Chapitre 32

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Chapitre 32.

Xiong Li ne rappela pas Haru ce jour-là. Le Japonais se sentit comme un lion en cage. Il avait accumulé tellement de haine et de ressenti envers l'Empereur... il aurait voulu lui dire tout ce qui lui pesait sur le cœur, mais n'en avait pas eu l'occasion le peu de temps qu'ils s'étaient vus aujourd'hui. Il avait l'impression qu'il allait finir par exploser s'il devait encore retenir ses sentiments au fond de lui.

— Vous avez l'air tendu, lui fit remarquer Fu-Hsi en glissant un regard dans sa direction.

Depuis leur retour au pavillon, Haru n'avait presque rien dit, broyant du noir.

— Je le suis.

C'était inutile de le cacher. Sa mauvaise humeur jetait une aura déplaisante dans tout le pavillon.

— Et vous avez envie d'en parler ?

Le Japonais n'avait d'abord pas voulu, mais il ne pouvait plus garder tout ce qui le tourmentait pour lui seul. Puis, Fu-Hsi, jusqu'à maintenant, c'était montré digne de confiance. C'est sur cette base qu'il décida de se confier.

— Tu te souviens ? Je t'ai dit que le guérisseur m'a dit que je pourrais peut-être remarcher si je faisais de la rééducation avec lui, or Xiong Li ne m'en a rien dit, alors qu'il a eu multiples occasions de le faire.

Fu-Hsi gardait son calme malgré le ton de Haru qui grimpait dans les aigus, lui criant presque dessus sans raison.

— Avez-vous essayé de lui en reparler aujourd'hui ?

Le jeune homme serra le poing, laissant son élan de colère retomber de quelques degrés et réalisant qu'il était injuste de crier sur Fu-Hsi.

Justement. Il ne m'en a pas laissé l'occasion. Il y avait ses fils... puis il a dû mettre une fin abrupte au rendez-vous. Il a été appelé pour des affaires importantes.

Haru avait du mal à ne pas s'énerver, mais malgré la colère qui l'envahissait, il pensa à protéger le secret de Sue Liu. Après tout, cette dernière n'était en rien responsable des agissements de Xiong Li. Ignorant si Fu-Hsi était au courant ou non de l'état de santé fragile de l'Impératrice, Haru préféra ne rien dire à ce sujet.

— Vous avez rencontré les héritiers impériaux ?

Fu-Hsi semblait presque incrédule. Haru hocha la tête, l'air de rien.

— Ils s'entraînaient au dāo dans les jardins.

— Ce n'est pas courant qu'une concubine rencontre les héritiers à moins d'en être leur mère ou d'occuper un rang suffisamment élevé, dit Fu-Hsi, un peu embarrassé, pour expliquer sa confusion. L'Empereur doit beaucoup vous estimer.

Le Japonais dressa le menton avec fierté comme pour défier l'eunuque.

— S'il m'estime, il devrait me traiter comme son égal et ne pas me mentir aussi ouvertement.

Plus que tout, il détestait qu'on lui manque d'honnêteté. La vérité de la parole d'un homme construisait son honneur. Enfermé dans ce harem et contraint de se travestir, Haru n'avait pas l'impression d'être estimé. C'était plutôt le contraire. Chaque jour, il se sentait humilié. Il ne pouvait s'empêcher de se demander la raison pour laquelle Xiong Li lui faisait subir tout cela. N'aurait-il pas été plus facile de le tuer ou de demander une rançon à sa famille ? À la place, l'Empereur avait fait de lui ni plus ni moins qu'un trophée de guerre.

— Dans ce cas, que souhaitez-vous y faire ?

Haru secoua la tête. Il n'avait pas grand-chose qu'il puisse faire vis-à-vis de Xiong Li si ce n'était que lui exprimer son ressenti la prochaine fois qu'il le verrait. Cependant, il pouvait faire plusieurs choses pour lui-même.

— Je te l'ai déjà dit : je souhaite voir le guérisseur dès qu'il sera possible de le faire.

Il avait déjà perdu trop de temps, trop de semaines. Plus vite il commencerait la rééducation, plus vite l'espoir de remarcher un jour pourrait se concrétiser.

— Ce sera fait selon vos désirs. Et qu'en est-il de l'Empereur ? Il apprendra sûrement que vous voyez le guérisseur...

Fu-Hsi semblait inquiet à cette idée, mais le Japonais n'avait pas peur et il écarta ses inquiétudes d'un mouvement de la main.

— Et que cela peut-il bien faire ? Je lui dirai moi-même s'il le faut ! Xiong Li ne m'empêchera pas de marcher à nouveau si cela est toutefois réalisable.

Haru avait été bien trop souvent défaitiste depuis son arrivée, se résignant tant bien que mal à une vie qui ne lui convenait pas. À présent, sa vision gagnait un soupçon d'optimisme. S'il pouvait remarcher, il avait peut-être une chance de quitter la Cité interdite... et cette possibilité, aussi infime soit-elle, lui donnait un but auquel s'accrocher dorénavant. Ce ne serait pas facile et cela prendrait du temps, il le savait, mais c'était son seul espoir de revoir un jour le Japon, alors il devait tout tenter. Car s'il ne tentait rien, il dépérirait comme les fleurs de sakuras à la venue de l'automne.

Il le sentait au fond de lui et il en était de plus en plus certain : il avait le mal du pays. 

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