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Mathieu put enfin lâcher des yeux le linoléum rouge pour se concentrer sur la pièce. Tout était sans dessus dessous. Mais ce qui l'intéressa était la petite brune recroquevillée dans son fauteuil. Ses cheveux étaient collés à son visage par le sang et il n'aurait su dire la couleur initiale de ses vêtements.

Malgré la nausée, il se précipita vers elle pour s'agenouiller à ses pieds. Il tenta d'attraper ses mains mais elle refusa.


« Hey, Olivia. » Il chercha son regard mais elle fixait seulement le sol. « Regarde-moi, Liv, j'suis là, ok ? T'es en sécurité. »

Une main se posa sur son épaule. « Monsieur, on va vous laisser mais on aimerait échanger avec vous...En privé. »

Il hocha seulement la tête malgré son envie certaine de rester auprès d'Olivia. « Je vous écoute. »

« Mademoiselle Romano n'a pas beaucoup parlé. Nous savons juste que son frère était décédé à son arrivée. Un balle dans la jugulaire... sûrement un règlement de compte. Elle a essayé de l'aider mais c'était trop tard. » Il écrivait sur son calepin et Mathieu se demanda s'il ne pouvait pas être plus indifférent. « Bon, elle a l'air un peu choqué mais ça ira. On va la laisser là. »


Il ne prit pas la peine de répondre avant de la rejoindre à grandes enjambées. Elle n'avait pas bougé d'un pouce mais cette fois, elle le laissa attraper sa main. Les cercles qu'il traçait dans le creux de sa paume, lui fit quitter des yeux le sol pour ses doigts. Il en profita pour décoller ses cheveux de ses joues.


« Tu me fais confiance ? » Elle ne répondit pas mais son pouce retraçant son tatouage Enna, le fit penser qu'elle n'était pas contre. « Il faut que tu ailles te laver et après, tu viendras avec moi, on ira à la maison ou à l'hôtel, comme tu préfères. Je reste avec toi. »


Il la guida jusqu'à la salle de bain et Olivia crut que ses jambes allaient lâcher à tout moment. Il l'aida à s'asseoir sur le bord de la baignoire puis s'affaira à tout lui préparer, cherchant dans chaque tiroir et placard à la recherche de serviettes. Il alla dans sa chambre pour prendre quelques vêtements et elle restait immobile, le regardant courir dans chaque recoin, l'angoisse et la torpeur le faisant oublier l'essentiel.


« Ok, c'est bon. » Il se frotta les mains, soudainement gêné par la situation. « Je te laisse, prends ton temps. »


Il hésita un instant mais, finalement, se pencha pour embrasser son front, épargné par la situation. Il ferma la porte derrière lui mais resta un instant derrière, espérant y entendre Olivia bouger ou même, s'il le fallait, s'effondrer. Toutefois, seul le silence envahissait l'appartement.

Il partit dans le salon pour nettoyer le sol. Sa colère allait être utile.


Olivia attendit qu'il s'éloigne de la porte pour se regarder dans le miroir. Presque aucune partie de son corps n'était épargné par le sang de son frère. Le souffle tremblant, elle retira ses vêtements, essayant tant bien que mal de ne pas frotter son t-shirt contre son visage.

Au moment où Mathieu rangeait le salon, il entendit la brune vomir. Il accourut vers la porte, s'arrêtant devant pour toquer frénétiquement.


« Olivia, ça va ? » Il appuya son oreille contre le bois. « Je peux rentrer ? »

« Non, non, c'est bon. »

« Ok, je suis là, Liv. » Il se laissa glisser contre le mur.


Au moment où Olivia ouvrit la porte, il se précipita pour se lever et manqua de trébucher. Ses cheveux trempés dégoulinaient sur le pull qu'il avait choisi. Elle avait dû les rincer plusieurs fois pour retrouver leur naturel. Il ne restait plus que des traits tirés et des yeux bouffis comme trace de ces derniers événements.


Il se pinça les lèvres. « Où est-ce que tu veux aller, maintenant ? »

« Dans tes bras. » Il n'hésita pas une seule seconde pour l'enlacer. « Est-ce qu'on peut aller chez toi ? »

« Ouais, on y va. »


Elle embrassa sa mâchoire si doucement qu'il eut la chaire de poule. Il attrapa sa main et l'emmena jusqu'à sa voiture. Le trajet se fit en silence, la fatigue tombait sur les paupières d'Olivia et elle lutta pendant le trajet, fixant les réverbères éclairant les rues.

Mathieu ouvrit la portière et la serra contre lui jusqu'à l'appartement. Il fut soulagé de voir les lumières éteintes, personne n'était là.


« C'est la première fois que je viens chez toi. »

« Pas la dernière. »


Main dans la main, ils allèrent dans la chambre du blond. Elle l'abandonna pour observer la pièce, admirant les photos accrochées depuis des années sur les murs et le studio de fortune sous une mezzanine. Elle aimait déjà cet endroit, notamment l'odeur de parfum et de lessive qui l'accompagnait. Comme à son habitude, il s'installa devant l'ordinateur, pianotant pour remplir le silence.


« Qu'est-ce que tu fais ? » Elle posa ses mains sur ses épaules, regardant l'écran au-dessus de lui.

« J'en sais rien. » Il secoua la tête, sa lèvre coincée entre ses dents. Elle s'installa sur ses genoux puis passa ses doigts dans ses cheveux. Il ferma les yeux instinctivement. « J'suis désolé pour tout ce qui t'arrive, Liv. J'aurai dû faire plus. »

Elle embrassa ses lèvres mais il resta stoïque. « Me laisse pas te perdre alors. »

« Jamais. »


Il oublia un instant sa culpabilité pour l'embrasser à pleine bouche, projetant tous ses sentiments dans ce baiser. Et elle y répondit favorablement, se concentrant sur chaque frisson plutôt que les flashbacks sous ses paupières.

Le front l'un contre l'autre, ils reprirent leur souffle, s'imprégnant l'un de l'autre, les larmes aux yeux devant tant d'horreur et d'amour.


« Tu devrais dormir. » Il déposa ses lèvres sur sa pommette si tendrement qu'un sanglot s'échappa d'Olivia. « J'te laisse ma chambre. J'vais aller dans celle de mon fr... Enzo. »

« Est-ce que tu veux bien rester ? » Ses joues rougirent subitement.

« T'es sûre ? » Elle hocha la tête. « Ok. »


Mathieu hésita malgré tout, la volonté de faire les choses bien n'avait jamais été aussi importante à ses yeux. Toutefois, Olivia éteignit l'ordinateur, monta dans le lit et il la suivit, la tête gorgée de doutes. Il s'allongea le plus éloigné possible d'elle, évitant tout frôlement.


« Pour un rappeur qui parle beaucoup de sexe. Tu me parais très gênée d'être à côté de moi dans un lit. »

Ce fut à son tour de rougir. « Peut-être parce qu'avec toi, c'est pas pareil. »


La timidité de la brune refit surface rapidement et elle ne répondit pas.

Pourtant dans leur sommeil, Mathieu se rapprocha d'elle pour la prendre dans ses bras et Olivia reposa sa tête contre son torse.

Malivia [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant