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Mathieu alluma sa cigarette, s'appuyant sur le muret en face du restaurant. La soirée était longue et la fatigue, déjà bien présente, le rendait inaccessible voire désagréable. Après une énième altercation, il avait décidé de sortir pour s'oxygéner. Néanmoins, son temps pour lui fut de courte durée, Maeva s'approcha de lui. Il n'eut le temps de lever les yeux au ciel qu'elle s'asseyait à ses côtés.

« Polak. » C'était la première fois qu'il la voyait hésitante et gênée. Il ne fit aucun commentaire. « Fais quelque chose. » Il fronça les sourcils tout en la regardant. « Olivia est une fille bien. Elle a tout fait pour protéger son frère puis maintenant toi. »

« Ça n'empêche pas ce qu'il s'est passé. »

« Elle est pas la meilleure pour prendre des décisions. Elle aurait dû te parler, je sais bien, mais ça reste une victime. » Il secoua la tête, refusant de l'entendre. Toutefois, elle n'était pas du genre à l'écouter. « Je comprends que tu puisses être chamboulé ou en colère. Mais Liv vient de vivre la pire année de sa vie. »

« Je le sais, pas besoin de me le dire. »

« Alors regarde-la. » Il leva le nez pour scruter le restaurant. Olivia était là, dans le coin de table, légèrement en arrière. « Et dis-moi qu'est-ce que tu vois ? »

Il préféra ignorer sa question et se dirigea vers le restaurant tout en jetant sa cigarette. Maeva le suivit de près, tentant quelques mots de réassurance avant d'entrer. Il reprit sa place à côté de la brune qui triturait son assiette. Cette fois, il la vit réellement, elle et ses cernes accentuées par un maquillage dégoulinant. Il remarqua ses pommettes saillantes et ses doigts tremblants. Sa contemplation s'arrêta un instant alors qu'elle était chahutée par son autre voisin, Saddam, qui tentait d'alléger son humeur. Néanmoins, il fut recaler par un silence si glacial qu'il fit les gros yeux à son ami.

Mathieu se pencha vers elle, espérant intérieurement qu'il ne recevrait pas la même réaction.

« Mange un peu. » Elle lâcha sa fourchette qui tomba dans un tintement contre l'assiette. Il sursauta comme si le tonnerre éclatait.

« Je n'ai pas faim. »

« Juste un peu. » Il déposa sa main à quelques millimètres de la sienne. « T'en as besoin. »

« Ça va, arrête. »

Mathieu se retint de faire un commentaire désagréable lorsque les larmes montèrent aux yeux d'Olivia. « Je te raccompagne. » Il tendit sa main et malgré qu'elle en mourrait d'envie elle ne l'attrapa pas. « Les gars, on rentre nous. A plus ! »

Il les salua rapidement avant de partir en vitesse. Malgré la tension, sa discussion avec le restaurateur était chaleureuse pendant qu'il payait. Lorsqu'il se retourna vers elle, il perdit son sourire pour laisser place à des rides de contrariété. Il lui ouvrit la porte et ils affrontèrent le froid ensemble. La brune resserra son manteau contre elle tandis que ses muscles gelaient sur place.

« J'suis garé un peu plus bas. » Il pointa du doigt la rue mais elle ne regarda pas, préférant le bout de ses baskets. « Tu veux que j'aille chercher la voiture ? »

« J'suis pas en sucre. »

« C'est pas c'qu...»

«... J'suis capable de marcher, c'est bon. » Il secoua la tête. La marche jusqu'à la voiture se termina dans un silence de plomb. Mathieu voulut ouvrir la portière mais Olivia se précipita dessus. « Et j'suis capable d'ouvrir ma propre portière. »

« J'ai l'habitude de le faire pour toi. »

« Et j'ai eu l'habitude de compter sur toi mais regarde aujourd'hui. » Elle haussa les épaules puis essaya d'ouvrir la porte mais il la bloqua.

« Fais pas ça. » Elle s'appuya contre la voiture, le visage baissé, fixant l'espace entre eux. « Comprend-moi. » Il crut qu'elle s'approchait de lui au moment où elle se décollait. Mais, finalement, elle s'éloigna, dévalant la rue de toutes ses forces. « Olivia ! » Il s'était écrié si fort qu'il était tout aussi essoufflée qu'elle. « Je t'en supplie ! J'ai besoin de toi ! »

Elle s'était arrêtée net comme si ses mots avaient cimenté ses pieds. Elle se retourna vers lui pendant qu'il avançait lentement vers elle. Elle aurait aimé qu'il se mette à courir, qu'il continue de crier ses sentiments. Mais il prit son temps pour ralentir la confrontation.

« J'ai besoin de toi. » Il se frotta la nuque. « J'suis juste frustré et en colère parce que j'ai pas été là pour toi, que t'avais pas à vivre tout ça ! » Il reprit son souffle. « T'étais pas censé vivre tout ça ! Encore moins pour moi ! Tu dev.. mais t'as dit que t'abandonnerai pas et moi j'abandonnerai pas. Alors j'suis désolé, j'aurai dû être là depuis le début alors que je t'avais promis que ça n'arriverai plus mais j'ai... »

Elle posa sa main sur sa joue et il perdit le fil de ses mots. Il ferma les yeux tandis qu'elle retraçait de son pouce ses traits tirés. Il s'appuya contre sa paume un instant. « Tu t'rappelles quand on sait vu la première fois en bas de chez toi ? Tu m'as dit de ne pas prendre de risque car je ne savais pas dans quoi j'allais tomber. Et je t'ai pas écouté. »

« Tu m'écoutes jamais. »

Elle ria dans un souffle. « Pas faux. » Elle passa son pouce sur ses lèvres sèches. « Ce jour-là, tu m'as dit que si j'avais besoin, tu serais là. Et peu importe ce que tu penses, t'as jamais manqué ta promesse. » Elle laissa ses bras tomber le long de son corps, un demi-sourire sur les lèvres. « Je te devais bien ça. »

Mathieu se pinça les lèvres un instant, repassant devant lui le film de leur histoire tandis qu'Olivia attendait patiemment qu'il prenne sa décision finale. Aucun signe sur son visage ne lui donna un indice alors elle préféra fermer les yeux pour cacher son désir et son émotion. Ses cheveux bruns tombèrent sur ses joues en même temps que quelques larmes. De ses doigts tremblants, il repoussa les mèches derrières ses oreilles tout en effleurant ses pommettes tendrement. Ce geste tendre fut suffisant pour qu'un sanglot éclate dans le creux du ventre de la brune qui tremblait en soubresaut pour se retenir.

« Liv. » Sa voix n'était qu'un murmure brisé et si Olivia n'avait pas essayer de se contrôler, elle aurait entendu les larmes de Mathieu.

« Me brise pas plus le cœur, je t'en supplie. »

Il se pinça les lèvres, se mordillant si fortement celle inférieure qu'elle semblait vouloir se déchirer. Il prit son visage entre ses mains, le recouvrant presque qu'il lui semblait revoir la petite brune, enfant, sur les photos accrochées dans son ancien appartement. Il ferma les yeux à son tour tout en appuyant son front contre le sien, se penchant si fort qu'ils reculèrent contre le mur voisin. Il déposa lentement sa bouche sur son nez puis ses deux joues maintenant trempées. Le goût salé réveilla l'amertume de la situation.

« J'veux pas de baiser d'adieu. »

Elle essaya d'éviter un de ses baisers, ne supportant plus la tension, mais il ne la laissa pas fuir, relevant son menton tout en secouant la tête pour refuser ses mots.

« Mathieu, s'il te plait,... »

« Laisse-moi t'embrasser. »

Il s'approcha de ses lèvres lentement, rendant l'éternité presque mesurable. Sa bouche contre la sienne se fit douce comme pour savourer pour la première fois, ou la dernière fois, ce baiser. Toutefois, il ne fallut pas plus de quelques secondes pour qu'il s'intensifie, la précipitation le rendant passionné et désespéré. Les mains de Mathieu continuaient de déambuler sur son corps, incapable de tenir en place tandis que celles de la brune restaient accrochées à sa nuque pour ne pas qu'il s'éloigne.

Malivia [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant