Chapitre 44

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Chapitre 44.

Pourquoi Xiong Li voulait-il le voir maintenant après l'avoir ignoré pendant plusieurs jours ? Haru avait accumulé tant de rage qu'il ne retiendrait pas ses mots ce soir. Fu-Hsi le prépara en vitesse, puis il rejoignit l'Empereur dans ses appartements. Il découvrit que l'homme avait les mêmes interrogations que Sue Liu.

— Pourquoi as-tu réagi de cette façon tout à l'heure ?

— Et pourquoi n'avez-vous rien fait ?

— Ming Han est une traîtresse. Elle a empoisonnée l'Impératrice. Son sort était mérité. Tu n'avais pas à t'interposer.

Haru n'en pouvait plus de se retenir. Il bouillonnait de l'intérieur. Il tremblait de tout son corps à présent. Il s'était retenu pendant trop longtemps.

— Vous êtes un monstre.

Xiong Li fronça les sourcils.

— Un monstre pour avoir voulu punir la femme qui tuait la mère de mes enfants ?

Haru serra les poings.

— Je suis allée chez Sue Liu juste avant de venir ici : c'est elle-même qui a versé l'arsenic dans le thé que Ming Han lui a offert ! s'exclama-t-il avec violence.

Tant pis si Xiong Li ne le croyait pas. Il avait juste besoin de vider son sac, de le dire à quelqu'un. Et si on le tuait pour ça, il n'en avait rien à faire. Il nageait en plein mensonges et il n'en pouvait plus.

— Comment oses-tu... ?

La mâchoire de Xiong Li s'était crispée. Le Japonais était au bord de l'implosion, alors il vida son sac d'un seul coup, la respiration hachée par la colère :

— C'est elle qui me l'a dit ! le coupa Haru avec véhémence. Elle voulait faire accuser Ming Han parce qu'elle troublait l'équilibre du harem. Ming Han est morte pour rien et vous y avez contribué. Elle était innocente ! Et nous avons les mains tachées de son sang. Je m'en fiche si vous ne me croyez pas, c'est la vérité ! Et là n'est pas votre seul tort... comment osez-vous me faire venir ici ce soir après m'avoir ignoré des jours durant ? Je vous ai réconforté... j'ai rencontré vos fils... et vous avez fait comme si je n'existais pas !

» Vous n'êtes qu'un hypocrite et un menteur ! Vous m'avez aussi dit que je ne remarcherai plus jamais lorsque nous nous sommes rencontrés, mais ce n'était que des mensonges destinés à me garder captif. J'ai rencontré le guérisseur et il m'a dit qu'avec de la rééducation et beaucoup de patience, il y avait une chance pour que je remarche. Pourquoi ne m'en avoir rien dit ? Pour vous, je ne suis qu'un jouet. Vous me faites porter ces robes dont je ne veux pas comme si j'étais une poupée. Vous seriez-vous lassé de votre nouveau jeu ? Je n'ai rien demandé pour être ici ! Je suis un homme... vous m'avez fait prisonnier, amené ici et forcé à rejoindre votre harem et à me comporter comme l'une de vos concubines... vous m'avez humilié et, à présent, vous me jetez ! Alors, je me répète, mais comment osez-vous me faire venir ici ce soir pour me faire la moral ?

Quand il eut terminé sa tirage, Haru se mit à respirer rapidement, essoufflé. Il avait tant parlé. Il sentait un sentiment de libération l'envahir tout entier. En relevant la tête pour voir le visage de Xiong Li, il distingua une claire expression de surprise sur son visage. Peut-être que personne ne s'était jamais risqué à lui parler de cette façon.

L'homme soupira longuement.

— Haru... je savais que ce moment finirait par arriver... si je n'ai rien dit pour tes jambes la première fois que nous nous sommes rencontrés, c'est que je ne te connaissais pas encore. Ensuite, j'ai maintenu mon silence, car j'ai craint que si tu pouvais remarcher, tu en profites pour t'enfuir. Je voulais te garder auprès de moi... C'est stupidement égoïste.

Le Japonais n'était pas prêt à pardonner. Il siffla entre ses lèvres.

— Vous me gardez comme un animal en cage...

— Je suis désolée de t'avoir ignoré dans les derniers jours. J'ai ressenti des choses que je n'avais pas ressenti depuis longtemps... et j'ai eu peur. Tu comprends ? J'ai passé tellement de temps à bâtir ce harem, à m'entourer des plus belles femmes des pays pour m'empêcher de... J'ai cru que si je me détachais, si je ne te voyais plus, ces sentiments s'amenuiseraient, mais ils n'ont fait que grandir. Et quand j'ai appris que tu étais malade... j'ai paniqué. J'ai pensé que j'allais te perdre. Je pense être tombé amoureux de toi, Haru, alors que tu es un homme... et que j'en suis un.

Le Japonais releva la tête de surprise. Il plongea ses yeux dans les prunelles de Xiong Li et y trouva une sincérité qui le prit au dépourvu. Tout se mélangeait dans son esprit. Déconcerté, il ne dit rien, tandis que l'Empereur reprenait son souffle.

— Je le remarque, tu sais... tu es comme une fleur, Haru, et tu dépéris comme dépérissent les sakuras à l'approche des temps froids... Tu n'es pas heureux ici... Je craignais de te perdre, mais j'ai compris que c'est en te retenant au sein du harem que je courais à ta perte, mais je ne voulais pas l'admettre. Alors, je ne te le demanderais qu'une fois même si je redoute la réponse, Haru : as-tu envie de partir ?

Le Japonais resta silencieux pendant plusieurs secondes. Les paroles de Xiong Li le touchaient plus qu'il ne l'aurait voulu. Il crut qu'il allait se mettre à pleurer, mais il retint ses larmes. Il repensa aux montagnes de son pays natal.

La réponse ne fut qu'un murmure venu du bout des lèvres :

— Oui...

Xiong Li baissa les yeux et hocha la tête.

— Alors, tu es libre, Haru.

« Libre ». Il avait tant désiré entendre ces mots durant des semaines, alors pourquoi étaient-ils aussi douloureux maintenant ?

— Met des vêtements d'homme et cache ton visage. Personne ne te reconnaîtra. Je te donnerai une charrette dans laquelle t'asseoir et une permission de sortie ornée de mon sceau. Retourne dans ton pays et amène Fu-Hsi avec toi.

Le plan se mettait en place. Haru était victime d'une myriade d'émotions différentes : l'excitation, la joie et la tristesse. Il n'aurait même pas l'occasion de dire aurevoir à Bao. C'était encore la nuit lorsqu'ils franchirent les grandes portes de la Cité interdite en brandissant la permission de sortie aux gardes qui en protégeaient l'entrée. Il était fascinant de voir ces portes immenses s'ouvrir pour eux.

— Soyez prudents. Les montagnes peuvent être dangereuses, les avait conseillé l'Empereur pendant qu'ils se préparaient et rassemblaient les vivres dont ils auraient besoin pour le voyage.

L'excitation de Fu-Hsi redonnait un peu le sourire à Haru. L'eunuque ne parvenait toujours pas à croire qu'il allait quitter la Cité pour la première fois de sa vie. Sa joie était palpable. Le Japonais essayait de la partager, mais il n'y parvenait pas complètement.

Il ressassait encore et encore les dernières paroles de Xiong Li avant son départ :

— Je t'aime, Haru, c'est pour cette raison que je te laisse partir si c'est ce que tu souhaites. Va aussi loin que tu le pourras, je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra.

Je t'aime... 

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