Les mains pleines de guirlandes, Jules suivit Jérémy jusqu'au sapin. Bientôt, Noël serait là ; parrain et filleul s'étaient comme toujours tenus garants pour décorer la demeure des grands-parents. Ils se concertaient pour trouver la meilleure place pour chaque boule colorée. Entre les rires, ils partageaient leurs anecdotes.
Seul Bébé perturbait le doux moment de Jules, tapant, cognant, brutalisant ses tempes Et puisque le garçon n'avait pas ses médicaments sur lui, l'après-midi s'annonçait longue.
Quand Jérémy demanda des nouvelles de Luna, le garçon ne put passer à côté de l'annonce. Son amie, amoureuse... Et d'Arthur en plus ! Jérémy afficha un air surpris et ravi pour la jeune fille.
Au fil de la discussion, Jules baissa le ton pour échapper aux regards brillants de son grand père curieux. Jérémy s'amusa des quelques remarques étouffées de son père, sans s'en occuper davantage.
Dans le salon, ils n'étaient que trois. Suzanne n'était pas avec eux, parties faire les magasins entre amies. Dans son fauteuil en cuir, Gérard feuilletait un livre, la pipe à la main et une bière sur l'accoudoir. Soudain il se redressa : l'instant sacré venait de sonner.
— C'est l'heure de goûter, lança-t-il sous un nuage de fumée. Qu'est-ce que vous voulez, les garçons ?
— C'est gentil, papa, mais je n'ai pas faim.
— Moi non plus, papy.
— Je vais regarder ce que j'ai dans la cuisine.
Il posa ses chaussons par terre, en route vers son objectif. Jules croisa le regard de son parrain, qui lui communiqua un soupir complice. Puis, le plus jeune enroula le sapin d'une énième guirlande, lorsqu'un chant de Noël envahit soudain toute la maison.
— Ça, c'est encore ton grand-père qui a sorti son vieux lecteur CD !
Pourtant, le salon n'avait pas besoin de musique pour transpirer Noël. Avec les multiples lumières qui étouffaient chaque mur et les boules colorées parsemées un peu partout, il y avait de quoi faire rougir n'importe quel arc-en-ciel. Si la décoration ne tenait qu'à Jules, il aurait bien tout changé pour des teintes moins vives, mais ses grands-parents refusaient de lâcher leur bonne vieille boîte de Noël. Avec son mal de crâne, il se résolut à subir les lumières éblouissantes.
Gérard revint à la fin du premier couplet.
— J'ai trouvé des oranges. Pour Noël, c'est parfait. Tiens, Jules.
— Non merci, Papy. C'est gentil, mais je ne préfère pas : ça fait pleurer Bébé.
— Roh, encore ce bébé ? On dirait ta mère. Tu ne vas pas te priver quand même !
Jules déclina à nouveau et son grand-père insista encore. Finalement, Jérémy prit l'orange du garçon pour que chacun soit satisfait. Malgré tout, le grand-père ronchonna.
Sa réaction fit souffler Jules. Si la majorité avait déjà expérimenté ne serait-ce qu'un mal de crâne, un bébé dans la tête, en revanche, était inimaginable pour beaucoup.
Si seulement tout le monde pouvait vivre avec un bébé dans la tête, ne serait-ce que quelques minutes, qu'ils arrêtent un peu de me regarder sans comprendre !
Toujours vexé, Gérard continua de ruminer dans sa moustache. Il reprit son livre dans les mains pour partir à l'étage, dans sa chambre sans doute. Bébé en hurla encore plus, mais Jules se retint de compresser sa tempe contre sa paume ; il n'avait rien dit à son parrain car, dès qu'il pouvait, il préférait feindre d'aller bien devant les autres. Leur mine inquiète ne faisait qu'empirer les choses, autant ne pas les déranger.
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Un bébé dans la tête
Teen FictionLycéen, bon élève, fils unique : Jules a tout d'un adolescent banal. Ou presque. Car Jules ne vit pas comme tout le monde : il a un bébé dans la tête. Un bébé qui, lorsqu'il pleure, lui donne des maux de crâne affreux, des nausées, des vertiges, et...