Chapitre 18.
De retour dans son pavillon, Haru se mit à rougir comme une vierge lorsqu'il commença à remarquer le nombre important de suçons que les lèvres de Xiong Li avaient laissé sur son corps. Il y en avait absolument partout : depuis le creux de ses cuisses, remontant son torse jusqu'à la naissance de sa gorge. Son cœur commença à battre plus fort : comment ferait-il pour cacher ces marques de possessivité aux yeux curieux des autres femmes du harem ? Il ne tenait pas à ce que tout le monde voit ça... non seulement en serait-il beaucoup trop honteux, mais ça ne contribuerait qu'à créer de la jalousie. Il voulait à tout prix éviter que l'on croit qu'il était devenu le favori de l'Empereur si vite.
Le Japonais choisit une robe bleue cousue dans un tissu épais possédant un col mao remontant aussi haut que possible sur son cou. Il était en train de s'habiller tant bien que mal (attendant le retour de Fu-Hsi qui avait dû s'absenter pour une courte commission) lorsqu'il entendit une voix féminine pousser un cri de surprise strident.
Haru leva les yeux juste à temps pour voir une ombre se déplacer par la fenêtre du pavillon. Se dépêchant de nouer lâchement la robe sur ses cuisses nues, il fit rouler son fauteuil jusqu'à l'extérieur du pavillon.
— Attendez ! Qui est là ?
En regardant à gauche, puis à droite, il finit par apercevoir Bao qui, non-loin, l'observait avec une expression horrifiée.
— Tu... tu es un homme ! l'accusa-t-elle, la voix tremblante.
Elle devait être venue lui demander comment sa seconde nuit avec Xiong Li s'était passé... elle n'était pas supposée le surprendre comme ça. Haru comprit tout de suite qu'elle avait dû le surprendre qui se changeait. Il se mit lui-même à blêmir en réalisant que son secret risquait de fuiter. Alors, il la supplia de ne pas attirer l'attention sur eux.
— Bao, je t'en conjure... ne crie pas. Je peux tout expliquer...
Le pouvait-il vraiment ? Ce n'était pas de son plein gré qu'il se faisait passer pour une femme ni qu'il avait rejoint le harem impérial. Tout cela le dépassait lui-même. Depuis sa chute sur le champ de bataille, il semblait à Haru qu'il avait perdu tout contrôle sur sa propre existence. Enfin, il n'en avait jamais vraiment eu... depuis qu'il était petit, on le destinait à suivre les traces de son père sans avoir la conviction qu'il y arriverait à cause de son apparence frêle.
Bao hésita, mais elle finit par s'approcher d'un pas lent. Elle devait se dire que, cloué comme il l'était dans ce fauteuil, même s'il était un homme, elle ne risquait pas grand-chose.
— Explique-toi, lui ordonna-t-elle.
— Mais à l'intérieur, insista-t-il.
Il ne voulait pas ameuter tout le harem non plus ni qu'on le voit aussi mal habillé. Après avoir hésité de nouveau, Bao le suivit néanmoins à l'intérieur. La princesse coréenne mettait une distance consciente entre elle et lui.
Haru prit une grande inspiration, puis aussi honnêtement que possible, il raconta à la jeune femme la manière dont il était arrivé ici, de la traversée en bateau qui l'avait conduit sur le champ de bataille jusqu'à son réveil au cœur de la Cité interdite où il avait réalisé qu'il ne remarcherait plus et sa première rencontre plus que troublante avec l'Empereur.
— J'étais un soldat... je me suis battu en Corée.
Bao lui parut sceptique.
— Je sais que je n'ai pas l'air de ça, ajouta-t-il pour la convaincre, mais je dis vrai. Tu te souviens ? Je vous ai confié que mon père était un proche conseiller du Shogun. Ce n'était pas un mensonge. Même si je n'ai jamais vraiment eu la carrure de combattant de mon père, ce qui a déçu toute ma famille... mon destin était de suivre ses traces, mais comme tu peux le voir... les choses n'ont pas vraiment tournées en ce sens... Nous avons perdu la bataille en Corée et j'ai été fait prisonnier de guerre.
Voilà une façon bien plus glorieuse de qualifier le sort qui l'avait attendu après sa capture par l'ennemi.
Bao fronça les sourcils, réalisant soudain un détail qui lui avait échappé.
— Est-ce que Xiong Li sait que tu... ?
À peine eut-elle terminé de formuler sa question que Haru s'empourpra. En réalisant le ridicule de sa demande et remarquant les suçons qui couraient sur la gorge du jeune homme, Bao rougit à son tour et se reprit nerveusement :
— Oh, que je suis sotte, il a passé plusieurs nuits avec toi... alors, il sait. J'ignorais que notre Empereur avait des goûts aussi... (elle se racla la gorge) exotiques.
— Je suis le premier à en être surpris.
Quelque part, Haru fut soulagé de ne plus avoir besoin de se cacher auprès de Bao. Pouvoir être lui-même faisait un bien fou.
— Qu'est-ce qu'il lui a pris de te faire rejoindre le harem... puisque tu es un homme... c'est complètement insensé !
Elle avait raison. Même Haru ignorait quelle fantaisie avait bien pu traverser l'esprit de l'Empereur. Il était possible qu'il le regrettât lui-même à présent, mais il était beaucoup trop tard pour se rétracter.
— Je sais. Cette situation est insensée pour tout le monde, mais s'il te plaît, Bao, ne révèle mon secret à personne. Je n'ai pas choisi de me retrouver dans cette position délicate... et si les autres découvraient que je suis un homme, je n'ose imaginer quel serait le sort que l'on me réserverait. Puis-je te faire confiance ?
Bao se mordit longuement la lèvre inférieure. Elle savait ce que cela faisait que de ne pas avoir le choix. Même si les circonstances n'étaient pas tout à fait les mêmes, elle avait vécu une situation similaire. Lorsque la Chine avait envahi la Corée, elle n'avait eu d'autres choix que d'épouser Xiong Li pour sauver son peuple et maintenir la paix entre les deux royaumes. Pendant longtemps, elle s'était aussi sentie prisonnière de la Cité interdite. Alors, elle comprenait ce que pouvait vivre le Japonais.
— Je ne le dirai à personne... tu as ma parole, Haru, finit-elle par souffler en hochant la tête, ton secret est en sécurité avec moi.
VOUS LISEZ
Fleur d'Orient
Ficção HistóricaHaru, fils d'un homme d'État important près du shogun, n'a jamais eu la carrure d'un combattant. Pourtant, pour l'honneur de sa famille, il doit se joindre aux troupes japonaises qui tentent d'envahir la Corée sous domination chinoise. Bataille perd...