Chapitre 37.
Après cette nuit-là, le comportement de Xiong Li changea. Il devint plus distant et froid. Il n'appela plus Haru à sa couche du tout. Le Japonais en souffrait beaucoup. La coupure avait été si nette. Il n'y était pas prêt. Il se sentait trahi par l'Empereur... pourquoi l'ignorait-il après s'être confié à lui à propos de Sue Liu et lui avoir présenté ses fils ? Haru croyait que cela les avait rapprochés... Il ne parvenait pas à comprendre la raison pour laquelle, du jour au lendemain, l'Empereur ne lui portait plus aucune attention. Il était comme un vieux chiffon qu'on jetait après l'utilisation.
Les premiers jours furent les plus difficiles, car il n'arrivait pas à admettre que Xiong Li soit réellement en train de l'ignorer. Il avait gardé un soupçon d'espoir... et si quelque chose s'était passé ? Mais petit à petit... ses espérances furent réduites à néant. Il fut forcé de réaliser que l'Empereur était en pleine forme et que rien ne l'empêchait de donner des jetons à d'autres concubines. Haru avait beaucoup de mal à comprendre...
Couché sur son lit, il broyait du noir. Il n'avait même pas eu l'occasion de dire à Xiong Li à quel point ses mensonges l'avaient mis en colère ! C'était peut-être son plus grand regret. Lui qui était le favori de l'Empereur en était à présent réduit à se tordre le cou pour l'apercevoir au loin sur un char lors des processions religieuses dans la Cité, son cœur se serrant à sa vision. Bien sûr, Ming Han n'avait pas manqué de lui faire remarquer :
— Il semblerait que tu aies perdu les faveurs de notre Empereur... j'avais bien dit que ça ne durerait pas ! Ce n'était que l'effet de la nouveauté...
Les paroles de la femme le heurtèrent plus qu'il ne voulut l'admettre. Et si elle disait vrai ? Xiong Li s'était bien amusé avec son corps masculin... et maintenant que l'attrait de la nouveauté était dépassé, il s'était lassé.
— Vous devez vous ressaisir, Haru, le somma Fu-Hsi en le forçant à sortir du lit.
— Pourquoi ne m'envoie-t-il plus de jeton ?
— Ce sont des choses qui arrivent parfois... je croyais que vous n'aimiez pas recevoir ces jetons.
Le Japonais baissa la tête en sentant ses joues brûler.
— Je n'aimais pas cela... mais il me restait beaucoup de choses à dire à Xiong Li.
— Vous êtes amorphe depuis bientôt une semaine. Il faut que vous mordiez à nouveau dans la vie. Ne laissez pas les autres voir vos faiblesses. Êtes-vous en train d'oublier les entraînements du guérisseur ?
Haru secoua la tête. Non, il n'oubliait pas. La perspective de pouvoir remarcher un jour était la seule chose qui le maintenant à présent encore en vie. À quoi d'autre pouvait-il bien se raccrocher maintenant que Xiong Li l'avait jeté ? Parce qu'il ne lui restait plus rien, il se défonçait lors des entraînements, enchaînant sans se reposer les redressements assis, puis demandant à Fu-Hsi de l'aider à faire des mouvements avec ses jambes. Pour autant, il passait le plus clair de son temps à l'intérieur. Il ne sortait plus que pour voir ledit guérisseur... Il ne voyait plus aucun intérêt à se mêler à la vie politique du harem et passait de longues journées allongé sur son lit.
Secoué par son eunuque qui le poussait à l'action, Haru s'habilla et consentit à se rendre à une cérémonie du thé chez Sue Liu. Fu-Hsi avait raison : rester terré dans son pavillon ne lui rapporterait rien du tout. Il ne devait pas laisser voir aux autres à quel point l'abandon de Xiong Li l'avait affecté. À vrai dire, il avait lui-même de la difficulté à comprendre pourquoi il se sentait aussi... délaissé. Pour lui, se rapprocher de l'Empereur avait été un moyen d'assurer sa survie tout en goûtant pour la première fois aux plaisirs charnels. Il ne pouvait nier le plaisir qu'il avait pris dans les bras de l'homme.
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Fleur d'Orient
Historical FictionHaru, fils d'un homme d'État important près du shogun, n'a jamais eu la carrure d'un combattant. Pourtant, pour l'honneur de sa famille, il doit se joindre aux troupes japonaises qui tentent d'envahir la Corée sous domination chinoise. Bataille perd...