Chapitre 40

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Chapitre 40.

Dix ans plus tôt...

La Cité avait été grandement ébranlée dans les derniers jours. Xiong Li, maintenant âgé d'à peine dix-sept ans, venait de reprendre le trône qui lui revenait de droit et de condamner son oncle à l'exil. La cérémonie de sélection des femmes du harem avait lieu dans un des pavillons luxueux des quartiers impériaux.

Ming Han avait attendu ce jour toute sa vie. On l'avait élevée dans ce seul but, destinée à devenir la femme du futur Empereur.

— Ming Han.

— Oui, mère ?

— Ne me déçoit pas, d'accord. Tu vivras aux bras de l'Empereur ou tu ne vivras pas, alors je ne veux plus jamais te revoir ici. Ne gâche pas tous les efforts que j'ai mis dans ton éducation. Et ne me fait pas déshonneur.

Ming hocha lentement la tête. Elle avait pris un bain chaud, puis s'était maquillée et coiffée. Elle portait sa plus jolie robe. Elle avait appris la calligraphie, elle parlait plusieurs langues... toute sa vie reposait sur ce jour où l'Empereur aurait le pouvoir de décider de ce qu'elle deviendrait.

Sue Liu l'attendait déjà pour se rendre à la cérémonie. En la voyant dans sa robe, Ming Han eut le souffle coupé. En grandissant, Sue n'avait cessé de s'embellir.

— Tu es très jolie..., soupira-t-elle en songeant que si son amie se présentait ainsi, elle n'avait aucune chance.

— Merci, toi aussi, Ming.

La jeune fille détourna les yeux en fronçant les sourcils.

— Pourquoi as-tu mis cette robe ?

Sue parut confuse par la question qui sortait de nulle part.

— Quoi ?

— C'est la plus belle que tu possèdes.

— C'est un jour important.

Ce n'était pas toutes les semaines qu'on allait à la rencontre de l'Empereur et encore moins qu'on pouvait être concurrente à la cérémonie de sélection des femmes qui composeraient le harem impérial.

— Je croyais que tu n'étais pas intéressée à rejoindre le harem et que tu n'allais à cette cérémonie que pour faire acte de présence. Si tu es sélectionnée, tu ne sortiras plus jamais de la Cité. Tu ne verras jamais ce qu'il y a de l'autre côté des montagnes. Tu en es consciente au moins ?

Sue Liu n'avait jamais osé avouer à Ming Han qu'elle avait eu un coup de foudre la toute première fois qu'elle avait aperçu l'Empereur de nombreuses années auparavant. C'était peut-être ridicule... après tout, cela faisait sept ans de cela, mais à l'époque, il lui était apparu comme un enfant si triste qu'elle s'était faite la promesse de le soutenir quand elle en aurait l'occasion.

— Oui, je sais...

— Alors pourquoi fais-tu cela ?

— J'ai vieillie depuis que je rêvais encore d'explorer les montagnes. Une place au sein du harem m'assurerait une bonne sécurité financière pour le restant de mes jours. Le mariage est une opération monétaire, rien de plus. Je me contenterais volontiers d'une place de concubine de dernier rang, mais toi, tu seras Impératrice, non ?

Sue n'avait que faire de la hiérarchie. Ming lui retourna un sourire un peu forcé.

— J'y ai consacré les seize dernières années de ma vie... Je ne suis bonne à rien d'autre.

Cela représentait tellement pour elle. Plus que tout, elle espérait ne pas décevoir sa mère qui avait tout donné pour lui donner l'opportunité qu'elle avait aujourd'hui.

— Ne t'inquiète pas, tu seras parfaite dans ce rôle. Je sais que tu as beaucoup travaillé pour y arriver. L'Empereur sera impressionné quand il te verra. J'espère vraiment que l'on sera prise toutes les deux ! Imagine comme ce sera plaisant !

Ming secoua la tête.

— Et s'il te choisit la première ? Et si c'est toi qu'il veut comme Impératrice ?

Sue sourit.

— Ça n'arrivera pas ! Je refuserai si ça arrivait.

Elle était persuadée que c'était un scénario impossible. Elle le disait avec tellement de légèreté. Sue Liu avait eu une éducation somme tout assez stricte, mais il ne lui semblait pas avoir fourni le quart des efforts de son amie.

Ming n'était pas convaincue par les paroles de Sue Liu, mais malgré tout, elle choisit de lui faire confiance et les deux plus jolies filles du pays se rendirent, main dans la main, à la cérémonie de sélection.

En temps normal, c'était l'Impératrice douairière, la mère de l'Empereur et aussi la femme la plus âgée de la cours, qui choisissait les épouses qui entreraient dans le harem, mais la mère de Xiong Li était morte depuis longtemps. En ces conditions, le choix revenait entièrement à l'Empereur de faire son choix.

Les femmes se tenaient postées en ligne devant le trône, puis tour à tour, elles étaient appelées. Alors, des servantes impériales les déshabillait derrière un paravent pour les scruter dans les moindres détails. Elles devaient être parfaites, ne pas avoir de malformation ou de défaut. Une fois l'observation complétée, elle retournait se mettre à genoux avec les autres sans que l'Empereur ne les lâche du regard.

Ming Han n'avait jamais senti son cœur battre aussi fort de toute sa vie. Elle s'était observée dans la glace des milliers de fois, elle avait tâter son corps, guettant la moindre imperfection tout autant de fois sans rien trouver et, pourtant, au moins de se dévêtir, elle avait toujours peur que l'on trouve quelque chose « qui cloche » à propos d'elle.

Lorsque toutes les candidates avaient été inspectées, l'Empereur procédait à faire ses choix. Les femmes retenues recevaient alors un cadeau d'engagement sous la forme d'un grand jeton de tissu coloré posé dans le creux d'une boîte en bois. La taille et la couleur du jeton changeait selon la position hiérarchique qui était proposé à la concubine.

Ming Han poussa un soupir de soulagement lorsqu'une boîte fut déposée sur ses bras. Elle avait été choisie. Elle baissa les yeux et elle se figea en remarquant son jeton. Aussitôt, elle compris qu'on ne l'avait sélectionnée que comme noble épouse. Cela demeurait un grand honneur, mais elle avait travaillé si fort pour atteindre son objectif et faire la fierté de sa mère...

Quand elle tourna la tête pour voir qui avait reçu le plus gros cadeau d'engagement, elle vit Sue Liu avec le jeton de l'Impératrice. Son amie évitait son regard. En une seule seconde, Ming Han sentit son monde s'effondrer et plus de dix ans d'amitié voler en éclat. Comment Sue avait-elle pu la poignarder dans le dos de cette façon en sachant combien c'était important pour elle ? Comment pouvait-elle prétendre être encore sa meilleure amie après avoir fait une telle chose ? Le sentiment d'avoir été trahie l'envahie tout entière.

Elle essaya de garder un visage neutre en suivant, dans une procession serrée, les autres femmes qui avaient été choisies, mais au fond d'elle, elle bouillonnait de colère.

Un jour, elle récupérerait la place qui était la sienne.  

Fleur d'OrientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant