Malivia [PLK]

[12]

« Qu'est-ce qu'on fout là ? » Mathieu haussa les épaules, se rongeant les ongles tout en regardant le bâtiment devant lui. « On devrait pas rester là. »

« Non, attends. »

Il se détacha, souffla, puis sortit de la voiture. Son palpitant battait la chamade tandis qu'il montait les escaliers. Il s'était retenu, tant qu'il avait pu, de revenir ici. Toutefois, lorsqu'il écrivit un énième son sur son cœur brisé, il ne put se retenir de foncer dans sa voiture. Lisko l'avait suivi, apeuré par son attitude belliqueuse alors qu'il avait été d'une passivité endeuillée depuis des semaines.

Il resta un instant le poing en l'air, hésitant une dernière fois à toquer contre le bois abîmé de la porte. Les flashbacks de sa dernière soirée ici le hantaient encore, le sang au sol, le draps sur Alessio, l'horreur sur Olivia. Après avoir inspiré profondément, sa main s'abattit sur la porte en quelques coups.

« Réponds-moi. Putain ouvre. »

Il chuchotait, le front appuyé, essayant d'entendre n'importe quel mouvement dans l'appartement. Incapable d'abandonner, il se laissa tomber contre le sol. Il s'alluma une cigarette puis une seconde. Il se releva instantanément lorsqu'il entendit des pas dans les escaliers. Peut-être qu'elle rentrait, enfin.

« Mec, tu fous quoi ? Ça fait des plombs que je t'attends ! »

« Elle va peut-être rentrer. » Il haussa les épaules, nonchalamment, ne se rendant pas compte de l'absurdité d'attendre des heures sur un palier. « Tu peux rentrer, moi, il faut que je lui parle, tu comprends ? »

« Non ! Non ! Je capte pas ! » Il s'était écrié. « C'est qu'une meuf que tu connais depuis quoi ? Quelques mois ? Y a encore quelques temps t'étais avec une autre, ta première meuf. Qu'est-ce qu'elle a de plus ? Laisse tomber, vous deux c'est mort ! »

« C'est différent. »

« Dis pas n'importe quoi. Viens on va au studio, t'as du boulot et c'est pas en restant là, que tu vas avancer. »

Mathieu céda. L'envie d'éclater en sanglot était immense et le retenait d'argumenter. Il jeta son mégot au sol, rêvant presque que le bâtiment disparaisse dans des flammes comme ses souvenirs. Dans un silence mortel, il conduisit jusqu'au studio. Son inspiration était devenue limitée à Olivia alors venir ici était presque devenue une torture.

Le contact coupé, ils restèrent un instant dans la voiture, comme si le besoin de parler devenait urgent. Lisko souffla.

« T'as essayé de l'appeler ? »

« Ouais mais elle répond pas. Elle m'a même bloquée sur les réseaux. J'sais même pas où elle est, comment elle va...»

«..tu veux essayer avec mon téléphone ? » Il secoua la tête. « Alors tu comptes faire quoi ? Camper devant chez elle ? T'es même pas sûr qu'elle crèche encore là. »

« Je sais mais j'voulais m'excuser. » Ils sortirent tout en continuant de discuter. « J'ai merdé mec. J'me suis éloigné d'elle et elle a cru que je tenais pas à elle, que je m'en foutais. Mais c'est faux. Je suis dingue d'elle. J'te jure, j'pensais aimer Claire, que c'était mon premier amour. En réalité, elle était ma première relation, mon premier attachement mais Olivia... Olivia c'est vraiment elle. »

« Alors pourquoi tu t'es éloigné ? » Mathieu déverrouilla la porte puis ils entrèrent. Ils se servirent une bière, nécessaire pour éteindre quelques pensées.

« Parce que j'aurai pu empêcher tout ça d'arriver. J'savais comment ça allait finir et j'ai rien fait. Je supportais plus de la voir dans cet état...pleurer...crier toutes les nuits. J'pouvais rien faire. »

« Ça devait finir comme ça. » Lisko haussa les épaules, imperturbable. « Tu sais toi même que quand on joue avec le feu, on risque de se brûler. »

Malgré son refus, il lui tendit son portable. Mathieu le prit, le tournant dans ses mains. Il voulait l'appeler, entendre sa voix puis tout lui expliquer, déballer son cœur jusqu'à en avoir la gorge sèche. Il voulait arranger les choses, ne put écrire des rimes sur sa peine mais sur l'amour et ses sentiments épanouis.

Toutefois, l'idée de l'appeler alors qu'elle refusait de l'entendre lui semblait impossible. Il n'avait aucune envie d'aggraver les choses en ne respectant pas sa décision. Alors, il se limita aux réseaux sociaux, cliquant sur son Instagram. Elle avait posté quelques photos. De son pouce tremblant, il les détailla une à une.

« Elle est toujours sur Paname. Regarde, c'est chez Norvan. » Il fronça les sourcils. « Pourquoi elle est chez Norvan ? »

« Maeva lui a peut-être proposé de venir. »

« Il m'a rien dit. »

« Peut-être parce qu'il ne voulait pas être inclus dans vos histoires. Et puis, sa meuf lui a sûrement dit ne rien dire et tu sais comment elle est. »

Il hocha la tête. Il avait raison Maeva avait un caractère fort. Mais surtout, elle était prête à tout pour protéger les gens qui en avaient le plus besoin. Et son petit ami avait rarement son mot à dire parce qu'elle usait de tout son charme pour négocier. Il suffisait d'un sourire pour que Norvan cède. Mathieu avait toujours envié leur relation. Elle paraissait si simple et saine. Lui, n'avait connu que disputes et trahisons.

« Appelle Maeva. Assure-toi qu'Olivia va bien. » Lisko avait presque pitié de lui. Les yeux cernés et rouges de son meilleur ami et son air abattu l'inquiétait beaucoup trop. « Au moins pour tourner la page. »

Cette fois, la douleur dans sa poitrine fut trop importante pour réfléchir. Malgré l'heure tardive, il se leva pour sortir, le pouce en suspend sur l'écran.

Il allait le faire, rien qu'une fois, une première et dernière fois.

« Allo ? »

« Maeva ? » Il racla sa gorge, le silence de l'autre côté de la ligne était assourdissant. « C'est Polak, ça va ? »

« Pourquoi t'appelles ? » Son ton était froid, sans équivoque, elle avait choisi son camp. Il avait choisi le même.

« Comment va Olivia ? Dis-moi juste...dis-moi juste comment elle va. J'veux rien de plus. J'sais qu'elle veut pas m'entendre ou me voir mais j'ai besoin de savoir. »

« Elle va bien. » Un énième silence lui fit penser qu'elles étaient ensemble. Maeva devait lui demander son accord ou quoi répondre. Il sentit son cœur battre la chamade à cette idée. Elle pouvait l'entendre. « Tout va bien. »

« Dis-lui que j'suis désolé. J'ai pas assuré. J'aurai dû... » Il souffla. Lui qui pouvait manier les mots comme il le souhaitait se retrouvait muet. « J'aurai dû être là. »

« T'aurai dû, exact. T'as carrément merdé. »

« Elle est là ? »

« Polak... »

« Dis-moi juste qu'elle est avec toi, que tu prendras s... Allo ? » Il regarda son écran et tomba sur son écran d'accueil. Elles avaient raccroché.