Sept

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Assise dans le canapé de la bibliothèque, je fais semblant de travailler depuis presque une heure. J'ai pris quelques livres au hasard et je fais semblant de m'y intéresser alors qu'en réalité, je réfléchis à une façon discrète d'obtenir les renseignements que je cherche.

Après l'irruption de Roman à la maison d'ami, je me suis rapidement habillée et je l'ai suivi jusqu'au manoir mais à ma grande surprise, il m'a juste escorté à la bibliothèque, me laissant devant la porte, avant de me promettre que tant que j'y serai, il ne m'importunerait pas. Je ne l'ai pas crut tout de suite, mais forcer de constater qu'il a tenu parole.

Rassurée sur le fait que je ne serai pas dérangée, je me lève de mon siège et pars vers le mur de la bibliothèque qui m'intrigue depuis le début. Celui où se trouve tous les ouvrages de ma maison d'édition. Je me mets à les prendre un par un car en réalité, je me rends compte que j'en ai lu très peu. J'ai été si prise par l'écriture de mon propre travail, que je ne me suis pas intéressée à celui de mes consoeurs.

Le premier livre que je vois à pour titre : Chemin venant. L'auteur est un certain Ian Conroy. En lisant la quatrième de couverture, j'apprends que c'est une histoire romanesque qui se passe au 19ème siècle en pleine révolution industrielle dans l'empire britannique. Cela me semble pas trop mal ! Je me mets en tête de le feuilleter, mais je reste bloquée à la seconde page lorsque je vois barré au stylo noir le nom de Ian Conroy et à la place est inscrit au stylo noir celui d'une femme : Sandrine Berton. Je laisse glisser le livre entre mes mains lorsque je commence à comprendre. Non, ce n'est pas possible ? Je prends un autre livre pour en être sûr, je refuse de croire à ce qui est en train de se passer. Le second livre à pour titre : L'hiver en enfer, le nom qui y est inscrit est celui d'Harry Douglas. Je me précipite sur la page intérieur pour être sûr que cette fois-ci il n'y aura pas de rayure au stylo noir, mais je déchante rapidement en y voyant la même façon de procédé que sur le livre précédent. C'est une autre femme qui est en réalité l'auteure : Anne Salers. J'ouvre tous les livres de façon frénétique et y trouve la même mise en scène. Il y a bien une vingtaine d'ouvrages à mes pieds lorsque j'arrête, après y avoir vu un litanie de nom barrer et rajouter au stylo noir.

Un cheminement est en train de se former dans mon cerveau et les constations qui en découlent me donne la nausée. Je ne comprends pas ce qui se passe ou du moins, je ne veux pas le comprendre. Les Éditions Cassandre sont donc habitués à donner à des écrivains le travail d'autre ! Je remarque surtout que ce sont souvent des femmes qui doivent s'effacer pour la gloire d'hommes qui ne sont que des prêtes-noms ! Léonard me ment depuis tout ce temps ?

Je suis en colère mais aussi dans l'incompréhension. Comment Roman peut-il le savoir ? Et surtout, a-t-il rencontré ces femmes, pour pouvoir barrer les noms et mettre les auteurs originels ? A-t-il fait comme avec moi ? Fait-il chanter Léonard ?

Des centaines, non ! Des milliers de questions jonchent mon esprit, mais ce dont je suis sûr, c'est que depuis le début je suis manipulée non par un, mais deux hommes ! Léonard tout d'abord, cette personne à qui je faisais entièrement confiance et pour qui j'avais une profonde amitié, est en réalité un véritable escroc ! Quand à Roman, il est soit complice ou profiteur de cette situation.

Je ramasse un livre au hasard, le prend avec moi et quitte la bibliothèque, avant de descendre quatre à quatre les marches de l'escaliers pour me rendre dans la cuisine ou se trouve Roman. Il est en tenue de sport. Il vient de finir son entraînement car il est en nage. Alors qu'il est en train de boire une bouteille d'eau, je jette le bouquin sur la table.

— Est-ce-que tu peux m'expliquer ça ! Dis-je avec virulence.

Il est surpris par ma violence et fronce les sourcils en constatant ma colère.

— Qu'est-ce-qu'il y a ?

— Pourquoi ta bibliothèque foisonne des livres de mon éditeur ? Et surtout comment as-tu su pour la véritable identité de ces auteures ?

Il continue de boire, sans véritablement prêter attention au livre que je viens de lui balancer. Il m'observe calmement avant d'enfin consentir à me répondre.

— Tu voulais travailler dans la bibliothèque pour finir ce que tu avais commencer hier ? Tu as bien fouiller ? Dit-il comme-ci il n'avait pas entendu toutes mes interrogations.

— Ne change pas de sujet de conversation ! J'ai remarqué que tu avais toute la bibliographie des Éditions Cassandre alors j'ai voulu en lire quelque uns et oui, lorsque je suis venu hier, je suis tombé sur mon livre et j'y ai vu mon nom alors que personne ne sait que c'est moi qui ai écrit Stone Heart.

— Assieds-Toi. Commande-t-il.

Je reste debout par défis, ne voulant pas obéir à cet homme que me cache tant de chose.

— Assieds-toi s'il te plait, si tu veux que je te réponde, cela risque d'être long. Ajoute-t-il plus prudemment.

Je consens finalement à prendre un siège et à m'asseoir, afin d'entendre ce qu'il a à me dire.

— Tu as raison, je savais qui tu étais avant de te rencontrer. À vrai dire, dès que je reçois un des écrivains de cette maison d'édition, je me renseigne sur qui je vais héberger. Une sorte de déformation professionnelle car le manoir est un endroit historique et c'est surtout un héritage de ma famille, je ne veux pas risquer que quelqu'un de malveillant y pénètre.

— Tu fouilles dans la vie de tes hôtes par peur qu'on te vole ? C'est une plaisanterie ?

— Ce n'est pas pour cela ! Lorsque Les Éditions Cassandre ont commencés à m'envoyer des écrivains en mal d'inspiration, j'ai été intrigué. Je ne connaissais aucun de ces auteurs qui pour la plupart étaient des femmes, alors j'ai fait des recherches et j'ai trouvé.

— Comment ? Normalement ces informations sont confidentielles, ça ne se trouve pas comme ça en un claquement de doigts !

— Dois-je te rappeler que j'ai de l'argent Bianca ? Et qu'avec l'argent et bien... certaines portes que l'on croyait fermées s'ouvrent comme par magie ! Au fur et à mesure que je découvrais l'identité des véritables auteurs de ces livres, je barrais les usurpateurs et ajoutais les vrais noms.

— Tu as couché avec toutes ses femmes ?

— C'est donc ça, alors ? Tu es jalouse. Dit-il avec un petit sourire narquois. Ça me flatte.

— Ne joue pas à ça avec moi Roman. Je veux juste savoir si c'est bien ta façon de procédé. Tu séduit les femmes que la maison d'édition t'envoie et ensuite avec les informations que tu détiens, tu les fait chanter ? C'est certainement pour cela que tu es riche, alors que je ne te vois pas beaucoup travailler ? Tu es un maître

chanteur !

Il ne sourit plus à présent et le visage inquiétant que j'avais croiser hier dans le reflet du miroir réapparait instantanément. Il est en colère, je le vois et je le sens.

— Non, Bianca. Dit-il d'une voix faussement calme. Ce n'est pas ça qui fait de moi un homme riche. Tu as donc une si piètre opinion de moi pour penser que mes revenus proviendrait d'un quelconque chantage ? Ce serait bien trop vulgaire même pour quelqu'un tel que moi.

— Alors qui es-tu ? Qu'est-ce-que tu fais ? Pourquoi as-tu tous ces écrans dans ton bureau ?

Il faut que je creuse un peu plus, avant de lui dire ma façon de penser. Je ne peux pas lui sauter à la gorge comme ça, ce serait contre productif. Surtout que l'attaque en ce qui le concerne ne semble pas une bonne stratégie. Il va forcément nier et me dire que je n'ai pas bien compris, c'est ainsi que les hommes comme lui agissent lorsqu'ils sont pris sur le fait.

— Tu es entré dans mon bureau ? Demande-t-il la mâchoire serrée.

— Oui. Dis-je sans sourciller.

— Tu sais que je pourrais te faire arrêter pour infraction ?

— Fais-le. Dis-je avec défis.

Il expulse un petit rire avant de faire le tour de la table et de venir à ma hauteur.

— Viens, je vais te montrer ce qu'il y a sur ces écrans.

The Shadow WriterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant