Quatorze

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Dans le train qui nous emmène à Londres, je regarde la ville doucement s'étirer, laissant place petit à petit à une horizon pleine de nature. Alex discute avec Ethan son assistant et Danielle son attachée de presse, dont j'ai fait la connaissance sur le quai de la gare il y a peu. J'ai envoyé un message à Léonard pour le prévenir que son subterfuge avait finalement marché. L'entretient ayant porté ses fruits, nous nous sommes donnés rendez-vous dans la capitale anglaise où il se trouve déjà, afin d'avoir la discussion que nous nous sommes promis et dont nous avons besoin.

Pour faire passer le temps, j'ai ouvert mon ordinateur et je l'ai posé devant moi, mais je dois reconnaitre que je n'ai pas écrit qu'une seule ligne. C'est peut-être l'excitation, mais je n'arrête pas de penser au scénario et aux améliorations que je pourrai apporter à cette adaptation cinématographique. Après la publication d'un livre, on a toujours tendance à croire qu'on aurait pu faire mieux avec certains chapitres ou apporter plus de densité à certains personnages... peut-être qu'avec ce projet, j'aurai l'opportunité de rattraper ce que j'ai négligé dans mon livre ?

— De nombreuses idées sont en train de germer dans cette tête, on dirait ? Dit Alex en s'asseyant sur le siège en face de moi.

— Oui... Dis-je gêné d'avoir été surprise dans mes pensées. Je me disais que l'adaptation d'un livre en film devait forcément apporter des éléments supplémentaires pour être vraiment efficace. Enfin... vous aurez le dernier mot de toute façon... Ajoutais-je pour freiner mes ardeurs.

— Je suis d'accord ! Par contre, si on doit travailler ensemble autant commencer par se tutoyer? Ça nous permettra d'être à l'aise pour communiquer nos idées et aussi pour créer une cohésion. Le vouvoiement c'est très français et puis ça me donne l'impression d'être un vieux con. Ajoute-t-il.

— Ce que tu n'es absolument pas bien sûr? Dis-je avec ironie.

— En effet ! Je n'ai rien d'un vieux. Dit-il naturellement.

J'éclate de rire en le voyant si décontracté. Il a énormément de choses à gérer, je l'ai entendu échanger avec son staff mais il le fait avec une relative bonne humeur et un sang-froid à toutes épreuves.

— Est-ce-que je peux te poser une question ? M'hasardais-je.

— Essaie toujours...

— Pourquoi as-tu décider de faire du cinéma ? Demandais-je intrigué.

Il me sourit franchement et je me rends compte que ce seul geste vient d'illuminer tout son être.

— Tu veux une réponse édulcorée ou une réponse honnête ?

— Honnête, si possible. C'est toujours mieux.

— Et bien comme tout le monde, lorsqu'on est passionné par quelque chose, on devient frustré. J'ai toujours aimé le cinéma...

C'est ma grand-mère qui m'a élevée et on regardait souvent des films ensemble. Au début, c'était des dessins animés, des séries télé... et puis en grandissant mon goût s'est affiné, j'aimais bien aller au cinéma tout seul. Je regardais tout ce que je pouvais mais je restais toujours un peu sur ma fin... Soudain, c'est devenu clair, je devais arrêter d'attendre que quelqu'un fasse le film que j'espérais. C'était à moi le faire. Je me suis inscrit dans une école de cinéma, j'ai commencé à faire des courts-métrages, des publicités, des clips... J'ai aussi été assistant-réalisateur et puis un jour, j'ai gagné un prix dans un festival et un producteur a décidé de me donner ma chance. J'ai réalisé Momentum et au lieu de dépenser tout ce que j'ai gagné en voiture hors de prix et en vacances dans es endroits dont je ne sais pas prononcer le nom, j'ai créé ma propre structure afin d'être libre de faire les films que je voulais ! Je viens de me rendre compte que je me suis un peu éloigné de ta question de départ...

The Shadow WriterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant