Chapitre 26 (2/2)

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Il resta coi. Sa bouche béait en même temps que les interrogations s'accumulaient. Il ne savait plus que faire, alors il se laissa guider au rythme des gazouillements du lit.

Amé se montrait étrangement silencieuse et Jules se retourna à plusieurs reprises vers elle. La petite fée répondait chaque fois par un signe de la tête vers le lit.

Une autre alarme rouge, plus vive et plus longue, figea Jules sur place. Ses oreilles bourdonnaient. Puis le calme revint. Dans le lit, personne ne pleurait. Avec un tel vacarme, l'adolescent s'en serait pourtant senti capable lui-même.

Un dernier pas avant le centre de la pièce, et enfin Jules le vit. Tout petit. Il était tout petit : voilà la première impression du garçon devant le bébé allongé. Ses mains et ses bras minuscules s'agitaient à tout va, comme s'il cherchait à attraper une masse invisible au-dessus de lui. Ses jambes ne se montraient pas plus immobiles ; elles faisaient danser la couverture blanche posée sur elles.

Son visage, il était mignon, apaisant et pétillant à la fois. La petite touffe de cheveux noirs qui décorait son crâne se décoiffait avec l'agitation du bébé. Par son sourire curieux et ses grands yeux bleus ouverts, il analysait tout. Alors, quand il comprit qu'un garçon brun au regard inquiet se penchait vers lui, il se tourna et bougea ses mains.

Il me salue ?

L'idée même désarma le garçon. Il attrapa le nourrisson et le porta sans adresse. Savait-il qui il était ? Pour Jules, le doute n'avait pas lieu d'être et le gagnait à la fois. Il se tourna vers Amé :

— C'est Bébé ?

— À ton avis, andouille !

— Alors je suis dans ma tête... C'est possible d'être dans sa tête ?

— Autant que d'avoir une pierre violette en forme de fée qui vole en face de soi.

Incapable de réfléchir, Jules resta stoïque. Il ne connaissait du petit que ses crises insupportables. Jamais il ne l'avait envisagé autrement qu'à travers elles, si bien que Bébé avait beau se montrer calme, enveloppé par ses bras, Jules craignait à tout instant de le voir pleurer. Il pourrait s'agacer des alarmes, avoir faim ou même tomber. Accablé par ses craintes, l'adolescent s'occupa plusieurs instants de lui, le cajola. Comme lors de son voyage, guidé par la voix d'Amé, il se trouvait dans un espace où le temps n'avait plus aucun impact.

Il sortit de sa transe quand une énième lumière rouge aveugla la pièce. Bébé s'accrocha davantage à lui, les yeux fermés sur son visage grimaçant. La curiosité de Jules refit surface.

— Et les trucs rouges un peu partout, qu'est-ce que c'est ?

— Tu as ta petite idée, je suppose ?

— Moui...

Bien sûr. Seulement, Jules ne voulait pas se l'avouer. Il avait toujours considéré Bébé comme seul fautif de ses crises, être capricieux ou volontairement pénible. Et pourtant...

— Ce sont ce que tu appelles "facteurs déclenchants", insista Amé. Quand tu angoisses, jeûnes, travailles trop, et j'en passe, les lumières ou alarmes s'allument. Bébé ne réagit pas toujours, mais tu te doutes qu'après plusieurs fois, la fatigue l'emporte et la crise apparaît.

— Mais pas à chaque alarme...

— Effectivement, c'est seulement une fois le seuil fatidique arrivé que tout devient insupportable pour lui.

— C'est donc pour ça qu'un même facteur ne déclenche pas systématiquement une crise... Je comprends mieux ta métaphore du sac.

Dans un même temps, accroché à Jules, Bébé triturait les fils de son sweat. Le garçon hésita à le laisser faire, puis céda dès lors que le filou accumula sourire malicieux et rire contagieux.

Un bébé dans la têteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant