BONNIE
Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de rejoindre Ken dans le salon.
- Enfin !
- Tais-toi.
- On dirait presque que tu repousses le truc.
- Moi ? Repousser un fabuleux repas avec ton père ? Totalement, j'avoue alors qu'il se met à rire.
Il se lève pour venir m'encercler de ses bras, il pose son front contre le mien et me fait un petit sourire.
- S'il dit quoi que ce soit, on s'en va. On part. Loin. Rien que tous les deux.
- Loin où ?
- Je sais pas. Où tu veux.
- Alors, je veux partir avec toi, n'importe où.
- On devient niais bébé.
On se met à rire tous les deux et il embrasse mon front avant de me prendre la main pour que l'on quitte l'appartement. Dans la voiture, je repense à la dernière fois que j'ai vu son père. Mais surtout ce qu'il a dit à Ken quand il l'a prévenu qu'il était de nouveau avec une femme.
"J'espère que c'est pas le même genre que la dernière. Cette Bonnie n'est vraiment pas faite pour toi Ken, j'espère que tu ne la vois plus, elle est mauvaise."
Manque de peau pour lui, c'est bien moi et en plus de ça j'ai tout entendu de ce qu'il a dit. Mais j'ai pas l'intention de me taire, je l'ai jamais fait, c'est pas maintenant que je vais commencer.
La main de Ken se pose sur ma cuisse et me ramène sur terre.
- On est arrivé.
Je souffle un bon coup avant que l'on ne sorte de la voiture. Ken récupère ma main et je crois que je la sers assez fort puisqu'il se tourne vers moi avant qu'il ne sonne chez ses parents.
- Ça va aller. Il n'y a pas de problème, ma mère va être la plus heureuse au monde.
- Je sais. Mais j'ai pas envie que la petite guerre qu'il y a eu avec ton père recommence.
- Ça ne recommencera pas. Je ne le laisserai pas faire, je ne le laisserai pas de nouveau te cracher dessus.
- Ne te fâche pas avec ton père non plus.
- Bien sûr que si, il me sourit et embrasse mon front avant de sonner à la porte.
On attend quelques secondes avant que le père de Ken ne nous ouvre. Il regarde son fils en premier avec un grand sourire. Sourire qui disparaît quand son regard se pose sur moi. Ses yeux deviennent noirs et effectivement un sourire naît sur ses lèvres, un sourire mauvais.
- Elle ?
- Si tu dis quoi que ce soit on part.
L'homme souffle avant de nous laisser rentrer dans la maison. Quand Carole nous voit, au contraire de son mari, un grand sourire né sur ses lèvres, elle ne tarde pas à venir nous prendre dans ses bras.
- Je suis tellement heureuse ! Je suis tellement contente que vous soyez de nouveau ensemble tous les deux, elle pose ses deux mains sur mes joues avec un sourire ému. Je te l'avais dit.
Je ricane alors qu'elle embrasse mes deux joues.
- Je suis fière de toi mon fils, elle le prend rapidement dans ses bras.
J'entends son père parler ou plutôt marmonner, mais j'y fais pas attention. Je préfère regarder la mère et le fils avec ce grand sourire.
[...]
Étonnement, je n'ai reçu aucune remarque du père de Ken. Mais quand nous partons, j'ai eu le droit à mon petit pique.
- J'espère que tu auras changé de copine la prochaine fois Ken.
- Ça m'avait presque manqué, je dis avec un petit sourire avant que mon copain ne dise quoi que ce soit.
Avec Ken, on finit par quitter la maison et rejoindre sa voiture.
- On va où ?
- Je sais pas. Tu veux aller où ?
- Tant qu'à renouer des liens. On va voir Kyle ? il me demande.
Je souffle et frotte mon visage. J'ai pas réellement parlé avec Kyle depuis un mois. J'ai peur que l'on se prenne la tête et en plus de ça j'ai trop de rancœur face à sa réaction.
- Non.
- Ok. Alors, j'ai pas d'idée.
On se regarde dans les yeux quelques secondes avant qu'il ne mette le contact et prend la route.
- Tu nous emmènes où ?
Il me répond pas et après plusieurs dizaines de minutes, je reconnais l'endroit où il se gare. Je me tourne vers lui en me mordant la lèvre.
C'est pas la première fois qu'on vient ici tous les deux. Mais comme je pleure toujours en venant ici, j'ai pas forcément envie de le faire en présence de mon copain.
On sort de la voiture dans le silence et comme en arrivant devant chez ses parents, il prend ma main.
- J'avais envie de venir.
- T'as bien fait, je lui souris et embrasse sa joue.
On marche un peu avant de s'arrêter devant une première pièce en marbre.
Enola Lewis
1967 - 2012
Une mère aiméeMa maman.
Je m'accroupis et frotte légèrement le haut de sa pierre tombale pour enlever les quelques feuilles mortes et la poussière qui c'est accumulé depuis la dernière fois que je suis venue ou alors Kyle.
Je ne dis rien. Ça fait longtemps que je ne dis plus rien.
Que ce soit pour elle ou pour Léo. Quand on vient, je me contente d'écouter Ken.
Je me relève et les bras de mon copain m'entourent.
- Ça va ?
- Oui. C'est triste, mais j'ai plus vraiment mal quand je suis là. Je crois que j'ai tellement mal quand on est devant celle de Léo, que ma douleur ici ne me fait plus rien.
Il embrasse ma joue et me sert plus fort contre son torse.
On reste encore quelques minutes dans le silence, avant de partir vers la pierre tombale de notre fils.
Léo Samaras Lewis03 janvier 2015
Je ferme les yeux et me colle complètement à mon copain.
J'essaye au maximum de retenir mes larmes, mais j'en suis absolument incapable et la première larme coule sur ma joue.
- Il aurait eu quatre ans au mois de janvier.
- Je sais, je lui réponds la gorge serrée.
On reste là plusieurs minutes, dans le silence, à regarder là où notre fils se repose.