𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟔 - 𝑳𝒆 𝒕𝒓𝒂𝒒𝒖𝒆𝒖𝒓

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Je faisais toujours le même rêve, celui où j'étais en vie et où elle mourait. 

Tout ce que je me rappelais, c'était le crissement des pneus dans la ruelle en face du magasin où j'attendais, une guitare en main. 

Caprice d'enfant, drame d'adulte, son hurlement déchirant, s'était élevé au-dessus des nuages ce jour-là. 

Au moment où je l'ai vu, allongée sur le sol graveleux, j'ai su que quelque chose de terrible venait de se produire. 

Au loin, un pick-up gris métallique prenait la fuite, laissant derrière lui un gamin désœuvré et un cadavre. 

Une fraction de secondes pour hanter toute une vie.

Pas de témoins, pas de preuves et une infinité de questions sans réponses. 

J'étais resté comme ça, couché près d'elle, jusqu'à ce que les gyrophares de l'ambulance m'aveuglent au loin. 

Mon père était arrivé peu de temps après. Il avait dû batailler pour me récupérer: je m'étais logé si fermement dans les bras de ma mère que je ne l'avais même pas entendu me héler. Il m'avait ensuite déposé à l'arrière de sa voiture avec mes sœurs qui n'arrêtaient pas de pleurer. Moi,  j'y arrivais pas, mes yeux étaient secs, vidés par le chagrin. 

Les urgentistes avaient tout tenté sur place, mais le mal était fait. C'est seulement quand j'ai entendu mon père crier jusqu'au firmament que j'ai compris. 

Elle était morte. 

Là, devant cette boutique où je l'avais supplié de m'emmener. 

Elle était morte et je n'avais rien pu faire pour la sauver. 

Après quoi,  l'heure du coucher était devenu un mauvais moment à passer. Dès que je fermais les yeux, le cauchemar de ce jour-là se redessinait sous mes paupières. J'usais de stratagèmes idiots pour rester éveillé le plus longtemps possible. Surtout, ne pas s'endormir. Je me répétais cette phrase en boucle dans l'espoir de ne pas avoir à affronter cette image d'elle et de son corps pâle qui me terrifiait. 

Mais avec le temps, cette peur avait laissé place à un sentiment que j'avais de plus en plus de mal à contrôler : la vengeance, alors, sitôt que j'en avais l'occasion, je m'endormais pour fouler à nouveau les dalles grisâtres de cette ruelle où je l'avais laissé pour la dernière fois. 

Ces instants volés, je les chérissais autant que je les haïssais. Je nous revoyais dans la petite boutique du vieux Léandre juste avant le drame. Le sourire aux lèvres, je me baladais dans les allées à la recherche de cette guitare qui ferait vibrer mon cœur. Ma mère était là, tout près de moi, elle passait ses mains dans mes cheveux ébouriffés. J'étais tellement absorbé par le bonheur tiraillant nos joues que j'oubliais que ce n'était qu'un rêve et qu'il prendrait fin d'une minute à l'autre. 

Red Lightning Strike | Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant