Chapitre 5

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Chapitre 5.

Prisonnier de la Cité interdite et du quartier des concubines, Haru fut entraîné dans une série de cours et de leçons durant les trois jours qui suivirent. Il n'eut pas son mot à dire. Les professeurs étaient sévères et ne laissaient guère place à l'erreur. On lui enseigna l'art des coutumes et des valeurs chinoises, la hiérarchie du harem, le fonctionnement de la Cité interdite et quelques mots de mandarin supplémentaires. Ces leçons furent épuisantes, mais on ne lui laissa pas l'occasion de s'y soustraire.

À l'aube du quatrième jour, Fu-Hsi vint le chercher et lui annonça qu'il était fin prêt et que le temps était venu de rencontrer l'épouse impériale. L'eunuque poussa sa chaise roulante jusque sur le côté ouest des habitations du harem. Haru serrait les accoudoirs de son fauteuil de toutes ses forces. Il était nerveux à l'idée de rencontrer cette femme.

Fu-Hsi l'amena à l'intérieur de la plus grosse demeure de tout le harem à l'intérieur du Palais de la Jeune Nuit, puis le laissa seul dans une pièce où une femme leur faisait dos, en train de prier silencieusement devant un autel. Elle finit par se retourner et Fu-Hsi s'inclina.

— Madame, j'ai conduit Haru ici comme à votre demande.

— Merci beaucoup, tu peux disposer.

L'eunuque tourna les talons, les laissant seuls.

— Alors, tu es Haru ? C'est bien ça ?

Elle parlait bien japonais. La jeune femme était très jolie. Ses lèvres étaient petites et bien dessinées, sa peau blanche, ses cils épais et ses cheveux d'un noir de jais.

Haru hocha la tête.

— Je suis Sue Liu, la première épouse impériale.

— Enchanté, dit-il.

— Comment se sont déroulé tes premiers jours au sein du harem ? Je me souviens encore comment j'étais nerveuse à mon arrivée. Je tremblais comme une feuille !

Haru sourit. La bonne humeur de Sue semblait être contagieuse.

— Pas trop mal, répondit-il du bout des lèvres, mais les leçons n'étaient pas faciles.

— C'est beaucoup d'informations d'un seul coup pour un étranger. Ne t'en fais pas avec ça. Nous sommes toutes passées par là. Tu apprendras avec le temps. As-tu des questions pour moi, quelles qu'elles soient ?

— Y a-t-il moyen de sortir d'ici ?

— On ne sort pas de la Cité interdite. Je sais que les premières semaines peuvent être difficiles, mais tu finiras par t'y faire. La vie n'est pas si terrible par ici.

Haru peinait à le croire...

— Viens, je vais te présenter quelques-unes des autres concubines. Tu n'as sans doute pas eu la chance de rencontrer beaucoup de monde depuis que tu es là avec toutes ces leçons !

Sue se plaça derrière lui et poussa son fauteuil jusque dans un salon ou plusieurs femmes étaient réunies.

— Voici Ming Han, la noble épouse impériale, annonça-t-elle.

Une femme d'une grande beauté, mais à l'allure hautaine leva les yeux sur lui sans lui adresser la parole.

— Et Bao, une des nobles épouses, je pense que tu t'entendras bien avec elle. Elle est aussi en exile loin de chez-elle. Son père est un dignitaire coréen.

Bao le salua d'un grand sourire.

— Enchantée, dit-elle dans un japonais cassé.

Haru lui retourna son sourire.

— Tu veux te joindre à nous ? demanda finalement Sue. Nous prenons le thé.

N'ayant rien de mieux à faire, Haru accepta. Il ne parlait pas encore très bien mandarin, mais il comprenait déjà un peu plus qu'à son arrivé. Il tenta de suivre les conversations aussi bien que possible. Les discussions tournaient autour des robes, des bijoux, des rumeurs entourant les femmes du harem et de la fameuse cérémonie des jetons.

— On m'a expliqué... mais je n'ai pas bien compris cette histoire de jeton, finit par dire Haru, perplexe.

— C'est simple, lui sourit Sue, tandis que Ming avait l'air de le trouver idiot, à chaque soir, une des femmes du harem reçoit un jeton. Cela lui annonce que l'Empereur veut la recevoir. Elle peut alors se préparer, puis elle est amenée dans la chambre impériale pour y passer la nuit.

— Ne t'inquiète pas, voulut le rassurer Bao, l'Empereur est un homme qui n'est pas trop violent. Il peut être froid et frigide, mais au lit, il se contente de faire ce qu'il a à faire et après tu es tranquille.

— Xiong Li n'est pas méchant, rajouta Sue avec un regard tendre, il suffit d'apprendre à le connaître.

Elle avait porté ses deux enfants.

— Je vous crois..., murmura Haru, peu convaincu.

Il se souvenait la façon dont Xiong Li avait été brutal avec lui lors du premier jour, dévoilant son intimité sans la moindre gêne ni délicatesse.

— Il peut s'écouler longtemps avant que tu ne sois choisie de toute façon, mentionna Ming en haussant les épaules. Xiong Li a ses préférences même s'il dévierge toujours les pucelles.

— Avec son visage, Haru sera rapidement choisie, la contredit Sue. Je connais les goûts de Xiong Li comme je connais les miens.

Ils poursuivirent leurs discussions autour des tasses de camellia sinensis. Au bout d'un moment, le visage de Ming se déconfit et elle se mit à regarder partout autour d'elle tout en soulevant tous les oreillers du sofa.

— Qu'y a-t-il ? lui demanda l'épouse impériale.

— Ma barrette ! s'exclama Ming. Elle a disparue ! Je suis sûre que c'est elle qui me l'a volée !

La noble épouse désigna Haru du doigt qui se figea.

— Quoi ? Ce n'est pas moi, je n'ai pas bougé !

Comment aurait-il pu lui dérober quoique ce soit alors qu'il était cloué dans ce fauteuil ?

— Voyons, Ming, as-tu des preuves de ce que tu amènes ?

Elle secoua la tête.

— Je ne fais pas confiance aux nouvelles.

Bao se pencha et remarqua quelque chose de brillant sous le sofa. Elle se pencha et ramassa ce qui avait tout l'air d'être la barrette perdue.

— Est-ce cela que tu cherches ? Il faut te calmer, Ming, ce n'est pas la peine de s'énerver comme cela sans preuve. Ta barrette était seulement tombée au sol.

La noble épouse récupéra le bijou d'un geste vif, puis fonça les sourcils tout en remettant la barrette dans ses cheveux noirs.

— Puisque ce n'était rien, nous pouvons reprendre les discussions, annonça doucement Sue. Qui veut reprendre du thé ?


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