La curiosité est un défaut mortel et Amélie en a fait les frais.
Contrainte d'oublier ce qui, des mois après, hante encore ses nuits, la jeune femme tente, tant bien que mal, de se reconstruire et de laisser le passé là où il est.
Mais alors qu'el...
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Je pénétrais dans la pièce calfeutrée sans me retourner et une impression de déjà-vu m'envahit : rien n'avait changé depuis l'altercation avec Jonah. Cette même table métallique et froide qui trônait au centre, cette odeur de désinfectant qui empestait à des kilomètres et lui, assit là où d'autres avaient souffert le martyr.
Ils ne l'avaient pas attaché. Une simple constatation qui réussit à me retourner l'estomac. Louis Tomlinson n'était pas un client lambda et ce petit traitement de faveur le prouvait bien. Ils voulaient s'amuser avec lui, le voir ramper au sol, l'entendre supplier pour sa vie. Et je ne doutais pas que c'était ce qu'il ferait après que je l'aurais passé à tabac. Ils finissaient tous par le faire quand on savait où appuyer.
Avec le temps, j'avais intégré les mots et les gestes qu'il fallait. Ceux qui faisaient mal, qui picoraient la chair et l'âme. J'avais appris à laisser ma propre peur de côté pour aspirer celle des autres. C'était simple, rapide. Je prenais la vie qui pulsait en eux, leurs espoirs, leurs rêves et je les laissais croupir sur cette chaise, sans rien à quoi se raccrocher. C'était mon job.
Sauf que cette fois-ci, ce serait différent. Je connaissais ma victime, je connaissais ses amis et je ne savais pas comment j'allais séparer mon cœur de ma raison, comme j'allais pouvoir frapper avec mes poings sans laisser ma conscience m'en empêcher, comment j'allais être encore capable de me regarder dans une glace après ça. Je ne savais pas. Je jetais une œillade au mécheux et l'enviais presque. Qu'est-ce que j'aurais aimé être un automate, un robot sans émotions, une machine faite de tôle et de vis. Ouais...qu'est-ce que j'aurais aimé ne pas ressentir ce que je m'apprêtais à lui faire subir.
Mais c'était impossible, parce que j'étais là et lui aussi. Parce que tout ça, ce n'était que le résultat inévitable des mauvais choix que j'avais fait jusqu'à là. Effet papillon. Tout dans la vie à un prix et quand on agit en salop, faut pas s'attendre à s'en tirer sans payer l'addition.
Je pris place sur la chaise libre en face de lui, les mains à plat sur la table. Il ne broncha pas, continua juste de fixer un point invisible derrière moi. Alexandre et Alicia étaient assis sur un des comptoirs du fond, le regard braqué sur nous. Ils me faisaient penser à des parieurs de chevaux prêts à profiter du spectacle depuis leurs gradins, à la seule différence qu'ici, on ne misait pas sur la vie.
— T'es prêt à nous dire ce que tu foutais chez Alicia ?
Ma voix manquait de fermeté, les mots trébuchaient sur ma langue. J'avais peur et mon blouson me collait à la peau. Il fallait que je me ressaisisse.
Le mécheux sembla enfin me voir. Il se gratta le menton, un sourire niais en bandoulière. Putain. Je m'attendais à tout, mais surtout au pire.
