. Le prendre ici, c'est surtout le prendre pour rien. Alors, soit tu demandes à Luna de partir, et je te laisse prendre ton cachet, soit tu te débrouilles sans.

Le garçon céda. Il grommela un "d'accord" incompréhensible avant de ranger son attirail dans la trousse.

Bébé pleurait plus fort. Dans la minuscule pièce, Jules se recroquevilla davantage sur lui-même. Il devait sortir. Il devait retrouver Luna, qui l'attendait dans le salon. Il devait tenir, mais l'épuisement le clouait au sol.

Évidemment, Amé le vit. Elle se posa sur une chaussure du garçon, et c'est avec son habituel ton chaleureusement autoritaire qu'elle proposa :

— Respire. La douleur bloque ta respiration, ça te rend encore plus nerveux.

— Quoi ? Tu me demandes d'échanger mes médicaments contre de l'air ? Je respire déjà, sinon je serais mort depuis longtemps.

— Respire mieux ! Et arrête de lever les yeux, je sais tout de même ce que je dis.

À nouveau la compassion se maria à une mine sévère sur le visage de la petite fée. Jules aurait préféré sortir plutôt que de suivre son conseil ridicule, mais il sentait que le choix ne lui revenait pas.

Tant pis, il s'exécuta. Dans un premier temps Jules respira bruyamment, puis expira tout aussi fort. Un regard vers la fée pour espérer obtenir l'autorisation de sortir, mais Amé n'en fut pas satisfaite.

— Ouvre plus ton thorax, tu es tout recroquevillé.

— Mais j'ai mal, se plaignit-il.

— Je t'assure que ça te fera du bien. Voilà, comme ça ! Sans soupirer ça aurait été mieux, mais peu importe.

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant