Dans le couloir des langues vivantes, Luna boudait.
— Il te reste aujourd'hui et demain pour écrire ton message à Élisa !
Elle répétait la phrase en boucle depuis le matin. Jules se contentait désormais de lui répondre par un soupir dépité. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, mais le courage. Et avec Bébé qui s'agitait, la force non plus ne se montrait pas de son côté pour ce lundi.
— Avant demain, c'est promis, assura Jules.
Luna le fixait l'air faussement fâché. Malgré tout, elle oublia vite sa contrariété dès lors qu'une classe de première ES sortit de son cours d'anglais. Parmi le groupe d'élèves, Arthur invita sa copine de la main.
Jules traîna derrière elle. Quand ce n'était pas Arthur qui s'incrustait dans le rang de leur classe, c'était Luna qui décidait de le voir. Dans tous les cas, Jules restait planté derrière eux, à trépigner. Il détestait tenir la chandelle.
Et même si Luna, – voire même Arthur ! – l'interpellaient et l'intégraient sans souci, pour lui l'évidence restait la même : dans ce trio, il était de trop. Dans ce couloir, entouré de toutes ces personnes, il sentait peser sur lui le poids d'une solitude qu'il n'avait jamais connue.
Jules se taisait. Aux blagues d'Arthur il devint fatigué de sourire, car de toute évidence le couple préférerait rester à deux. Poireauter ici à les gêner le frustrait, frustrait Bébé, et ainsi le frustrait encore plus.
Résigné, il indiqua à Luna qu'il partait. Ce fut avec plus de peine que prévu qu'elle le regarda s'en aller. Voilà : Jules avait lâché la chandelle. Le temps de la pause n'était qu'à peine entamé, et le garçon, pour fuir cette écrasante solitude, pensa rejoindre Lucas et Manon. Il se figea dès qu'il comprit le problème.
Mais je suis entouré de première ES !
On pourrait lui relever que sa discrimination était infondée. Quoi qu'il en fût, il n'en resta pas moins que Jules ne connaissait personne. Ou plutôt, presque personne.
Au bout de la file d'élèves, Faustine se tenait entourée de deux camarades. Jules remarqua ses bouclettes volantes qui cachaient à moitié ses tâches de rousseurs sous ses yeux pétillants. Mais pour lever tout doute, la jeune fille riait d'un volume tel qu'il la reconnut de suite par sa voix perçante. À côté de la brune, les deux autres filles souriaient à peine.
Pas moyen de l'aborder entourée d'autres personnes... Le mieux pour Jules restait d'attendre et d'espérer qu'elle vienne d'elle-même, que peut-être elle s'intéresse à lui.
Il tenta de s'approcher, mais Faustine ne le remarqua même pas. Il bougea de sorte d'être dans son champ de vision, elle se retourna subitement de l'autre côté. Le brun se retint de prendre sa tête dans les mains.
Le temps s'écoulait, et Jules restait toujours perdu au milieu d'une trentaine d'inconnus. Soudain, Bébé lui administra un coup dans la tempe digne d'Hercule. L'adolescent s'agaçait à chaque regard curieux aucunement gêné de le dévisager, et s'offusquait des rires qui ne le concernaient pas. Surtout ceux de Luna, qu'il reconnaissait de loin. Le garçon envia presque Arthur d'avoir les cheveux assez longs pour s'y cacher ; lui, ses mèches ébènes, bien qu'épaisses, étaient trop courtes pour voiler ses yeux bleus.
Bébé s'énerva de plus en plus, rendant chaque son prononcé toujours plus insupportable. Jules grimaça à l'odeur d'un parfum beaucoup trop fort. Il pensa abandonner. Rester là à attendre la sonnerie et tant pis pour le ridicule. Et puis Arthur soudain se retourna vers lui. Son regard croisa le sien, quand le brun s'éprit d'une énergie inespérée.
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Un bébé dans la tête
JugendliteraturLycéen, bon élève, fils unique : Jules a tout d'un adolescent banal. Ou presque. Car Jules ne vit pas comme tout le monde : il a un bébé dans la tête. Un bébé qui, lorsqu'il pleure, lui donne des maux de crâne affreux, des nausées, des vertiges, et...