Chapitre 67 : Sédation

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Dans les méandres d'une solitude éternelle, son sourire hantait ses pensées. Il pouvait encore sentir sa chaleur sous ses phalanges, il la voyait s'évaporer dans ses songes, elle était comme du sable, filant entre ses doigts. Par une nuit sans lune, elle avait disparu, emportant avec elle toute la lumière du monde, de son monde. Il allait suffoquer dans un monde obscur comme celui dans lequel il avait grandi entrant en collision avec des sentiments qu'il n'avait jamais connu jusqu'à leur rencontre.

Le soldat droit et juste, le Caporal au service de son Major, le héros au service de l'humanité, avait une nouvelle fois, fait ce qu'on attendait de lui. L'homme lui, avait failli à sa tâche, il avait été évincé par la soif d'héroïsme qui sommeillait dans son âme de guerrier. Il ne pouvait abandonner le bataillon, il ne pouvait pas abandonner sa famille.

Dans ce monde en constant changement, ses sentiments étaient restés inchangés, il n'y avait pas à tergiverser, à se mentir, elle était coupable, c'était sans appel.

Alors ? Pourquoi était-il impossible pour lui d'éteindre cet incendie qui portait son nom, qui embrasait son cœur et avait réduit son ego en cendre ?

Son âme était à l'agonie lorsqu'il l'imaginait disparaître, mais il ne pouvait pas se laisser emporter par les flots de la peine, il connaissait la douleur de la perte, il se connaissait, il savait. Il savait tout. Il l'avait toujours su, il s'était épris d'une menteuse, il s'était épris de son odeur de son charme, de son visage et de son corps.

Elle n'était pas réelle, alors : pourquoi il était incapable de tirer un trait sur ce qu'il avait vécu avec elle, ce qu'elle lui avait fait ressentir ?

Est-que quelqu'un pouvait lui dire comment se sauver ? Comment ne pas perdre ? Se perdre ? Qui était-il sans sa force, avec ce vide ?

Il était en chemin pour la prison militaire de Trost, là, il l'aurait face à lui, il pourrait lui poser toutes les questions qu'il voulait, il pourrait lui poser la question.




L'odeur de l'humidité me réveilla au même titre que les gouttes qui tombaient régulièrement sur ma tempe. Je mis quelques secondes à me rappeler de là où j'étais et pourquoi je m'y trouvais.

Le bruit de l'eau ruisselante guidait mon regard à travers mon environnement : j'étais dans une cellule, similaire à celle où j'avais été enfermée lors de mon arrivée à la Capitale. Les pierres emboîtées les une dans les autres formaient les murs et le plafond elles retenaient l'humidité créant l'atmosphère inconfortable des lieux.

Je m'assis sur la paillasse qui m'avait servi de couche, elle était si fine que je sentais presque les dalles qui habillaient le sol sous mes fesses. Encourageant les frissons qui parcouraient déjà mon corps.

Je portais encore la chemise de nuit dans laquelle Sasha m'avait tiré de mon sommeil et Levi de mon lit. Je ne savais pas combien de temps, j'avais dormi, s'il faisait jour, s'il faisait nuit. C'est en passant la main dans mes cheveux emmêlés que je réalisais que j'avais sans doute eu un sommeil agité, comment ne pas l'avoir après m'être fait arrêter comme la pire des criminelles ?

Je tentais de me coiffer avec mes doigts comme si mon apparence avait encore une quelconque importance, les pensées inertes et infertiles.

Mais que devais-je bien penser, seule dans le noir à contempler l'échec que je devais appeler vie ?

Le sol s'était dérobé sous mes pieds et j'avais été incapable de me rattraper à quoi que ce soit, à qui que ce soit. J'avais du mal à réaliser que le Caporal Chef m'avait livrée à la police militaire, m'avait-il trahi ou avait-il seulement fait son devoir ? Foutu devoir. C'était son sens de l'honneur qui nous avait condamné, qui avait descendu ce qui nous liait en flamme. Il ne restait même plus les cendres de ce que nous avions.

La Princesse des Rues  - LEVI X READEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant