Chapitre 11

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Chapitre 11.

Haru eut une bien mauvaise surprise lorsqu'il fut reconduit à ses appartements et qu'il chercha de quoi se couvrir, n'ayant rien de plus que la couverture rouge que lui avait jeté Xiong Li avant qu'il ne soit amené en-dehors de sa chambre.

— Où sont passés mes hanfus ? demanda-t-il en jetant un regard accusateur à Fu-Hsi qui leva les mains pour prouver son innocence.

— Il y a eu un ordre de l'Empereur... de les retirer. Je pense qu'il croit que le port du hanfu masculin attire trop l'attention sur vous, Maître.

Le Japonais serra les poings. Comment Xiong Li avait-il pu oser lui faire une telle chose ?! Espérait-il vraiment qu'il... qu'il mettre une de ces robes portées par les autres femmes du harem ?

— Je... je ne mettrai pas de robes.

— Que porterez-vous alors ?

Haru leva fièrement le menton.

— Je me draperai dans cette couverture jusqu'à ce que l'on daigne m'apporter des tenues d'homme.

Fu-Hsi rougit un peu.

— Ce ne serait pas très seyant...

— Cela ne me regarde pas. Si cela déplait à quelqu'un, il n'aura qu'à se plaindre auprès de l'Empereur.

Haru était énervé pour toutes sortes de raisons. Après la nuit qu'ils avaient passé ensemble, Xiong Li le rejetait comme si rien n'était jamais arrivé entre eux et voilà qu'il lui confisquait ses vêtements. Quelle sorte de punition est-ce que c'était ?

— Je... très bien... je ferai porter le message... mais je suis certain que l'Empereur a des choses plus importantes à régler.

Le Japonais grimaça.

— Hier ce n'était pas le cas du moins...

Il laissa sa phrase en suspens. La veille, Xiong Li lui avait bien fait entendre qu'il avait occupé une bonne partie de ses pensées depuis déjà plusieurs jours, atteignant presque l'obsession.

Du moins, ses paroles parurent ramener l'eunuque à son intérêt principal.

— C'est vrai ! J'oubliais de vous demander comment s'est passé votre nuit. L'Empereur a-t-il été doux ?

La bouche d'Haru s'assécha. Que pouvait-il bien répondre à cela ? Il n'avait aucune envie de parler des détails de sa nuit. Même lui ne savait pas quoi en penser. Xiong Li s'était d'abord montré brusque et méchant, mais il avait ensuite fait preuve d'une certaine délicatesse. Enfin, ça n'avait pas empêché le jeune homme d'avoir mal... mais cela aurait sans doute été pire si l'Empereur avait pris moins de précautions.

Haru n'avait jamais fait l'amour avant cette nuit dernière. Les femmes ne s'intéressaient pas à lui d'ordinaire. Elles préféraient les hommes – les guerriers – plus virils. Il paraissait tout simplement trop fragile pour être considéré comme un bon parti. Alors... d'être la source d'une telle obsession chez Xiong Li était – quelque part – assez... grisant. Jamais n'avait-il cru pouvoir provoquer de tels sentiments chez qui que ce soit. C'était impensable... et avec un Empereur ?

Entre les mains de Xiong Li, il ne s'était pas senti fragiles, mais désiré.

Peut-être était-ce pour cette raison que les femmes l'aimaient autant ? Il n'en avait aucune idée, mais pour l'instant... même si la nuit avait été plaisante sous certains aspects, il ne pouvait pas dire qu'il aimait Xiong Li. L'Empereur était trop désagréable, impoli et grossier pour qu'il lui témoigne la moindre sympathie.

— Cela s'est passé... comme ce devait se dérouler. Maintenant que l'Empereur a fait son devoir, je suppose qu'il me laissera tranquille dorénavant.

Xiong Li l'avait déviergé comme le voulait la coutume. Il avait eu ce qu'il voulait et exaucé cette fantaisie qu'il avait de coucher avec un homme. Haru ne pouvait plus qu'espérer qu'il se soit lassé.

Ou était-ce qu'il voulait vraiment ?

— J'en suis heureux pour vous, répondit Fu-Hsi avec calme. Les autres femmes vous poseront sans doute des questions bien plus intimes que les miennes cependant et vous ne pourrez rien leur cacher. Elles connaissent les nuits dans les bras de l'Empereur mieux que n'importe qui. Je tiens à vous y préparer.

Haru frissonna. Que pourrait-il raconter à Sue, à Ming et même à Bao ? Même si elles étaient toutes déjà passées par là avant lui... il avait l'impression que les détails de sa nuit étaient privés. Il ne pouvait décidément pas leur avouer qu'il était un homme ni les véritables raisons qui poussaient l'Empereur à s'alcooliser durant les derniers jours.

— C'est gentil, merci, Fu-Hsi. Je me tiendrai prêt.

Au même moment, un second eunuque vint cogner à sa porte pour l'informer que Sue souhaitait l'inviter à prendre le thé dans sa demeure. C'était une tradition lorsqu'une femme du harem revenait de sa première nuit avec l'Empereur. Les femmes de réunissaient pour échanger autour de cette rencontre.

Fu-Hsi le regarda de bas en haut en grimaçant.

— Vous ne pouvez pas vous y rendre dans cet accoutrement, insista-t-il.

Mais Haru resta intraitable.

— Soit j'irai affublé ainsi, soit je n'irai pas du tout.

L'eunuque le gronda.

— Il serait terriblement impoli de refuser une invitation de la première épouse.

— Les autres femmes ne m'aiment déjà pas.

Personne n'aimait les nouvelles arrivantes par ici, encore moins lorsqu'elles étaient jolies. Chaque nouvelle femme était une menace supplémentaire pour les autres.

— Raison de plus pour ne pas aggraver votre cas, Maître, soyez raisonnable !

Cela tuait Haru que d'admettre que Fu-Hsi avait raison. Il ne pouvait pas se permettre de se mettre Sue à dos. La jeune femme avait été une des seules à se montrer gentille avec lui dès les premiers jours de son arrivée. Et ce n'était pas comme s'il avait mieux à faire que d'aller prendre le thé avec elle, coincé ici dans cette Cité.

Mais il ne voulait pas non plus plier et enfiler une de ces robes. Cela serait bien trop humiliant. Peut-être avait-il un visage féminin et des traits fins, mais il n'en demeurait pas moins un homme. Il n'acceptait pas non plus de donner cette victoire à l'Empereur.

— Je veux voir Xiong Li, finit-il par dire après un silence.

L'eunuque manqua de s'étouffer.

— Xi... Xiong Li ?! répéta-t-il. L'Empereur ? Tu es devenu fou ma parole ! On ne demande pas à voir l'Empereur comme ça ! Et encore si c'était Sue, peut-être qu'il... mais tu n'es qu'une concubine de dernier rang, Haru ! Jamais l'Empereur ne se déplacera pour...

Le Japonais secoua la tête. Il lui sembla qu'après la nuit qu'ils avaient passé, Xiong Li lui devait bien cela.

— Fais-lui tout de même parvenir ma demande, exigea-t-il une nouvelle fois. Il viendra... ou alors toute la Cité connaîtra son penchant pour la gente masculine.  

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