Malivia [PLK]

[6]

Il avait fallu plus d'une semaine à Mathieu pour convaincre Olivia de sortir de la chambre d'hôtel. Elle s'était coupée du monde, oubliant son travail et ignorant les nombreux appels de son frère. Les larmes s'étaient enfin asséchées et elle eut le courage de l'accompagner pour un repas. Le trajet en voiture avait été silencieux tant elle se contenait, la peur au ventre de rencontrer Alessio ou les jeunes du quartier.

« Allez Liv, c'est juste un Mac Do. » Il posa la main en bas de son dos pour la guider à l'intérieur. « Tu peux pas rester enfermée toute ta vie. »

Il l'accompagna jusqu'à la borne et se positionna juste derrière elle. Olivia put sentir son souffle contre ses cheveux et ça la rassura. Ils commandèrent ensemble et malgré l'insistance du blond, elle fut plus rapide pour payer et il râla jusqu'à la table.

« T'as des nouvelles de ton frère ? »

Elle secoua négativement la tête. « J'veux pas. » Elle fut soulagée de voir les plateaux pour interrompre la conversation mais Mathieu était beaucoup trop têtu.

« Si tu l'appelles pas, je le ferai. »

Elle voulut le sermonner mais l'attention de Mathieu divagua sur un groupe de jeunes hommes entrant. Ils évaluèrent l'environnement avant de croiser son regard. Des sourires éclatants apparurent tandis que le blond souhaitait seulement rendre justice. Ils ne furent pas sensible à sa colère et s'approchèrent de leur table. Il dut faire preuve de sang froid lorsqu'ils le saluèrent. Néanmoins, lorsqu'il entendit le surnom d'Olivia sortir de leurs bouches, il se leva subitement.

« Vous êtes sérieux ? Vous faites les innocents ? » Mathieu s'approchait dangereusement d'un homme, le souffle erratique et les poings serrés. « Depuis quand vous... » Il s'interrompit lorsqu'il sentit la main d'Olivia sur son bras, le retenant d'avancer. « J'vous conseille de dégager avant de le regretter ! »

« Mais qu'est-ce qui te prend Polak ? »

« Qu'est-ce que me prend ? »

La poigne de la brune ne fut pas suffisant pour le retenir mais la panique fut si forte qu'elle entoura son torse de ses bras, sentant chaque muscle tendu dans son dos. Elle tenta de susurrer quelques mots apaisants dans son oreille mais sa colère était telle qu'il n'entendait plus que son cœur battre dans ses tempes. Alors, elle se mit à crier.

« Je t'ai menti, Mathieu, arrête ! » Il se figea un instant. « Je t'ai menti, c'est pas eux, ils n'ont rien fait ! »

Il ne prit pas la peine de se retourner vers elle avant de prendre ses affaires pour partir. L'embarras de l'avoir défendu pour rien et la trahison après tout ce qu'il avait fait lui rongeaient tellement le cœur qu'il sentait ses yeux rougirent. Olivia le suivit à grands pas pour ne pas qu'il prenne la fuite. Elle monta dans la voiture en silence et Mathieu démarra en trombe pour retourner à l'hôtel.

Il continua son chemin jusqu'à la chambre sans prendre le temps de l'attendre et elle dût cette fois courir avant qu'il ne lui claque la porte au nez. Ce fut suffisant pour qu'elle éclate en sanglot bruyamment devant lui. Néanmoins, il ne flancha, se retournant seulement pour fixer le parking par la fenêtre.

« Tu devrais rentrer chez toi. »

« J'peux pas. » Il resta impassible et Olivia s'approcha. « Et si je t'explique, tu vas... »

« ...C'est pas comme si tu avais quelque chose à perdre. » Il se retourna pour lui faire face et elle regretta son ignorance. « Tout ça, je l'avais fait pour toi. J'sais même pas pourquoi. Quand je t'ai vu la première fois te défendre devant Claire, j'ai cru que t'étais différente. Mais t'es comme toutes les autres. Tu mitonnes. Tu trahies ceux qui t'aident sans un remord. »

« C'est faux ! Mathieu ! » Sa voix se déforma dans un pleure. « Je ne t'ai rien dit parce que c'est mon frère. » Encore une fois, il resta silencieux, espérant qu'elle développe car son cerveau se faisait déjà les pires scénarios. « J'étais à la maison, tranquille. Alessio est arrivé, très en colère. Il n'arrêtait pas de dire que je l'avais volé. Il a fouillé partout, dans toutes mes affaires. Il a finit par me pousser. »

Mathieu se mit à marcher, fourrageant ses cheveux. « Pourquoi vous êtes partis de chez ton père ? »

« Parce que mon frère se droguait. »

Olivia n'avait que quinze ans quand son père avait mis à la porte son frère. Elle l'avait suivi, bêtement, parce qu'ils avaient toujours été inséparables. Il avait fallu plusieurs mois avant qu'il ne lui avoue la raison et elle n'avait pu que l'aider. Il avait essayé, pendant un temps, d'arrêter, de trouver un travail. Néanmoins, la vie avait repris le dessus.

« Il consomme ce qu'il devrait vendre. »

« Je crois bien. » Elle haussa les épaules, les joues sèches de larmes mais le cœur au bord des lèvres. « J'suis désolée. »

Elle ne lui laissa pas la chance d'accepter ses excuses avant de prendre la porte. Toutefois, ce fut à son tour de lui prendre la main pour l'empêcher de s'enfuir. Il la retourna subitement pour l'enlacer contre lui, l'encerclant si fermement qu'elle s'abandonna dans ses bras. Au moment où il embrassait légèrement ses cheveux, elle le serra à son tour.

« Ça va s'arranger, Liv. Je suis là maintenant. »

« Je ferai mieux de rentrer. »

« Mais... » Elle le repoussa légèrement et son regard ne le laissa pas la contredire. « Ok, laisse-moi te ramener. »

Elle hocha la tête et dans un silence lourd, il la ramena chez elle. Il crut qu'elle n'allait jamais quitter la voiture tandis qu'il était en double file devant son immeuble. Elle restait là, fixant un point invisible sur le pare-brise. Mais, malgré le malaise ambiant, il voulait qu'elle resta là, encore un peu. Toutefois, le klaxon d'une autre voiture coupa leur rêverie et Olivia attrapa la poignée avant de le regarder.

« Encore merci. »

« De rien. » Elle embrassa longuement sa joue avant de sortir. « Hé ! Olivia ! Si t'as besoin, tu connais mon numéro ! »

« Oui, ne t'en fais pas. »

Elle le salua avant de s'éloigner, n'attendant pas qu'il parte pour rentrer dans son bâtiment. Elle monta les escaliers le plus lentement possible. Elle espérait de tout cœur ne pas tomber sur son frère.

Devant la porte, elle hésita un instant à fuir pour de bon, loin de son frère, loin de Mathieu, loin des problèmes. Toutefois, elle n'était pas du genre à partir. Elle avait toujours affronté tous les problèmes, jusqu'à suivre Alessio vers un avenir plus qu'incertain.

Elle fut soulagée de devoir déverrouiller la porte, signe qu'il n'était pas là. Quand elle rentra rien ne semblait avoir changé depuis son départ. Le désordre était toujours présent et lorsqu'elle rentra dans sa chambre, elle ne fut pas surprise de voir ses meubles toujours renversés, ses habits toujours éparpillés au sol. On aurait pu croire qu'un vol s'était déroulé. Toutefois, ce n'était que la colère de son frère.

Une colère qui ne pouvait que grandir.

Olivia souleva son matelas pour attraper une enveloppe. Elle en sortit une liasse de billets qu'elle compta encore et encore pour s'assurer qu'il ne manquait rien.

Tout allait bientôt être terminé.