Trente-cinq

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Neuf mois plus tard...

Dans la chambre d'hôtel du Westin Grand à Berlin, je regarde le panorama illuminé des lumières de la ville. J'essaie de rassembler tout mon courage pour l'évènement de ce soir car si ça ne tenait qu'à moi, je ne m'y serai pas rendu, mais c'était sans compter sur le pouvoir de persuasion d'Alex Halston ! Il a tenu à ce que je sois là pour l'avant-première. J'ai réussi à esquiver la conférence de presse de l'après-midi, mais pour cette avant-première, je n'ai pas pu négocier... ou du moins, je n'en a pas eu envie. Le film a déjà des critiques dithyrambiques et de multiples distributeurs ont déjà posés une option d'achat afin qu'il puisse être vu dans le monde entier. Je n'ai jamais vu Alex aussi épanouie depuis que je le connais. Surtout qu'il maitrise parfaitement les codes de la communication pour arriver à faire naitre l'attente sur ses projets.

Mon dernier livre Incarnations est sorti il y a deux mois et j'ai refusé de m'astreindre le rythme effréné que s'octroyait Anton dans les médias. Je n'ai fait que deux interviews. Une dans la presse écrite et une autre dans un émission littéraire, mais cela à suffit pour que les gens qui avaient aimés Stone Heart décident de s'intéresser à ce nouveau roman. Les ventes ont été plus que satisfaisantes pour les éditions Edda qui jusque là, n'avait obtenu que des succès d'estimes. J'ai même été nommé pour un prix... que je n'ai pas obtenu mais j'ai cependant apprécié l'attention...

J'ai aussi été approché par un studio pour une éventuelle adaptation mais malheureusement j'ai dû refuser catégoriquement. Quelqu'un avait déjà des vues dessus et ce depuis longtemps...

D'ailleurs en parlant de cette personne, il me semble qu'il va être en retard à son propre événement, il n'est toujours pas sortie de la salle de bain! Je pars donc à sa rencontre et quand je le trouve, je le vois face au miroir près de la douche, il est habillé mais il n'a pas encore passé sa veste. Il regarde face de lui avec anxiété. Il est si concentré, qu'il n'entend même pas que je suis là.

— Alex ? Ça va ? Demandais-je inquiète.

Il sursaute et reprend ses esprits. Il range quelques objets devant lui, oubliant au passage que je l'ai surpris dans son égarement.

— Euh... oui, ça va. Dit-il bien trop rapidement.

— Tu sais que tu n'as pas à stresser. La conférence de presse s'est très bien passé et les projections-test ont été encourageantes...

— Ce n'est pas ça. Dit-il en se retournant vers moi. C'est juste que... non, c'est rien. Dit-il s'interrompant brusquement.

— Quoi ? Dis-moi! Je t'écoute.

— Je viens de me rendre compte que pour la première fois de ma vie, j'avais tout.

— Tout ? Répétais-je dubitative.

— Oui. Tout. Et c'est une sensation très déroutante. Je n'y suis pas habitué. J'ai fait le film que je voulais sans que personne ne me dise quoi faire. J'ai été en compétition avec des cinéastes qui m'ont donnés envie de faire ce métier et... tu es là, toi. Je suis pétrifié à l'idée de perdre ce que j'ai mis un temps démesuré à construire.

— Et bien, c'est tout ce que cela t'inspire ? Tu ne profites même pas de ce succès ? Tu préfères te mettre à imaginer le pire. Dis-je en m'approchant de lui pour le toucher. Tu es pire que moi !

— Ce n'est pas drôle.

Je l'embrasse tendrement tout en restant amusée par l'anxiété provoqué par ce trop plein de réussite. En réalité, je le comprends mieux que quiconque. Moi aussi, je me suis fait la même réflexion, sauf que j'ai réussi à le cacher et à ne pas lui révéler, mais il n'y a pas un jour sans que je ne me demande pas comment j'ai fait pour être aussi chanceuse ?! Il y a un an, j'étais en train de tout perdre, mais en réalité, je ne faisais qu'évoluer pour mieux changer.

The Shadow WriterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant