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« Ouvre putain ! T'es vraiment un gamin ! »

Maeva toqua frénétiquement contre la vitre de la voiture. Mathieu aurait voulu fermer les yeux, l'ignorer jusqu'à ce qu'elle se fatigue. Mais elle n'était pas comme ça, et il le savait. Alors, il céda.

« Va la chercher putain ! »

Le cœur au bord des lèvres, il prit le chemin pour rejoindre Olivia. Il n'entendait que les gravillons sous ses baskets et le vent siffler dans ses oreilles. Il était incapable de regarder devant lui, l'horizon et les noms d'inconnus gravés semblaient les seules solutions. La pénombre lui donna la chaire de poule.

« J'voulais juste le prévenir que je partais. J'ai pas vu l'heure passer. » Il s'approcha d'elle, s'installant derrière, suffisamment proche pour qu'elle sente sa chaleur sans la toucher. « C'est la première fois que je pars depuis qu'il est mort. »

Il hocha la tête, celle-ci ignorant toujours la réalité face à lui. « Il va falloir qu'on y aille, désolé. » Elle appuya son dos contre son torse, rentrant enfin en contact. « T'es entrain de te les geler en plus. »

Elle embrassa le bout de ses doigts avant de les déposer longuement contre la pierre tombale. Il n'y avait qu'un bouquet de fleurs, le sien. Ils n'avaient toujours été que deux.

Et maintenant, elle se trouvait seule.

Finalement, elle fit demi-tour. Il la suivit, un pas en arrière pour ne pas avoir à échanger de mots ou de regards. Il allait lui ouvrir la portière de sa voiture mais elle ne s'arrêta pas. Les joues rouges, il ne put retenir son malaise.

« Tu montes pas avec moi ? »

Elle se retourna, un sourire timide. « Non, je vais avec Mae. »

« Oh, ok. »

Elle ne répondit pas et elle partit. Il souffla tout en montant dans sa voiture. Ils avaient tous convenus de partir en vacances, avant la sortie de l'album de Mathieu, avant le début des promotions mais surtout du manque de temps disponible. Ça devait être entre potes, un truc tranquille. Puis, finalement, Norvan avait pris l'occasion pour inviter sa petite amie et Olivia. Son excuse était simple, peut-être qu'il y aurait un rapprochement.

Alors le rappeur avait accepté. Toutefois, lorsqu'il la vit s'éloigner, il se martela que tout était mort.

Lisko ne prit pas la peine de discuter et la route se fit dans un silence de plomb, seulement perturbé par les réseaux sociaux et notifications du passager.

« Arrête-toi là, les meufs veulent faire une pause. » Ça faisait déjà quatre heures qu'il conduisait. Néanmoins, il n'avait aucune envie de s'arrêter, la vitesse anesthésiant ses nerfs.

« Faut toujours qu'elles aillent pisser, ça me les brise. » Il s'alluma une cigarette, tout en regardant dans son rétroviseur que la voiture de Norvan se gare à proximité. « On va arriver quoi ? Dans dix heures ? »

Il sortit, le froid le faisant rechigner un peu plus. Malgré tout, lorsqu'il vit Olivia se précipiter, bras dessus-bras dessous avec Maeva vers les toilettes, il ne put retenir un demi-sourire de détendre son visage. Elle était toujours aussi adorable.

Il attendit seul à l'extérieur, appuyé contre son capot, le vent rongeant ses os. Il espérait qu'il désintégrerai ses pensées mais, peu importe où il posait son regard, une tombe sortait de terre. Ses paupières se fermèrent un instant. Celui-ci fut suffisamment long pour qu'une petite brune tout en allégresse arrive devant lui. Elle avait l'air si joyeuse qu'il en eut un pincement au cœur tant la jalousie de ne pas en être la raison inondait son esprit.

« Tiens, un café pour toi. » Il l'attrapa, peinant à garder les yeux sur elle.

« Fallait pas, Liv, merci. » Il apprécia la chaleur contre ses doigts et pris une gorgée.

« T'as l'air fatigué. » Il secoua la tête. C'était pas la fatigue qui déformait ses traits. Pour éviter de l'affronter, il retira son sweater et lui enfila. C'était dans un geste si tendre qu'elle ne put que rougir. Il souriait sincèrement pour la première fois. « Mathieu. »

« Olivia. »

« T'es chiant ! » Elle cacha sa gêne contre son torse et il profita de sa chaleur. Son rire résonna dans sa poitrine, tout contre l'oreille d'Olivia. Le temps sembla s'arrêter. « Encore félicitations pour ton album, t'es vraiment le meilleur. »

« T'as rien écouté. Et c'est pas encore sorti. »

« Même. » Il la serra un peu plus contre lui. « Pas besoin d'écouter pour savoir. »

« Viens dans ma voiture. » Il embrassa ses cheveux. « Maeva est beaucoup moins cool que moi. » Elle leva les yeux au ciel en riant tandis qu'il imitait une voix enjouée et féminine. « On fera des ragots sur tout le monde. J'peux être ta meilleure copine moi aussi. »

« Ah ouais ? »

« Hm, hm. J'ai plein de trucs croustillants. »

Finalement, elle céda et prit la place de Lisko qui fut bien heureux d'échapper à la mauvaise humeur de Mathieu. Il lui ouvrit la portière tout en galanterie et elle se moqua de lui. Il prit le volant le cœur bien plus léger que toute à l'heure. L'absence de bruit était reposant et réconfortant. Toutefois, il ne dura pas. Il se pencha vers elle pour ouvrir la boîte à gant.

« Qu'est-ce que tu fais ? Bon sang, t'es un vrai danger public ! Regarde la route ! » Elle tapa sa main mais il continua de fouiller jusqu'à attraper du bout des doigts un sachet plastique. Il lui ouvrit et lui tendit. « Un paquet de bonbons ? »

« Tu te souviens pas ? » Il grimaça tout en fixant la route. « Vas y, c'est gênant. » Elle lui donna en bouche un ourson. Il accepta malgré son malaise grandissant devant son silence. « Au pmu ? » Elle fronça les sourcils, un sourire taquin sur les lèvres qu'il ne remarqua pas. « Tu m'as donné des bonbons pour te faire pardonner. »

« J'me souviens, j'voulais juste t'entendre le dire. » Elle pouffa devant sa bouche bée. Elle reprit son sérieux lorsqu'elle le vit douter. « Comment je pourrai oublier ? Je n'oublierai jamais ce qu'on a vécu. » L'odeur du sweater de Mathieu fut soudainement envahissante. « Ce qu'on vit. »

« Ouais. »

Voulant le dérider, elle lui donna un autre bonbon mais il l'évita, tournant un geste tendre en un chahut. Il attrapa sa main pour la retenir. Ce contact les fit perdre le fil de leurs chamailleries. Ils se stoppèrent sans pour autant se lâcher. Olivia fixait ce rapprochement tandis que Mathieu restait immobile. Le silence devenait lourd, insoutenable alors il tenta de se libérer.

« Désolé, c'est pas ce que j'voulais faire. » Il attrapa le volant de ses deux mains si fermement que ses phalanges blanchirent. « J'voulais pas qu'tu viennes dans la voiture pour t...»

Elle le coupa en attrapant son bras. Ses doigts glissèrent jusqu'à sa main. C'était pas ce qu'ils avaient prévu. Pourtant, le naturel revenait à grand pas. Olivia et Mathieu n'avaient jamais su être amis.

« Ça va nous faire du bien ces vacances. »


Et ils finiraient forcément par le payer.

Malivia [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant