The Shadow Writer

Dix

En marchant vers les bureaux des Éditions Cassandre, une étrange sensation s'empare de moi. Une sorte de nostalgie teinté de déception.

Cet endroit a été ma seconde maison pendant cinq ans et c'est avec amertume que je me remémores la jeune fille pleine d'espoir que j'étais, quand la première fois j'ai pris ce chemin. Avec ce rêve que j'avais d'enfin réaliser mon désir d'écriture, je m'attendais à obtenir la reconnaissance ultime avec un livre qui aurait dû porter mon nom, mais au lieu de cela je n'ai eu que des miettes! Une place à l'ombre et le pire, c'est que je m'en suis contentée! Je me suis même persuadée que cette situation était peut-être bénéfique pour moi. C'est dire le manque de considération que j'avais pour ma personne à cette époque là...

Mais plus aujourd'hui ! Aujourd'hui, je viens réclamer mon dû ! Ce que l'on m'a refusée pendant trop longtemps, je viens le prendre par la force ! Je ne compte plus me laisser avoir par de quelconques négociations. Le succès que j'ai rencontré avec mes histoires, m'ont montré que j'avais eu raison de m'accrocher pendant toutes ces années et que surtout, j'avais du talent. J'en ai pourtant tellement douté! À cause notamment de tous ces rejets que j'avais expérimenté par le passé, mais à présent le doute n'a plus sa place. C'est décidé, si Léonard ne me donne pas ce que je mérite, je quitte les Éditions Cassandre et je chercherai une nouvelle structure qui me donnera une véritable chance. Je ne veux plus de compromis. Je ne l'accepterai plus.

Quand je pénètre dans les locaux, ils sont étrangement vides. Je ne me formalise pas trop, il n'y a rien de vraiment étonnant vu l'heure matinale à laquelle Léonard m'a convoqué. Je me dirige donc vers le bureau de celui qui jusque-là, était comme un mentor, voir un ami. Je pousse sa porte avec mélancolie. Il est déjà là, son siège est tourné vers la fenêtre et la fumée de sa cigarette s'évapore dans les airs.

— Me voici. Dis-je sans préambule. Je t'écoute. J'espère ne pas avoir à regretter cette entrevue et que tu vas enfin me dire la vérité ! Ajoutais-je avec impatience.

Le siège se retourne lentement et je manque un souffle en voyant l'homme assis devant moi : Roman Eden ?!

— Bonjour Bianca. Dit-il d'une voix charmeuse. Tu es toujours aussi ravissante à ce que je vois. Poursuit-il comme-ci nous étions encore sur l'île.

— Qu'est-ce-que tu fais là ?! Où est Léonard ? Demandais-je en colère.

— Il est en Angleterre. Quand j'ai appris qu'il t'avais donné rendez-vous ici, je l'ai envoyé régler une affaire de la plus haute importance de l'autre côté de la Manche. À l'heure où nous nous parlons, il doit être encore dans l'Eurostar.

— Comment ça tu l'a envoyé en Angleterre ? Dis-je dans l'incompréhension.

— Léonard Ponti est mon employé Bianca. Les Éditions Cassandre sont à moi. Répond-t-il sans détour.

J'ai l'impression que le sol est en train de se dérober sous mes pieds, ce n'est pas possible ?! Léonard est à la solde de cet homme ? Il m'a menti pendant toutes ces années ? Alors que je pensais ne plus pouvoir me sentir encore plus trahie que je ne l'avais été, je me rends compte que j'ai franchi un nouveau pallier dans la désillusion. En réalité, Léonard et moi n'avons jamais été amis. Il fait parti de cette manipulation, il en est même un acteur actif !

— Depuis combien de temps ? Demandai-je troublée.

— Depuis toujours. Dit-il implacable. La maison d'édition a été créé par mon père dans les années 80. Malheureusement, elle stagnait et ne rapportait pas autant qu'elle le devait. Au décès de mon père, j'ai repris le flambeau et j'ai complément restructuré l'affaire.

— C'est donc toi qui a mis en place ce système absolument dégueulasse où tu embauches des femmes pour donner leurs écrits à des hommes! Ton père serait tellement fier de toi. Dis-je avec sarcasmes.